Les lois mémorielles et la liberté d'expression

Résumé du document

Elles sont au nombre de quatre. Les lois mémorielles, qui font tant de bruit et agitent tant de neurones, notamment au sein de la communauté scientifique, ne sont pas si récentes que l'on peut le croire. En effet, même si l'appellation « loi mémorielle » n'a été trouvée que rétrospectivement en 2005, les quatre textes adoptés depuis 1990 s'inscrivent dans une logique républicaine beaucoup plus vaste et ancienne. Dès la Révolution, les élus de la Nation se sont penchés sur l'Histoire, la mémoire, et la commémoration, via des fêtes civiques, et le culte des « Grands Hommes ». Fête de la Liberté, de la Fraternité, des Victoires, les Conventionnels appellent même, via une ordonnance du 27 Floréal, les poètes « à célébrer les principaux événements de la Révolution Française, à composer des pièces dramatiques républicaines, à transmettre à la postérité les grandes époques de la régénération des Français […]. ». Il convient de se replacer dans le contexte de l'époque, qui voulait que les historiens soient moins considérés que les grands auteurs et poètes.

Extraits

[...] Le Conseil Constitutionnel, ou le coup d'arrêt à la prolifération des lois mémorielles Recommandation du statu quo puis coup d'arrêt et menace éventuelle pour les lois mémorielles existantes Dans un premier temps, la Commission parlementaire présidée par Bernard Accoyer, et consacrée aux lois mémorielles a recommandé en novembre 2008 que de telles lois ne soient plus adoptées. Mais, dans un souci d'apaisement et de réconciliation autour du passé il a également estimé que les lois mémorielles existantes ne devaient pas être remises en cause. Statu quo, donc. [...]

[...] Les lois mémorielles seraient-elles la traduction d'une certaine paresse intellectuelle ? Il existe des voies de droit plus appropriées. Ainsi, l'apologie des génocides peut être réprimée, tant pénalement pour la seule négation de la Shoah, sur le fondement de l'article 24 bis de la loi du 29 Juillet 1881 rectifiée , qu'au civil, sur le fondement de la responsabilité de droit commun édictée par l'article 1382 du Code civil. Par exemple, le Professeur Bernard Lewis a été condamné le 21 Juin 1995 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour avoir occulté les éléments contraires à sa thèse, et s'être exprimé sans nuance c'est à dire pour avoir contrevenu aux devoirs de la recherche scientifique. [...]

[...] Une hétérogénéité dans la portée des lois et une hétérogénéité des génocides visés Parmi les quatre lois mémorielles, une seule a une portée normative, les autres ne sont que déclaratives. Or, le 21 avril 2005, le Conseil Constitutionnel a rappelé l'exigence de normativité de la loi, en censurant des articles de la Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école en précisant : Le Conseil constitutionnel est prêt à censurer désormais les neutrons législatifs On peut donc penser que les lois mémorielles purement déclaratives venant amplifier le mouvement d'inflation législative seront désormais limitées. [...]

[...] Olivier Pétré-Grenouilleau, qui aura eu le malheur de publier son ouvrage, désormais de référence, Les Traites négrières en 2003, en a fait les frais. De même, la loi de 2005 incluait en son sein une référence aux programmes scolaires. Ainsi, tapi dans l'ombre des lois mémorielles, le spectre d'une vérité officielle nous guetterait, une vérité menaçant la liberté d'expression d'une droite décomplexée, la liberté de recherche des Historiens, et autorisant le législateur à venir s'immiscer dans les programmes scolaires pour asséner sa vérité historique à nos chères têtes blondes. [...]

[...] Aussi convient-il d'étudier les lois mémorielles en tant que menaces critiquées de la liberté d'expression et en tant que menaces limitées de cette même liberté (II). Les lois mémorielles, menaces critiquées de la liberté d'expression Les lois mémorielles sont à la fois une menace pour la liberté de recherche et peuvent se révéler contre-productives Une menace pour la liberté de recherche. Les lois mémorielles sont un danger pour la liberté de recherche mais aussi pour l'enseignement de l'Histoire La liberté de recherche est un des avatars de la liberté d'expression. [...]