Le sujet "Mémoire et tradition" étant vaste, il convient de commencer en définissant les termes employés afin de pouvoir mieux les confronter. Le terme « mémoire » provient du grec mnémè. C'est la fonction par laquelle l'homme entretient son rapport au temps, fonction de rétention mais également de sélection du passé et qui reste ouverte sur l'avenir.
Nous nous pencherons dans cet exposé sur sa dimension collective, sur sa valeur d'histoire de la communauté des hommes qui, une fois assimilée par l'individu, lui permet de s'intégrer au groupe dans lequel il vit. La mémoire détermine ainsi une attitude collective des hommes face à leur histoire.
La tradition quant à elle rapporte au terme latin de tradere, remettre, transmettre. C'est l'héritage reçu et transmis culturellement, et jugé comme essentiel parce qu'il a le pouvoir d'établir des relations privilégiées entre les hommes. Confronter ces deux termes peut ouvrir une multitude de questions. Mais dans la perspective des Enjeux politiques, j'ai choisi de me pencher sur la crise actuelle de la tradition et de la mémoire collective comme fondement de la communauté sociale.
[...] L'homme, à trop vouloir respecter la tradition, peut être réduit à l'inaction. Nietzsche critique ainsi l'esprit de son temps, ces philistins cultivés qui entassent de la tradition sans en faire les catalyseurs de la vie. Il craint que la mémoire instituée par une tradition trop ancienne n'empêche finalement l'individu de s'adapter au monde changeant dans lequel il vit. Ce retournement de la vision philosophique de la tradition ne remet tout de même pas réellement en cause les fondements de la tradition et de la mémoire. [...]
[...] Ce qui s'efface ou n'a pas réussi à s'empreindre, nous l'oublierions et ne le saurions point. La tradition (marque dans la cire) apparaît ainsi comme la trace laissée par l'Histoire (les anneaux) dans la mémoire collective (la cire). Elle permet une sélection de l'Histoire, un tri entre ce qui va être jugé important dans un but principal: fabriquer une identité à une société humaine. Ces traditions sont légitimées par le temps et seront reconnues comme source de valeurs morales et politiques auxquelles pourra se référer l'individu. [...]
[...] La tradition ayant été manipulée par ces régimes pour créer une fausse mémoire, comment s'assurer de la valeur de sa mémoire ? La crise de la culture prend ainsi l'aspect de la perte de foi en ce qui permettait à l'homme de se situer dans son temps : sa tradition. Dans cette optique, comment l'individu peut-il appréhender le monde qu'il environne et se créer un avenir s'il ne croit pas en la valeur de ses origines ? Quelle tradition pour quelle mémoire aujourd'hui ? [...]
[...] La crise de la tradition ? La modernité, vue comme la croyance en la disparition des traditions, a été à l'origine d'une profonde crise : l'individu moderne ne sait plus dans quel lignage se placer, de quelle tradition se faire l'héritier. A travers la crise de la tradition, il y a ainsi une crise du lien qui unit le passé et l'avenir de l'homme. C'est ce qu'exprime Arendt en reprenant la phrase de René Char Notre héritage n'est précédé d'aucun testament Pierre Nora parle quant à lui de la fin des Sociétés-Mémoires : église, école, famille ou Etat, qui assuraient la transmission des valeurs, mais également des Idéologies-mémoires qui donnaient un sens à l'Histoire (marxisme par exemple) ainsi la conscience de la rupture avec le passé se confond avec le sentiment d'une mémoire déchirée Il semble ainsi que la mémoire traditionnelle et ancestrale ait laissé la place à une mémoire exténuée et en mal d'incarnation symbolique. [...]
[...] Alors que Theuth fait de l'écriture (donc de l'histoire, donc de la tradition) le remède absolu à l'oubli et à l'ignorance, le roi souligne qu'au contraire, l'histoire est un danger pour la mémoire car elle ne permet pas une intériorisation par l'individu. Elle reste externe et artificielle. Plus loin dans le texte Platon écrira que les discours écrits gardent gravement le silence et n'apportent pas les réponses aux questions des hommes vivants. L'écriture (l'histoire) est vue comme une mémoire artificielle, une fausse science qui ne permet pas de connaître le réel. Cette critique de la tradition va être reprise (et pratiquée) par les philosophes modernes. [...]
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