Redonner de la cohérence à la possession, capitalisme dépossédant, Rousseau, acte d'appropriation, droit de propriété, John Locke, Thomas Piketty, mouvements altermondialisme, société de consommation, insécurité sociale, paradoxe du possesseur non propriétaire
"Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : ceci est à moi et trouva des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile". Selon Rousseau dans le "Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes" (1755), "le pêché originel" de la société civile serait donc un acte d'appropriation, établissant une inégalité artificielle, mais fondatrice de l'organisation humaine. Pourtant, depuis le XVIIe siècle en Occident, le droit de propriété est une liberté fondamentale théorisée par John Locke dans son "Traité du gouvernement civil" (1690) comme étant liée à la nature intrinsèque de l'être humain. Propre, collective ou "res nullius" et malgré le droit dont elle découle, la propriété a donc été historiquement controversée. Cependant, s'approprier n'est pas posséder, soit considérer avoir en son pouvoir une chose physique ou morale afin d'en tirer profit et jouissance.
[...] De même, Raphaël Liogier, moins reconnu mais professeur à Sciences Po Aix, entend lui aussi substituer à la propriété privée la « possession individuelle » ne garantissant alors aucun droit concernant l'accumulation des biens « non utilisés », selon lui improductifs. Il serait impossible de lister toutes les solutions disponibles pour la rationalisation de la possession, cependant on constate non pas un manque d'alternatives, mais un blocage au changement. Cet obstacle a un double visage, qui est la gouvernance et la société occidentale elle-même. [...]
[...] L'argent devient alors valeur suprême et les hommes cherchent à le posséder, tout comme ils cherchent à posséder le temps et l'espace. Jean Baudrillard - La Société de consommation « Le temps découpable, abstrait, chronométré, devient ainsi homogène au système de la valeur d'échange : il y rentre au même titre que n'importe quel objet. » La multiplication des possessions parallèlement à la dépossession font grimper les inégalités. Posséder n'a donc, dans cette dernière optique, plus de sens. Mais la dichotomie possesseur et possédé est-elle si simple ? [...]
[...] Ils n'impliquent pas automatiquement un droit de disposer de la chose, qui, dans ce cas, constitue juridiquement la propriété. Il est donc possible de posséder « de bonne foi » sans être propriétaire ni léser les droits d'autrui ou au contraire, en dérobant. Dans cette perspective péjorative, le passif « être possédé » implique effectivement une infiltration démoniaque non consentie. Ainsi, le possesseur peut-il être ce démon, en agissant sur un objet dont il n'est pas le titulaire tout en se considérant comme tel ? [...]
[...] Comment donc faire évoluer le concept de possession, soit les biens, le capital, le patrimoine, et le travail pour les rendre de-nouveau raisonnables ? B. Des solutions pour redonner de la cohérence à la possession et la rendre raisonnable existent, mais les institutions fondamentales occidentales sont trop ancrées dans l'esprit des hommes hétéronomes pour être changées Les solutions pour contrôler et redonner du sens à la consommation excessive, au capital prédominant, au patrimoine accumulé et inégal et au travail aliénant existent, et sont même nombreuses. [...]
[...] Ils peuvent donc être à la fois possédés et possesseurs. De ce fait, nous sommes aliénés par le système capitaliste tout en restant « maître de notre destin, capitaine de notre âme » (William Ernest Henley). En effet, l'ouvrier de chez Hyundai en Corée du Sud ou de Renault en France, se sentant dépossédés de leur force de travail, ont usé du panel des droits qu'ils possèdent, comme celui de la liberté d'expression et de grève, incarnant en ce sens des possédé-possesseurs, utilisés par leurs employeurs mais titulaires de droits. [...]
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