Michel Foucault et la théorie marxiste de l’Etat

Résumé du document

Si l'État a fasciné – et fascine encore - les théoriciens du politique et suscite un nombre toujours grandissant de travaux, il n'en reste pas moins qu'une partie des ces analyses partagent une approche commune de la question. Ainsi, leur but est généralement de théoriser l'État comme une totalité, d'en arriver à produire un discours cohérent sur sa nature, ses fins, ses moyens, etc. La conceptualisation par K. Marx de l'État et plus généralement la théorie marxiste de l'État illustrent parfaitement cette approche. En effet, bien qu'éminemment critique, la théorie marxiste de l'État est aussi unificatrice : elle cherche avant tout à comprendre l'État comme une totalité.

Ce type d'approche quant à l'État sera progressivement remis en cause au cours du XXe siècle, pour favoriser un ensemble de perspectives reliées aux pratiques et aux techniques étatiques. Ainsi, c'est vers la fin des années 1970 – en pleine désillusion face au « socialisme réel » – que M. Foucault va tenter de dépasser les approches globalisantes de l'État et du pouvoir pour s'attarder à l'objectivation des pratiques du pouvoir – qu'il émane de l'État ou non.

Extraits

[...] et F. Engels, Op. cit., p.59 FOUCAULT, M., La volonté de savoir, Gallimard, Paris p. 121-122 FOUCAULT, M., sujet et le pouvoir», Dits et écrits, T. IV, Gallimard, Paris p FOUCAULT, M., Pouvoir et corps Dits et écrits, T. II, Gallimard, Paris p Certains auteurs se réclamant du marxisme (A. Gramsci) ou fortement influencés par Marx (H. Marcuse et l'École de Francfort) divergent de cette position orthodoxe et proposent des analyses différentes qui ont, entre autres, influencé Foucault. [...]

[...] Mais il ne peut pas donner à l'une sans prendre à l'autre.»[4] Selon Marx, Bonaparte représente la paysannerie réactionnaire en opposition à la bourgeoisie et au prolétariat français. Ainsi, son pouvoir reposant sur la classe paysanne, il ne peut aller à l'encontre de ces intérêts et tenter de satisfaire les classes dominées. On notera que l'État peut aussi être le résultat d'un compromis entre plusieurs classes cherchant à dominer l'ensemble de la société. Par exemple, pour Marx, l'État absolutiste des XVIIe et XVIIIe siècles résulte de l'ascension de la bourgeoisie face à l'aristocratie européenne alors en perte de puissance. [...]

[...] C'est quand les rapports de production existants limitent l'accroissement des forces productives que la classe montante révolutionnaire doit renverser la classe dominante et asseoir son pouvoir sur le reste de la société à l'aide de l'appareil d'État. Ainsi, les transitions aux différents modes de production distingués par Marx (esclavagiste, féodal et capitaliste) s'accompagnent de révolutions dans la forme de l'État. Selon la théorie marxiste, les sociétés humaines débutent à un stade dit du «communisme primitif», puis l'État apparaît progressivement suite à la division sociale du travail. [...]

[...] En dernier lieu, la théorie marxiste va affirmer que le dépassement du capitalisme impliquera le dépérissement de l'État. Selon un schéma bien connu, Marx va poser que les contradictions économiques inhérentes au capitalisme (anarchie de la circulation, surproduction, baisse tendancielle du taux de profit, etc.) amèneront à un conflit entre les forces productives et les rapports de production existants. Les crises de l'infrastructure se répercutant dans la superstructure et la lutte des classes s'accentuant le prolétariat prenant progressivement conscience de son rôle révolutionnaire on assisterait ainsi à l'émergence d'un climat politique et social favorable au dépassement du capitalisme. [...]

[...] C'est donc à partir de cette approche du pouvoir et de l'État que la théorie foucaldienne permet une critique des conceptions marxistes. Par ailleurs, plusieurs intellectuels vont soit tenter d'intégrer les critiques de Foucault afin d'actualiser la théorie marxiste de l'État (N. Poulantzas), soit s'appliquer à les remettre en cause (J. Holloway) ou encore chercher à proposer une synthèse des différentes théories (T. Negri). Pour commencer, nous examinerons dans ce travail la théorie de l'État développée par Marx et les courants marxistes qui l'ont suivi. [...]