Conçu comme “clef de voûte des institutions” (discours de M. Debré devant le Conseil d'Etat, 1958), le Président de la République s'est, dès les origines, imposé comme organe “pivot” du système institutionnel instauré par la Cinquième République. En effet, tant les conceptions du Général de Gaulle que la pratique ont tendu à conférer à cet organe un rôle majeur.
La Constitution consacre la prééminence de la fonction présidentielle. Et son article 5 d'identifier une triple fonction : gardien de la Constitution, arbitre national chargé du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, de la continuité de l'Etat et disposant de prérogatives majeures telles que le choix du premier ministre et le droit de dissolution, garant de la diplomatie et de la défense. L'ensemble de ces pouvoirs et les prérogatives qui y sont attachées constituent la dimension institutionnelle de la fonction présidentielle.
En outre, tant la pratique que les divers “styles présidentiels” ont contribué à renforcer l'assise présidentielle en conférant à la fonction une dimension politique. Le mouvement en a été lancé par la réforme de 1962 instaurant l'élection du président au suffrage universel direct. En effet, celle-ci a doublé la légitimité présidentielle d'un volet populaire, attribuant au chef de l'Etat une responsabilité politique se situant au delà de l'exercice pur et simple des pouvoirs constitutionnels. Au fil des mandats et des personnalités, le Président est passé du rôle originel d'arbitre au dessus des partis, à celui de capitaine, chef d'une majorité politique, fort de laquelle il a pu procéder à une lecture largement extensive de la Constitution, notamment quant à la répartition des pouvoirs au sein de l'exécutif...
La fonction présidentielle s'est ainsi consolidée jusqu'en 1986, date à laquelle survint la première cohabitation, ainsi que la nomma Mitterrand. La cohabitation peut être définie comme une situation politique dans laquelle le Président de la République ne dispose pas d'une majorité politique de gouvernement.
Quid de la fonction politique du chef de l'Etat en de telles circonstances ? Quelles répercussions cela a-t-il sur la fonction institutionnelle ?
Examiner les effets des successives cohabitations sur la fonction présidentielles, c'est non seulement en observer l'exercice qui en est résulté, mais surtout se pencher sur le rôle présidentiel ainsi dégagé. En effet, ce sont, dès les origines, les conceptions de la fonction qui en ont façonné l'exercice. On ne peut se départir de ce point dans l'étude de l'impact de la cohabitation sur la fonction présidentielle. Aussi, la question se pose-t-elle de savoir à quelle conception de la fonction présidentielle la cohabitation correspond-t-elle ? Quel exercice de cette fonction augure-t-elle ?
En l'absence de majorité politique, le Président, objet du désaveu populaire, voit son rôle de capitaine réduit à une magistrature d'influence (I), et la Constitution de 1958 de renouer avec la tradition parlementaire. Toutefois, si l'omnipotence du Chef de l'Etat a longtemps prévalu, ce n'est qu'au terme d'une interprétation extensive de la Constitution... Celle-ci consacre en effet sa prééminence, ce qui ne laisse pas le Président dénué de pouvoirs. “La Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution”, c'est déjà beaucoup. En outre, l'aptitude du Président de la République à se maintenir au delà du soutien de toute majorité politique souligne la dimension transcendantale de sa fonction ; a fortiori de son rôle. Et la conception arbitrale de se réaffirmer (II).
[...] Exemples de François Mitterrand avec les privatisations et de Jacques Chirac avec les Trente-cinq heures) Les “réserves présidentielles”. Mises en garde marquant du sceau de la suspicion l'action gouvernementale, les réserves émises par le Président de la République relèvent du domaine des pouvoirs éminents que lui attribue l'article 5. A l'instar de Mitterrand, le Président agi alors en sa qualité de gardien de la Constitution, de la cohésion et de l'intérêt national. Le Président s'érige alors en gardien, à ce titre, il peut émettre des réserves quant aux projets de loi discutés en Conseil des ministres en faisant valoir la sauvegarde d'un intérêt fondamental dont il est le garant. [...]
[...] Toutefois, son exercice, lors de la cohabitation, en révèle les limites et témoigne, avec une acuité certaine, de la position du Président dans de telles circonstances. Le Président ne peut aller contre la majorité parlementaire dégagée du vote populaire. Il est donc contraint à nommer le leader politique émanant de ladite majorité. Cette prérogative devient alors pouvoir exercé dans le cadre d'une liberté étroitement surveillée”. La mise en jeu de l'article 16. Très peu vraisemblable en période de cohabitation, parce que très risqué politiquement, le recours à l'article 16 est rendu quasiment impossible par la cohabitation. [...]
[...] Cette latitude, le Président la conserve, certes, dans une moindre mesure, en période de cohabitation, et ce, à travers l'exercice de deux facultés. - Le pouvoir de signature : si le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire, c'est au Président qu'il appartient de signer les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres. - Le pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires de l'Etat : c'est une compétence de principe attribuée au Président et subsidiairement au Premier ministre. [...]
[...] Carton, Daniel, Cohabitation, intrigues et confidences. Elgie, Robert, La cohabitation de longue durée : studying the 1997-2002 experience. Carton, Olivier, De la nécessaire anticipation constitutionnelle du phénomène cohabitationnel : libres propos autour d'une révision hétérodoxe de la Constitution de la cinquième République. Malouines, Marie Eve, Deux hommes pour un fauteuil : chronique de la cohabitation : 1997-2001. Cohendet, Marie-Anne, Cohabitation et Constitution. Ardant, Philippe, La dyarchie. Urvoas, Jean-Jacques, Eloge d'une hypocrisie : une interprétation de la Constitution de la Vème République. [...]
[...] Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution”, c'est déjà beaucoup. En outre, l'aptitude du Président de la République à se maintenir au delà du soutien de toute majorité politique souligne la dimension transcendantale de sa fonction ; a fortiori de son rôle. Et la conception arbitrale de se réaffirmer (II). I. Une fonction cantonnée, la présidence réduite à une magistrature d'influence ? La cohabitation augure un retour à la conception de 1946 : le Président de la République devient un chef d'Etat parlementaire. [...]
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