Selon Patrick Champagne, « aujourd'hui, les groupes se disputent moins l'occupation de la rue que celle des premières pages des journaux ». Le sociologue français met ici l'accent sur le fait que les manifestations contemporaines se tournent de plus en plus vers les médias, au point d'en faire leur destinataire principal. Cette conception ouvre le débat sur les rapports entre la manifestation et les médias.
Une manifestation s'entend comme un « déplacement collectif organisé sur la voie publique aux fins de produire un effet politique par l'expression pacifique d'une opinion ou d'une revendication », selon Pierre Favre. Les manifestations contemporaines visent le plus souvent à « poser un problème sur la scène publique, à transformer des préoccupations particulières et des comportements privés en problèmes publics pour les inscrire sur l'agenda politique », toujours selon Pierre Favre.
Au XIXème siècle, le terme manifestation était bien plus vague qu'aujourd'hui, quoique d'usage courant. Il ne renvoyait, à l'époque, à aucun type d'action privilégié : c'était un terme général insistant sur le désir de garder un caractère pacifique à l'action engagée. La manifestation est, à l'origine, la preuve que le pouvoir est faible, qu'il vacille et qu'il est à prendre, puisqu'il n'est plus à même d'assurer l'une de ses tâches fondamentales, à savoir maintenir l'ordre dans la rue. Aujourd'hui, bien au contraire, la manifestation s'est banalisée, elle peut être une simple expression d'un point de vue ou d'un soutien sans aucune velléité de renversement du pouvoir en place. Une manifestation peut même parfois être l'occasion pour le pouvoir de se montrer fort, par exemple en ne cédant pas aux exigences des manifestants.
Aujourd'hui, la manifestation a le plus souvent lieu dans la rue, selon parcours qui a passe souvent par des lieux symboliques. La plupart des cortèges sont organisés, préparés à l'avance, et donc encadrés et surveillés par un service d'ordre. Mais parfois on assiste à des manifestations spontanées, qui font immédiatement suite à un évènement précis. La manifestation est donc destinée à exprimer un point de vue ou une opinion, pour cela elle utilise divers moyens : visuels (comme les banderoles, pancartes, autocollants, badges, déguisements, etc.) ou sonores (slogans, chants, discours, musique, etc.).
On parle de manifestation de rue pour désigner les manifestations « classiques », se déroulant donc dans la rue, et dont le but est de créer un rapport de force direct avec le pouvoir d'Etat. Mais ces dernières décennies, les médias – au sens large du terme - ont fortement perfectionné la couverture des manifestations. Si bien que l'impact de ces dernières dépend de plus en plus de leur visibilité dans les médias. Cela a conduit Patrick Champagne à parler, dès 1984, de manifestation de papier. Ce terme renvoie, selon l'auteur, à « une action mise en scène […] pour produire un maximum d'effets sur les médias et par là sur la population ». Ces manifestations de papier visent donc stratégiquement les journalistes (de la presse écrite mais aussi de plus en plus les médias audiovisuels) afin d'occuper l'espace médiatique et d'imposer la mise sur l'agenda d'un problème public. Il s'agit donc d'un nouveau rapport de force, cette fois indirect, qui vise à atteindre l'opinion publique via les médias.
A la lumière de ce concept novateur, on peut se poser la question suivante : dans quelle mesure la théorie de la manifestation de papier permet-elle de saisir les mutations actuelles des manifestations ?
Nous verrons que le modèle de la manifestation de papier constitue un renouvellement de l'analyse qui met en évidence le recentrage des manifestations sur les médias, constructeurs de l'évènement politique (I). Toutefois, nous verrons ensuite que cette analyse est relativisée par un rapport aux médias qui n'est pas nécessairement essentiel ou bénéfique pour les manifestants (II).
[...] Ce type de manifestation s'inscrit dans le modèle de Champagne, mais n'en reste pas moins largement minoritaire. Enfin, la troisième catégorie, est celle des manifestations qui sont tellement considérables que les médias ne peuvent les ignorer, et sont même saturées par leur couverture. Le but de la manifestation devient alors d'atteindre une telle ampleur que les médias ne peuvent pas se passer de les commenter, ce qui rend alors le rapport aux médias automatique Cette typologie des manifestations selon leur rapport aux médias est ainsi une limite claire au modèle de la manifestation de papier. [...]
[...] Au-delà, Pierre Favre montre que lorsqu'un mouvement global sature les médias, les initiatives les moins impressionnantes sont noyées dans des formules générales, du type : partout en France ou dans de nombreuses villes Pierre Favre met donc l'accent sur l'incertitude quant à la visibilité médiatique d'une manifestation, indépendamment de sa taille ou de son caractère novateur. Ces observations minimisent l'importance de l'écho médiatique des manifestations, qui dépend de nombreux facteurs hors de l'influence des manifestants. En ce sens, l'analyse de Champagne semble un peu trop simpliste. Elle ne prend pas assez en compte l'incertitude du traitement médiatique. [...]
[...] De la manifestation de rue comme rapport de force direct avec le pouvoir politique 1. Histoire de la manifestation On peut commencer l'histoire de la manifestation à plusieurs dates ; selon Vincent Robert, les premières manifestations modernes ont eu lieu dès 1848, favorisées il est vrai par une loi de 1848 autorisant les attroupements et par là même la réunion et le cortège dans un lieu public. L'objectif n'était pas de revendiquer des droits divers, mais plutôt de manifester son contentement ou son mécontentement à l'égard de la réinstauration de la République en France. [...]
[...] On peut donc affirmer que la couverture médiatique de la manifestation permet donc la sensibilisation de l'opinion, et par là même influe sur le pouvoir politique. Telle est la stratégie de la manifestation de papier Un principe basé sur le constructivisme en sciences sociales Le concept de manifestation de papier est réellement novateur dans la façon d'appréhender les manifestations, et plus globalement les mouvements sociaux. On se doit de faire un parallèle entre cette notion et l'approche théorique sur laquelle elle est basée. [...]
[...] Aujourd'hui, la manifestation a le plus souvent lieu dans la rue, avec un parcours qui passe souvent par des lieux symboliques. La plupart des cortèges sont organisés, préparés à l'avance, et donc encadrés et surveillés par un service d'ordre. Mais parfois on assiste à des manifestations spontanées, qui font immédiatement suite à un évènement précis. La manifestation est donc destinée à exprimer un point de vue ou une opinion, pour cela elle utilise divers moyens : visuels (comme les banderoles, pancartes, autocollants, badges, déguisements, etc.) ou sonores (slogans, chants, discours, musique, etc.). [...]
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