Depuis l'automne 1936, le régime national-socialiste allemand intensifiait ses assauts contre les ordres religieux –obligation d'inscription à la Hitlerjugend, mesures restrictives contre les séminaristes, entraves à la diffusion de documents pastoraux… Le Concordat de 1933 était violé ouvertement et la conscience des fidèles comme jamais auparavant. Cependant l'Eglise qui avait suivi les évènements avec une anxiété croissante, se contentait publiquement de rester sur la défensive. Dans de nombreuses notes, le Saint-Siège s'était toutefois élevé contre les violations systématiques du Concordat. Au printemps 1937, le pape Pie XI exposa finalement ses griefs dans une encyclique qui fut introduite clandestinement en Allemagne, secrètement imprimée et distribuée par messagers en l'espace de quelques jours au clergé du pays. Le 21 mars, dimanche des Rameaux, l'encyclique Mit Brennender Sorge fut lue en chaire, dans toutes les églises catholiques du Reich.
Pie XI, à la tête du Vatican depuis 1922 s'adresse ici aux évêques, et par leur biais aux fidèles de l'Eglise catholique. Mais ces trois mots Mit Brennender Sorgue –qui signifient « Avec une vive inquiétude- situent une étape dans les relations du national-socialisme et du Vatican. En effet, le pape souhaite dans cette lettre s'exprimer sur « la situation de l'Eglise catholique dans le Reich », car son entourage lui dépeint une réalité de plus en plus sombre. Toutefois, cet extrait dépasse largement le strict cadre religieux pour dresser un véritable réquisitoire à l'intention des dirigeants nazis.
[...] Et si le pape réprouve le racisme, c'est parce que l'idolâtrie de la race -en l'occurrence aryenne germanique- signifie l'exclusion et le mépris de ceux qui n'y appartiennent pas, les juifs en particulier, même s'ils ne sont pas mentionnés en tant que tels. Cet extrait est tiré de la partie intitulée Vraie foi en Dieu Le pape fait un rappel du credo chrétien et conteste les articles de la religion nazie, le christianisme positif C'est –face au néo-paganisme nazi- une explication systématique de tous les fondements de la foi chrétienne. [...]
[...] En effet, si l'encyclique interpelle directement l'Allemagne, le national-socialisme n'est nulle part désigné. Toutefois le message est suffisamment clair, voir brutal –d'ailleurs de manière inhabituelle pour ce type de document qui reste généralement obscur pour ceux qui ne sont pas initiés- pour laisser transparaître la condamnation non pas du régime, mais de sa philosophie. Le pape réaffirme l'importance des articles de foi obscurcis par l'idéologie nazie. La véritable croyance en Dieu est inconciliable avec la déification des valeurs terrestres telles que la race, l'Etat, la nation. [...]
[...] Elle est le complément politique indispensable à la compréhension de Mit Brennender Sorgue pour justifier l'encyclique et répondre aux griefs de Berlin. Le Vatican y qualifiait le communisme de système aberrant et révolutionnaire et ne reprochait que certaines erreurs à d'autres mouvements politiques et idéologiques ( ) à l'intérieur de fronts de défense politique antibolchéviques Malgré tout, cette double publication constitue une percée dans le contexte politique international plus que permissif. Alors que tout le monde préfère Hitler à Staline ou Staline à Hitler, les deux encycliques traitent le rouge et le brun de la même façon. [...]
[...] Le pape tient en effet dans un certain sens son rôle de gardien de la chrétienté. Et la dénonciation de situations précises d'oppression relève des comportements constants du Saint-Siège lorsqu'il doit blâmer des pouvoirs politiques qui contrôlent des minorités catholiques. De plus, la phase de crise de début 1937 est bornée au dépit du Vatican de ne pas recevoir de réponses à toutes ses notes et démarches. La tactique d'Hitler tend, de fait à faire croire aux responsables de l'Eglise catholique que les garanties de la liberté cultuelle dépendent proprement de la fin de toute intervention, même indirecte dans la vie politique. [...]
[...] L'encyclique est d'un ton modéré et s'efforce à situer la vraie foi en Dieu face à la prétendue conception des anciens Germains d'avant le Christ La portée en est d'abord et avant tout doctrinale pour le Saint-Siège. Sa crainte majeure, ainsi que celle de l'épiscopat allemand, est la décomposition de l'intérieur de la catholicité allemande soumise aux pressions idéologiques d'une doctrine qui tendait à devenir aussi celle de l'Etat. Mais le nazisme fut plus un système qu'une idéologie néo-païenne. En ce sens, l'encyclique Mit Brennender Sorgue a pu surestimer la cohérence et l'influence de la doctrine. [...]
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