S'interroger sur la nature actuelle des régimes politiques issus de l'effondrement du système socialiste, nécessite une définition préalable du concept de démocratie. En effet, si l'analyse conceptuelle des régimes antérieurs n'est pas aisée, il apparaît tout aussi délicat de caractériser ceux qui les ont remplacés au cours des dix dernières années.
Si l'on se réfère aux nombreux travaux affectant la question, on voit apparaître un paradigme, que l'on peut qualifier de dominant, examinant les «transitions» à court terme :
Etude des «transitions» comme des processus ayant un début (la crise du régime autoritaire) et une fin (correspondant au début de la consolidation démocratique). S'intéressant prioritairement aux élites –définies comme un groupe de personnes qui, grâce à une position stratégique occupée dans les organisations importantes, est en mesure d'influer sur la politique nationale de manière substantielle- dont le degré de confiance réciproque et de coopération est capital pour la stabilité démocratique, il donne à la démocratie un contenu presque exclusivement institutionnel évitant de réfléchir sur le type de démocratie qui résulte de la «transition». Cette voie unique repose sur une définition normative de la société qui est appelée uniquement à réagir et à s'adapter.
Nous pensons que cette vision trouve sa réalisation pratique dans les critères de base, définis par la Commission européenne, à remplir pour envisager l'adhésion à l'union européenne : « que le candidat ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection» .
Ce paradigme réduit la «transition» des sociétés postcommunistes à un processus de transformation du champ politique et institutionnel (Etat de droit, élections, multipartisme), ainsi qu'à la mise en place de mécanismes économiques (privatisations, limitation des dépenses publiques…) devant conduire à l'établissement de systèmes comparables à ceux fonctionnant à l'Ouest. Pourtant la transposition des principes d'organisation politique et économique régissant les démocraties occidentales n'allait pas de soi à la fin des années 80. Le foisonnement des mouvements informels en Europe de l'Est et en Russie au cours des années 80 ont représenté une véritable initiative d'en bas. En Tchécoslovaquie, tous les mouvements d'opposition se sont rassemblés en un Forum civique qui est devenu le centre de la «Révolution de velours» de novembre 1989. Au cœur de la vision politique du Forum se trouvait le refus de toute centralisation hiérarchique. Il fonctionnait encore sur l'idée, issue de la période de la dissidence, que les relations interpersonnelles sont davantage dignes de foi que les logiques d'appareil. En Roumanie, qui le seul pays à avoir connu la révolution violente comme mode de sortie du communisme, le Front de Salut National a revendiqué dès décembre 1989 l'instauration d'une démocratie originale. Le régime imaginé par les nouveaux dirigeants aurait laissé deux acteurs principaux - la masse et les personnalités- unis dans un rapport «pseudo-contractuel». En Russie, également, la participation s'était développée en dehors du parti communiste, mais se dernier avait également suscité des initiatives. Pourtant ses projets ont rapidement cédé la place à un régime politique qui a consacré l'alignement théorique de ses Etats sur les systèmes politiques en vigueur.
Le point focal du paradigme dominant étant les acteurs, et plus concrètement les choix stratégiques des élites en vue de la consolidation de la démocratie, toutes les actions collectives extérieures à ces élites sont marginalisées, voire pensées comme un facteur de trouble. Ces théoriciens excluent donc de la définition du concept de démocratie tout paramètre socio-économique. En s'interrogeant sur la situation des «sans pouvoir» (Vaclav Havel), il nous sera possible de mettre en lumière des réalités que le paradigme dominant exclues de son champ d'analyse.
Dans un premier temps nous verrons les procédures qui ont permis l'instauration d'une démocratie formelle ainsi les obstacles encore persistant. Dans un second temps nous verrons, en partant de l'analyse des conditions sociales actuelles, si les sociétés ont mis en oeuvre d'autres stratégies que celles des élites.
[...] Ce dernier se retourne alors vers sa famille (des études sociologiques menées en Russie attestent que la famille est la valeur à laquelle les Russes tiennent le plus) et ses réseaux amicaux, «seuls domaines où se manifestent des comportement de réciprocité C'est à l'intérieur de ces réseaux que se construit la vie quotidienne permettant à la fois la survie et l'adaptation de l'individu. Cette confiance envers les proches est marqué d'une méfiance à l'égard de l'autre et donc d'une absence de solidarité en dehors des «siens». Comme les pratiques de «débrouille», ces relations informelles contribuent au fonctionnement de la société, à sa stabilisation mais elles sont peu susceptibles de déboucher sur un contenu politique. La situation socio-économique est la cause majeure de cette absence de mobilisation. [...]
[...] En Russie le conflit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, censé incarner la volonté populaire a culminé en 1993 avec la dissolution puis l'assaut mené contre le Parlement. Malgré ces dérives autoritaires du régime Boris Eltsine a été soutenu par l'ensemble des démocraties occidentales. L'élection de son héritier, Vladimir Poutine, en mars 2000 aurait, selon une enquête menée par The Moscow Times, connu des fraudes massives (falsification de bulletin, pression, mobilisation de l'administration pour faire élire Poutine). Bien que de nombreux observateurs craignent la dérive autoritaire de son régime, ce dernier revendique toujours la démocratie comme source de légitimité : «L'autoritarisme, c'est le mépris des lois. [...]
[...] Pour Jean-Michel de Waele, cinq clivages structurent la vie politique en Europe de l'Est[13]. Le clivage urbain/rural s'explique par la persistance des populations paysannes mais aussi par coût des réformes dans les campagnes». Ces réformes dans les campagnes ont été également pour Katherine Verdery une des causes de la résurgence du sentiment national. En Roumanie, la privatisation des terres et la compétition en découlant, à provoquer des tensions entre les Roumains et certaines minorités (allemande principalement)[14]. Le clivage centre/périphérie nous montre qu'en République tchèque les principaux partis s'inscrivent dans le «versant centraliste». [...]
[...] D'autre part un «conflit d'ordre culturel», spécifique aux Etats de l'ancien bloc socialiste, entre «parti autoritaire» et «parti démocratique». Le Parti de la Grande Roumanie de Vadim Tudor, candidat au second tour des élections présidentielles, symbolise la défense de l'identité et des spécificités nationales. L'instauration d'une démocratie formelle, malgré les obstacles que peuvent rencontrer les différents acteurs de ce nouveau jeu politique, ne doit pas nous faire oublier la situation précaire de la majorité de la population et notamment de ceux qui avaient pu être à l'origine des mobilisations sociales des années 80. [...]
[...] Dans quelle mesure peut-on qualifier les pays de l'est et la Russie de pays démocratiques ? (République tchèque, Roumanie, Russie) INTRODUCTION S'interroger sur la nature actuelle des régimes politiques issus de l'effondrement du système socialiste, nécessite une définition préalable du concept de démocratie. En effet, si l'analyse conceptuelle des régimes antérieurs n'est pas aisée, il apparaît tout aussi délicat de caractériser ceux qui les ont remplacés au cours des dix dernières années. Si l'on se réfère aux nombreux travaux[1] affectant la question, on voit apparaître un paradigme, que l'on peut qualifier de dominant, examinant les «transitions» à court terme : Etude des «transitions» comme des processus ayant un début (la crise du régime autoritaire) et une fin (correspondant au début de la consolidation démocratique). [...]
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