La question coloniale peut être considérée comme le premier motif de création de loi mémorielle en France. La mémoire et sa reconnaissance publique semble être un enjeu principal dans le rapport à l'histoire de cette période. La gestion de la mémoire coloniale est donc devenu en France un enjeu majeur tant sur le plan historique qu'identitaire ou politique. Sur le plan historique, on peut noter les affrontements entre Olivier Pétré-Grenouilleau attaqué pour son travail au motif de la loi Taubira sur la reconnaissance de l'esclavage en France comme crime contre l'humanité. Sur le plan historique, rappelons les débats nés autour de la loi qui devait mettre en avant les apports positifs de la colonisation française. L'aspect identitaire englobe dans tous les cas ces différentes lois. Les guerres de décolonisation constituent « un des enjeux principaux des conflits de mémoire »
Il existe à l'heure actuelle quatre lois que l'on regroupe sous le vocable de « lois mémorielles » :
- La loi Gayssot du 13 juillet 1990, qui créé le délit de négationnisme du génocide juif.
- La loi sur le génocide arménien du 29 janvier 2001 « relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915
- La loi Taubira du 21 mai 2001 « tendant à la reconnaissance, par la France, de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité »
- La loi Mekachera du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés », dont deux articles sont à retenir :
• L'article 1 qui met l'accent sur l'aide apportée et les souffrances endurée par les autochtones ayant servi la France dans les pays du Maghreb (un article rédigé en vue de reconnaitre l'apport des Harkis)
• L'article 4 à la source d'une polémique sur l'histoire, dont l'alinéa 2 portant sur l'enseignement dans les écoles du rôle positif de la présence française outre-mer sera abrogé.
Sur ces quatre lois mémorielles, la moitié est consacrée au passé colonial de la France. Ces lois mémorielles sont à l'origine d'un débat historiographique dès l'origine (soit la loi Gayssot), qui atteindra son point culminant au moment des lois Taubira et surtout Mekachera. Ces lois mémorielles sont en effet au croisement de deux démarches : une démarche scientifique (l'histoire) et une démarche affective, émotive (la mémoire), présentées comme solidaire. Pour les historiens, le problème posé par ces lois mémorielles est un problème de confrontation entre une histoire officielle délimitée par un gouvernement et une histoire scientifique, en perpétuelle réinterprétation. Mais le débat concernant les lois mémorielles sur le passé colonial de la France a d'autres enjeux identitaires, qui se jouent dans la confrontation entre repentance et fierté nationale, défendus par des groupes de pression d'intérêts divergents. Les lois mémorielles sont l'occasion de montrer les différences d'assimilation d'une même histoire. Leur existence, comme les débats qu'elles engendrent indiquent que le débat, loin d'être clôt, est encore source de tensions d'autant plus difficiles à résoudre qu'elles ont une forte teneur identitaire. Le terme « loi identitaire » est apparu au moment des débats sur la loi de 2005, signe que la question coloniale est au fond à l'origine des débats tant de la part des associations militantes que des historiens.
L'affrontement des mémoires concurrentes qui fait de la question coloniale un sujet encore brûlant se retrouve arbitré par les législations grâce aux lois mémorielles au lieu d'être arbitré par le débat historique. Dès lors, quelle est la signification de ces lois mémorielles dans le débat sur la question coloniale ? L'arbitrage législatif est-il compatible avec une logique de recherche historique ? Ces lois sont-elles au contraire la preuve d'un débordement de ce besoin identitaire sur la loi ou révèlent-elles un désir d'encadrer la « guerre des mémoires »?
[...] En effet, alors que certains condamnent la stratégie de l'évitement (Benjamin Stora), d'autres (René Rémond) évoquent la politique de repentance de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies. C'est cette politique de repentance qui serait à l'origine du vote de la loi Taubira. La stratégie de l'évitement est selon Benjamin Stora[13] révélatrice de l'incapacité pour les Français de tourner la page. Il analyse de la même façon l'article 4 sur l'enseignement de la colonisation, qui viserait à construire une identité nationale dont seraient exclues certaines composantes de la société celles ne partageant pas la même mémoire. [...]
[...] Sur ces quatre lois mémorielles, la moitié est consacrée au passé colonial de la France. Ces lois mémorielles sont à l'origine d'un débat historiographique dès l'origine (soit la loi Gayssot), qui atteindra son point culminant au moment des lois Taubira et surtout Mekachera. Ces lois mémorielles sont en effet au croisement de deux démarches : une démarche scientifique (l'histoire) et une démarche affective, émotive (la mémoire), présentées comme solidaires. Pour les historiens, le problème posé par ces lois mémorielles est un problème de confrontation entre une histoire officielle délimitée par un gouvernement et une histoire scientifique, en perpétuelle réinterprétation. [...]
[...] Les lois mémorielles et la question coloniale Introduction La question coloniale peut être considérée comme le premier motif de création de loi mémorielle en France. La mémoire et sa reconnaissance publique semblent être un enjeu principal dans le rapport à l'histoire de cette période. La gestion de la mémoire coloniale est donc devenue en France un enjeu majeur tant sur le plan historique qu'identitaire ou politique. Sur le plan historique, on peut noter les affrontements entre Olivier Pétré-Grenouilleau attaqué pour son travail au motif de la loi Taubira sur la reconnaissance de l'esclavage en France comme crime contre l'humanité. [...]
[...] De fait, les lois mémorielles sur le passé colonial de la France ne sont véritablement l'objet ni d'un acteur ni d'un autre. Leur développement, dans tous les cas, semble correspondre à une volonté de reconnaissance de la mémoire comme outil identitaire autant qu'un désir de s'approprier l'Histoire par l'usage de la Loi. Bibliographie Benjamin Stora (2007), La guerre des mémoires, Monde en cours, Paris Faut-il abroger les lois mémorielles, interview croisée de Jean Pierre Azéma et Gérard Noiriel, recueillie par Jacqueline Remy et Boris Thiolay, L'Express février 2006 George-Marc Benamou (2003), Un mensonge français- Retours sur la guerre d'Algérie, Robert-Laffont, Paris Jacques Bonniot de Ruisselet, Emmanuel Caquet, Pierre Molimard (2007), Thèmes de société, La documentation française/CNED L'histoire et la loi, René Rémond, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/LHistoireetlaLoi Marc Ferro (2003), Histoire de France, Odile Jacob Poches, Paris Nathalie Galesne, Une vraie réflexion sur les contorsions de mémoire décembre 2007, Etudes coloniales, http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/18___ideologies_memorielles/i ndex.html Nous sommes les Indigènes de la République Appel pour les Assises de l'anticolonialisme post-colonial janvier 2005 Marc Ferro (2003), Histoire de France, Odile Jacob Poches, Paris, p 973 Jacques Bonniot de Ruisselet, Emmanuel Caquet, Pierre Molimard (2007), Thèmes de société, La documentation française/CNED, p10 Jacques Bonniot de Ruisselet, Emmanuel Caquet, Pierre Molimard (2007), Thèmes de société, La documentation française/CNED, p8 Faut-il abroger les lois mémorielles, interview croisée de Gérard Noiriel et Jean-Pierre Azéma, recueillie par Jacqueline Remy et Boris Thiolay, L'Express février 2006 Jean-Pierre Azéma, Élisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal- Naquet et Michel Winock. [...]
[...] L'obsession de la transparence doit être mise en balance avec la cohésion nationale, laquelle passe parfois par l'oubli (qui n'est pas le pardon) et peut-être aussi, plus cyniquement et pragmatiquement, par le silence Mais ce silence orchestré n'est-il pas l'abandon de l'histoire au profit de la mémoire, sélective par essence ? En l'occurrence, les lois mémorielles n'étaient pas tant une occasion de remettre de l'huile sur le feu qu'un symptôme des tensions déjà existantes, mais encadrées cette fois par des lois, qui l'officialisent et peut-être, permettant d'euphémiser la violence née de ces tensions. L'exemple de la guerre d'Algérie est révélateur. [...]
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