L'Occident a aujourd'hui une longue expérience démocratique derrière lui. La légitimité du « pouvoir du peuple », inculquée à chaque génération par l'éducation, opposée à l'épouvantail de la tyrannie, n'est plus guère remise en question que par des mouvements très minoritaires et par une inquiétante abstention.
Mais comme toute chose qui ne semble pas ou plus à débattre, le droit du nombre ne cache-t-il pas des risques d'abus ? Après tout, la plupart des tyrans étaient intimement persuadés qu'ils faisaient au mieux pour leur peuple. Lorsqu'il parle du droit du peuple, le démocrate prône-t-il un idéal de justice ou constate-t-il simplement une puissance de fait ? N'y a-t-il pas des limites légitimes à la force de la majorité ? Agir à l'instar ou pour le plus grand nombre, est-ce toujours agir bien ?
Pascal remarquait justement que l'homme, faute de pouvoir définir le juste, préférait rendre légitime ce qui est fort de fait que de s'astreindre à donner le pouvoir à la justice. Ainsi ont pensé dans l'histoire nombre d'intellectuels, souvent des politiciens rompus aux réalités du gouvernement et las d'idéalismes. Parmi eux, des démocrates ont parlé de droit du peuple: jouaient-ils alors avec le légitime ou avec les relations de force ? Qu'est-ce qui distingue le démocrate convaincu de tyrans comme Staline ou Hitler, qui eux aussi étaient conscients du pouvoir des masses ?
Notre éducation démocratique rend floue les limites entre droit du peuple et force des masses: n'est-ce pas un danger, un risque de persécutions, d'intolérance, de frein intellectuel ? Parce que la limite entre le droit du plus grand nombre et l'oppression des minorités par une majorité imbue de ses préjugés est difficile à définir, nous chercherons à montrer qu'il est nécessaire de coupler lois et réflexion de chaque instant pour que la démocratie garde sa valeur humaniste.
[...] N'y a-t-il donc aucun moyen de la rendre juste de surcroît ? Ne peut-on pas lui poser des limites légales et légitimes qui canaliseraient sa force sans l'utiliser pour oppresser certains ou enrichir d'autres ? Il est nécessaire, dans l'étude des idées démocrates, de ne pas s'arrêter à l'idée que le peuple doit être souverain. Certes, quand la plupart de ces idées virent le jour, il était soumis et exploité par une tutelle minoritaire, d'où l'argument redondant des pouvoirs aux masses. [...]
[...] Mais les puissances changent sans cesse de main. La société des plus forts est condamnée à gaspiller son énergie dans des conflits internes, à mobiliser ses ressources au service de l'action violente, seule capable de protéger les droits, à être sans cesse déstructurée par des révolutions et coups d'Etat. La situation désastreuse des Etats africains à faible imprégnation démocratique, en proie à des guerres civiles incessantes, en est caractéristique. Ce gaspillage, cette déstructuration, atteignent leur paroxysme quand la majorité s'en prend à une minorité capitale à la nation, et qui pourtant se trouve persécutée du fait de l'intolérance. [...]
[...] L'action de la majorité n'est donc pas nécessairement légitime. Elle est forte. La justice est une affaire compliquée, certains proposeront alors de confier le soin de guider la puissance populaire à une élite intellectuelle et morale, apte à guider la masse vers ce qui est juste. Rousseau, s'il est fervent défenseur de la République -il y voit le seul moyen de protéger l'Etat des appétits personnels d'un potentiel tyran- se méfie de la démocratie. Le peuple ne sait pas ce qui est juste, ce n'est pas à lui de décider. [...]
[...] Bibliographie Philosophie, Le guide spécial Cours, Nathan (ABC BAC) Chapitres 17 et 18, Et surtout le chapitre 19 sur les fondements du droit. Notions de philosophie, Sous la direction de Denis Kambouchner, collection Folio Essais, "l'idée du politique", Martine Pécharman Objectif Bac, L'épreuve de philosophie, Hachette, Chapitres 20 "l'Etat" Le Contrat Social, de Jean Jacques Rousseau, pour sa réflexion sur les fondements de la démocratie, du contrat antérieur et implicite qui sous- tend les décisions à la majorité. Les notes de mes cours. Qu'est ce que la citoyenneté? [...]
[...] Le droit de la majorité existe donc bien, mais parce qu'il tire sa légitimité de son statut de somme des droits de ses composants, il se doit de respecter autant que faire se peut son principe de fonctionnement : le droit civique et individuel. Sans lui, il perd son sens. La définition du public et du privé est sans cesse à bâtir, les débats de société ne manquent pas : les mariages gays sont-ils affaire publique ou strictement privée ? ; L'euthanasie est-elle l'application d'une liberté personnelle ou une défaillance de la société entière ? Nous devons et devrons nous efforcer de penser juste pour que la démocratie reste le régime du respect de chacun. [...]
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