Lutte antiterroriste, État de droit menacé, Karl Marx, principes démocratiques, État sécuritaire, Giorgio Agamben, souveraineté du gouvernement, défense de la démocratie, libertés individuelles, realpolitik, atteintes aux droits de l'Homme, Daesh, François Hollande, George W. Bush
"L'histoire se répète toujours deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme comédie", nous disait Karl Marx. Cela fait maintenant trois ans que la France fait face à la menace terroriste de l'islamisme radical. La lutte antiterroriste comprend notamment des mesures visant à préserver la sécurité des citoyens français. Toutefois, ce maintien de la sécurité se traduit par des textes et des lois qui ne cessent de durcir l'arsenal antiterroriste. Si l'on suit le raisonnement de Marx, le naufrage des principes démocratiques au sein d'un État excessivement sécuritaire, et ce notamment en Allemagne sous Weimar, prédirait alors celui de la démocratie française, qui adviendrait suite à une sécurité devenue répressive au nom de la prévention d'attaques terroristes. Alors que la France se dirige vers un État toujours plus sécuritaire dans le cadre de la lutte antiterroriste, jusqu'où l'État de droit peut-il être menacé ?
[...] Pour cause, sur perquisitions, moins de d'entre elles a donné suite à des enquêtes liées au terrorisme entre novembre 2015 et février 2016. Il apparaît alors que nos liberticides ont été rognées au nom de mesures sécuritaires pourtant inefficaces. L'objectif réel, bien différent de celui de la lutte antiterroriste, semble avoir été détourné vers une volonté de contrôle social. Également, Philippe Claudel (écrivain et cinéaste membre de l'Académie Goncourt) dénonce dans « Inquiétude et liberté » (paru dans Le 2/12/15) l'assujettissement des citoyens français à l'inquiétude liée à l'insécurité. [...]
[...] Dans le domaine antiterroriste, la CEDH autorise certes les dérogations, mais condamnera les excès de restriction de droits et libertés. Nicolas Hervieu (juriste et spécialiste de la CEDH) rappelle : « la CEDH tolère ainsi des gardes à vue plus longues que pour les infractions de droit commun, mais elle n'admet pas la disparition de toute garantie fondamentale ». Toutefois, avec une justice tendant vers le soupçon et l'exception, les dérives ont déjà eu lieu : discriminations ethnoreligieuses, atteintes à la liberté d'association, d'expression, ou encore de circulation le tout permis par des pouvoirs exceptionnels de l'exécutif dans le cadre d'une situation exceptionnelle. [...]
[...] La France doit-elle de ce fait craindre le dépérissement de son État de droit, alors qu'elle adopte des lois de plus en plus quant à la menace terroriste ? D'une part, la complexité de la situation diplomatique de la France vis-à-vis de l'État islamique fait que la réponse est loin d'être évidente. En effet, la France n'est dans une « situation de ni guerre ni paix », comme nous le dit l'historien Alexandre Rios-Bordes pour Le 1 (2/12/17). Elle n'est d'une part pas en guerre, au sens post-Première guerre mondiale, qui se dit d'une « guerre totale » en incluant toute la nation : « Elle ‘‘déborde'' donc du cadre [militaire] que l'on souhaitait la voir respecter, parfois jusqu'à menacer d'engloutir la société démocratique » ; la situation actuelle de la France se caractérise par une « informalisation de la guerre » (selon Dominique Linhart, spécialisé en sociologie de l'État) où les critères spatio-temporels, ainsi que la dénomination d'un ennemi précis sont imprécis, si ce n'est indéterminé. [...]
[...] Par ailleurs, la Seconde Guerre du Golfe (2003- 2011) fut l'objet de nombreux scandales, qui ternirent profondément l'image du sauveur américain. Parmi les plus marquants, celui du camp de Guantanamo centre de détention militaire créée en 2001 où 779 « combattants illégaux » (généralement des individus suspectés de terrorisme) étaient envoyés, sans passer par le système judiciaire américain. Pieds et mains liées 24 heures sur 24, simulations de noyades, privation de sommeil, nudité forcée, sans oublier les coups physiques cette prison, visée assurer la sécurité intérieure des États-Unis en détenant les potentielles menaces pour celle- ci, a surtout été une décennie de torture et d'atteintes graves aux droits et libertés des détenus. [...]
[...] « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » comme dirait Louis Saint-Just. Enfin, la guerre contre le terrorisme dans laquelle s'est lancée la France peut faire craindre certains d'un second épisode de « la guerre contre la terreur » de George W. Bush. En effet, on peut dénoter plusieurs similitudes entre le discours de ce dernier et celui de François Hollande. À l'instar du président américain, qui recourait à un champ sémantique manichéen (« axe du mal », « le pire de la nature humaine »), Hollande dénommait les terroristes djihadistes comme « barbares », menaçants « la France [qui] est une lumière pour l'humanité et quand elle est atteinte, c'est le monde qui se trouve un temps dans la pénombre » (discours du 16 novembre 2015 au Congrès à Versailles). [...]
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