Majorité et minorité en démocratie

Résumé du document

Les débats virulents à propos de la loi sur le PACS (Pacte Civil de Solidarité), adoptée le 15 novembre 1999, montrent combien la démocratie est un champ de bataille qui oppose la majorité à une reconnaissance de nouveaux droits pour une minorité. La minorité est dérangeante par nature : elle se conçoit comme une remise en cause de ce que la majorité affirme et tient pour légitime. La majorité perçoit alors la minorité comme un groupe polluant les valeurs communément admises.

L'étymologie des deux mots « majorité » (latin « major » : ce qui est supérieur), et « minorité » (en latin « minus » ce qui est inférieur), suggère que cette dernière doit se subordonner à la première, car il en est ainsi dans l'ordre naturel des choses. Le rapport dominant/dominé est un principe que l'on retrouve dans l'organisation institutionnelle des démocraties, car la loi est l'expression de la volonté de la majorité. Il existe un point commun entre majorité et minorité : elles se croient détentrices du Vrai, et donc du légitime.
En quoi cette relation de domination entre majorité et minorité est-elle justifiée ? Au-delà de cette question, que nous permet la démocratie ?

Extraits

[...] Marc-Aurèle disait Comme Antonin, j'ai Rome pour patrie, mais comme homme, j'ai le Monde pour patrie Ainsi, la démocratie nous donne les moyens d'affirmer sa spécificité et aussi des valeurs universelles. La coexistence en harmonie de la majorité et des minorités est possible et souhaitable. La société qui a choisi de vivre en démocratie est comme un arbre avec un tronc commun et des branches différentes, qui toutes se nourrissent de la même sève. La démocratie permet de cultiver cet arbre. [...]

[...] En démocratie, si la majorité est la plus forte numériquement, elle peut toutefois être aussi faible si elle cède aux sirènes de quelques ambitieux. Mais si la majorité reste sur son avis et opprime la minorité, on n'est plus en démocratie. Quelle relation doivent entretenir la majorité et la minorité en démocratie ? Pourquoi se doit-on de respecter les droits de la minorité ? Le droit de la minorité aussi un fondement de la démocratie Si la démocratie donne le pouvoir à la majorité, elle n'interdit pas à la minorité de s'exprimer. [...]

[...] Le statut de la minorité est même reconnu institutionnellement en Grande-Bretagne par exemple où l'opposition bénéficie d'un tiers du temps de parole. Il existe le même phénomène du cabinet fantôme investi par l'opposition qui a un réel pouvoir d'influence. De même, aux États-Unis, la Cour Suprême représente les minorités par des quotas dans le cadre de l' affirmative action La plupart du temps, ces minorités n'ont même pas pour ambition de prendre le pouvoir. La démocratie leur permet d'exister et d'être reconnues comme telles par la majorité. Le droit de la minorité : une balkanisation de la société ? [...]

[...] En quoi cette relation de domination entre majorité et minorité est-elle justifiée ? Au-delà de cette question, que nous permettons la démocratie ? Le principe majoritaire comme fondement de la démocratie La démocratie est, selon les mots d'Abraham Lincoln Le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple Or, la volonté du peuple n'est rien d'autre que la majorité. Le principe majoritaire comme conquête de la philosophie des Lumières et de la Révolution française Ce principe n'est pas l'apanage de la France, mais ce sont en partie les penseurs français qui ont le plus contribué à cette réflexion. [...]

[...] Le scrutin majoritaire permet de dégager une majorité cohérente et donne donc à celle-ci les moyens d'agir et donc de gouverner. Cette majorité est la source de la loi, et cette dernière, selon un adage de droit constitutionnel peut tout faire, sauf changer un homme en femme ce qui revient à dire que la majorité a tous les droits, dans le respect des règles de fonctionnement des institutions. La loi de la majorité comme la loi du plus fort nombre et les relations majorité/minorité qui en découlent Cette logique majoritaire, poussée à l'extrême, ne peut-elle pas aboutir à des dérives dangereuses ? [...]