La médiatisation du système politique : enjeux et dangers

Résumé du document

En Italie, l'accession au pouvoir de Silvio Berlusconi constitue une illustration des liaisons dangereuses entretenues entre télévision et politique : le pouvoir politique s'avère être étroitement lié à la propriété de la quasi-totalité des chaînes de télévision.
Si nous n'en sommes pas arrivés à ce point en France, il n'en demeure pas moins que politique et médias sont très liés. Mais peut-on considérer la médiatisation comme un moyen pour la politique de toucher l'électeur-public plus facilement, quitte à accepter quelques contraintes, où bien comme une fin, c'est à dire que la médiatisation du politique aurait vu la victoire des médias au détriment du sens même de la politique ?

Extraits

[...] L'affaiblissement du système politique, causé par une autonomisation progressive de l'économie et de la société civile après les trente glorieuses, est à la source du nombre croissant d'abstentionnistes et d'indécis lors des élections : cet affaiblissement renforce donc la centralité sociale des médias. Déjà, ceux-ci soumettent à l'emprise du court terme l'information télévise, qui commence à être conçue comme une marchandise parmi d'autres. La tentation est grande, dés lors, de substituer les médias aux institutions politiques en déclin et de devenir le lieu où les collectifs associés au long terme se construisent. D'un autre côté, la communication politique évolue, et avec elle d nouvelles stratégies de ciblage. [...]

[...] La médiatisation télévisuelle impose un cadre configurant au message politique, de par les potentialités techniques, sémiotiques et relationnelles propres aux médias, ainsi que leur place centrale dans la société. Ainsi ils structurent les dispositifs communicationnels du politique. Les médias, et surtout le média télé, représentent à leur début une contrainte pour le discours politique. La télévision impose une manière de dire et d'être, de se tenir et d'apparaître. Elle contribue à la construction d'un nouvel ethos politique, de plus en plus profondément défini par les impératifs télévisuels. [...]

[...] Fille du livre et de l'écrit, la République s'exprime d'abord par des concepts (liberté, égalité, fraternité) et non plus dans un roi, c'est un régime "anti-iconique" dit Maurice Aghulon. La télévision nous entraînerait-elle vers un dépassé de république ? La démocratie d'opinion, si elle donne une grande importance à la personne des acteurs du politique, met aussi en valeur leur course au pouvoir, à l'aide des sondages d'opinion notamment. - Les sondages, information ou influence ? On imaginerait mal, aujourd'hui, une élection sans rituel télévisé ni sondages. [...]

[...] Le Pen a coiffé ses cheveux en arrière et abandonné sa raie sur le côté, dont la proximité avec la coiffure d'Hitler facilitait les caricatures. Les candidats, les acteurs du système politique, deviennent avec la médiatisation l'incarnation de leur parti, de leurs idées. Ainsi la puissance d'incarnation manifestée par un candidat traduit une aptitude à symboliser, à cristalliser un ensemble de valeurs dans les quelles doit se reconnaître le citoyen-public. Cela est étonnant, car la république avait rompu avec cette tradition qui ne conçoit le pouvoir qu'incarné. [...]

[...] La place centrale de la télévision dans l'espace politique contemporain suppose un profonde refonte du système de représentation classique. A la trilogie citoyens-gouvernement/chambres-partis, traditionnelles dans le fonctionnement de note démocratie, se substitue désormais la trilogie public-acteurs politiques-médias. De fait, la sphère politique est élargie par la substitution du public aux citoyens et l'accent, de plus en plus, est mis sur la nécessaire représentation qui conditionne plus que jamais la représentativité des hommes politiques. Tous ces bouleversements sont provoqués par la métamorphose du système de médiation entre les citoyens et les professionnels de la politique, où les médias se sont en partie substitués aux corps intermédiaires qu'étaient les chambres et les partis. [...]