La frontière est cette ligne qui trace la différence avec l'autre et détermine ainsi l'identité de la « communauté politique imaginée » qui se cache derrière elle, quelle que soit sa taille ou sa spécificité culturelle. Bien plus que des faits géographiques ou des institutions juridiques, les frontières sont des marqueurs d'identités, des instruments de défense culturelle, qui par leur fonction de cloisonnement ou d'ouverture, incluent ou excluent des franges entières de la population. Depuis la chute du communisme, que d'exemples à l'appui de cette image dans les conflits européens, qui n'opposent plus des Etats mais des groupes humains, que ceux-ci soient ethniques, religieux, ou culturels. L'histoire fait en effet preuve que les identités de ces groupes sont le produit de facteurs sociologiques, des constructions sociales qui sont liées à des circonstances historiques, des configurations fluides, évolutives en fonction des politiques menées à leur égard. Et c'est pourquoi la question de la gestion des minorités est un élément crucial de la question des frontières, à l'échelle du continent comme à l'échelle d'un territoire carrefour qu'est celui de la Bulgarie.
[...] Les autorités turques ne reconnaissent notamment pas certains massacres dont l'ampleur est exagérée par les autorités bulgares. Un autre débat est celui de la colonisation au sens de colonisation de peuplement : elle est mise en doute, ce qui signifierait que les Turcs qui vivent en Bulgarie n'ont peut-être pas d'origine ethnique turque, mais qu'ils se seraient convertis devant la puissance de l'Empire. Et c'est avec l'argument d'un soi-disant retour aux noms et à la langue des origines que Zivkov justifie la politique d'assimilation par la violence de 1984. [...]
[...] Avec l'effondrement du bloc communiste, la résolution de la question des minorités apparaît comme un préalable indispensable à la construction et stabilisation du régime démocratique puisque la Bulgarie est menacée d'éclatement. Après quinze ans de transition démocratique et de libéralisation du marché économique, aucune minorité n'a cherché à faire sécession, et le nationalisme bien qu'il existe avec Ataka, est loin s'être aussi agressif que celui de ses voisins. Pour autant, il reste pertinent de se demander dans quelle mesure la réponse aux tensions apportée par le modèle ethnique bulgare dès l'instauration de la démocratie permet-elle de résoudre les problèmes liés aux différentes minorités, de manière durable et conformément aux standards européens ? [...]
[...] Des actions communes pourraient être menées pour les échanges interculturels, la gestion partagée de l'héritage culturel, et l'organisation de projets artistiques de grande ampleur, qui ne peuvent que contribuer aux bonnes relations de voisinage en plus de créer de nouveaux produits et possibilités d'emplois connectés à d'autres secteurs. Cette coopération semble officiellement avantageuse pour tous les acteurs locaux et dans l'intérêt de l'Union, mais l'analyse montre des résultats contrastés. La Bulgarie, nouvelle frontière de l'Union Depuis l'entrée dans l'OTAN et dans l'UE, la coopération politique entre la Bulgarie et la Turquie s'est aussi renforcée du fait de l'optique euratlantique commune, et de la prise de conscience du rôle partagé de maintien de la stabilité qui leur a été implicitement attribué dans la région de la mer Noire. [...]
[...] En effet, en permettant au MDL, comme aux petits partis d'obédience chrétienne, de concourir aux premières élections démocratiques en juin 1990, la Bulgarie fait le bon choix stratégique. Les stéréotypes négatifs de la majorité slave orthodoxe envers des minorités accusée de servir de cheval de Troie à une Turquie fanatisée par la foi musulmane des stéréotypes s'inscrivant dans l'histoire longue de la construction stato-nationale en Bulgarie, exacerbée par la propagande du régime communiste n'ont pu, dès lors, recevoir de traduction radicale dans le champ politique au cours des premières années de transition. [...]
[...] Ainsi, en 1990, la décision de tolérer le MDL alors qu'il était un parti à base ethnique et donc interdit par la Constitution, est largement motivée par un certain sentiment de culpabilité de la population bulgare qui a sinon soutenu du moins laissé le gouvernement mener sa politique de bulgarisation. Du côté turc, ceux qui fuyaient cette politique puis ceux qui ont vécu la démocratie comme une émancipation culturelle ont découvert une Turquie où le rapport homme/femme et le système social leur étaient plutôt défavorables, et où la rigueur religieuse les faisait passer pour de mauvais musulmans. Ces populations ont alors pris conscience de leur véritable condition de minorité nationale, telle que l'on est toujours l'étranger. [...]
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