Depuis la signature du traité de Rome, le 25 mars 1957, le continent européen s'est engagé sur la voie de l'intégration européenne. Sept ans plus tôt, Jean Monnet, appuyé par le ministre des affaires étrangères français Robert Schuman, proposait la création de la Communauté économique du Charbon et de l'Acier (CECA), premier pas vers une coopération économique accrue. C'est ainsi que, le 18 avril 1951, 6 pays (Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et RFA) se réunissaient pour concrétiser cette première expérience d'intégration européenne . Dans sa déclaration initiatrice du projet , Robert Schuman envisageait déjà une suite à la CECA : « La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin des régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes ». Il mettait également l'accent sur la notion de Solidarité entre les peuples : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée : l'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne ». Selon Catherine Guisan, auteur de l'ouvrage « Un sens à l'Europe. Gagner la paix », ce discours de Schuman comporte trois principes fondamentaux : réconciliation, action concertée et reconnaissance de l'autre .
Même si l'initiative de créer la CECA s'explique par le fait que la France, voyant l'Allemagne se redresser plus vite qu'elle de la seconde guerre mondiale, craignait un nouveau conflit, cette notion de solidarité est instigatrice d'un esprit refusant dorénavant l'affrontement, au profit d'un projet de paix . Cette solidarité devait également trouver sa source dans les incertitudes d'après-guerre, notamment face à une armée soviétique toute puissante, perçue comme une menace potentielle . Ce message de paix et de solidarité a immédiatement reçu un soutien massif du Vatican, sous le pontificat de Pie XII. En effet, cette initiative pour l'Europe rencontrait les valeurs véhiculées par le christianisme, à savoir un message de paix, l'importance accordée aux valeurs morales et à la notion de personne humaine . Il serait erroné d'en déduire pour autant que le Vatican a marqué de son empreinte la création de l'Europe. Il s'agit davantage d'une reconnaissance par le christianisme des valeurs originelles proposées par les fondateurs de la CECA. Il est important de rappeler que les pères fondateurs de l'Europe communautaire étaient de confession chrétienne. De nombreux d'ouvrages relatifs à ces bâtisseurs de l'Europe font état de la foi qui était la leur.
Dès les premières années du projet européen, un certain nombre de bureaux d'Eglise ont été créés dans le but de suivre l'élaboration des politiques des institutions européennes. Dans les années 1950, l'Office Catholique d'Information et d'Initiative pour l'Europe (OCIPE), est lancé à Strasbourg d'une initiative jésuite. Dix ans plus tard, un siège est installé à Bruxelles. Ensuite, dans les années 1960, l'Association œcuménique Eglise et Société (AOES) s'installe à Bruxelles. La Commission œcuménique européenne pour Eglise et Société (EECCS) arrive elle en 1973 et la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE) a quant à elle été établie en 1980. Cette dernière a repris le Service d'Information pastorale européenne catholique (SIPECA) mis sur pied en 1976. La Commission Eglise et Société, représentant de la Conférence des Eglises Européennes, et regroupant les Eglises protestantes, orthodoxes, anglicanes et vieilles-catholiques, ne s'installa que très récemment, en 1999. Actuellement, presque toutes les confessions chrétiennes de l'Union européenne sont représentées à Bruxelles et le nombre de bureaux d'Eglise ayant pour mission d'assurer la liaison avec les institutions de l'Union est en augmentation constante . À partir des années 80, chaque président de la Commission européenne a jugé souhaitable d'instaurer un dialogue sur l'intégration européenne entre, d'une part, les Eglises, les religions et les humanistes, et d'autre part, la Commission européenne. Cette tâche a été confiée au Bureau des Conseillers de Politique européenne (BEPA) . Grâce à ce dialogue, les églises et les autres communautés de foi et de conviction ont acquis une meilleure perception de l'importance de l'intégration européenne et, de leur côté, elles apportent leur éclairage sur les tendances politiques actuelles .
La croissance constante des représentations religieuses tout au long de la construction européenne nous place face à un grand nombre d'interrogations. Assiste-t-on à un retour en force du religieux dans les coulisses du pouvoir, une force disposant d'un réel pouvoir d'influence sur la prise de décision à l'échelon européen ? L'Union européenne devient-elle à ce point marquée par l'emprise des Eglises que celle-ci en deviendrait une Europe chrétienne ? Toutes ces questions rejoignent une interrogation qui constitue le nœud de notre étude : l'action des représentations chrétiennes auprès des institutions européennes constitue-t-elle une influence de type nouveau ou rejoint-elle les pratiques des organes de lobby classiques, présentes en masse à Bruxelles ?
Par conséquent, il est essentiel de s'interroger sur la nature des actes de ces organisations et principalement sur l'opportunité du terme « lobbying » qui leur est attribué. Comment sont-elles organisées, quel est leur fonctionnement interne ? Quelle est la mission qui leur a été confiée ainsi que leurs objectifs ? Comment s'effectuent les contacts avec les institutions européennes ? Existe-t-il des circuits de communication, des réseaux, entre ces différents acteurs ? Et enfin, nous analyserons l'état de la pratique religieuse en Europe afin de déterminer le rôle que peuvent encore jouer les Eglises en Europe.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous allons donner un bref rappel de notre cheminement tout au long de la réalisation de ce travail. A l'origine, le thème de cette recherche était le suivant : « Les Eglises et le processus d'intégration de l'Europe ». Le décor était planté, mais encore fallait-il déterminer au sein de cette vaste matière un aspect qui focaliserait plus particulièrement notre attention, et qui présenterait un certain degré d'originalité. Après discussion avec des personnes ressources, averties sur le dossier, tels Louis-Léon Christians, professeur de Droit Canon et chargé de cours invité à la Faculté de droit de l'UCL, Ignace Berten, dominicain, théologien et philosophe, co-fondateur et directeur adjoint de l'Association « Espaces, Spiritualités, cultures et société en Europe », Walter Lesch, professeur d'éthique à la Faculté de théologie et à la Faculté des sciences philosophiques de l'UCL, et une rencontre avec Françoise Massart, notre cadre d'étude s'est d'avantage centré sur ce qu'on qualifie de « lobbying religieux » ou plus précisément le lobbying chrétien. Que désigne-t-on par cette expression ? S'agit-t-il d'un acteur le lobbying classique ? Quelle influence ces représentations peuvent-elles exercer auprès des institutions européennes ? Outre une précision quant à l'objet d'étude, il était primordial de réduire également le cadre spatial. Le choix d'étudier les représentations religieuses basées à Bruxelles vient du fait que c'est dans la capitale européenne que siège la Commission européenne, institution instigatrice de tous les projets de directives, décisions et règlements et présente dans l'ensemble des différentes phases législatives . Nous rappellerons d'ailleurs brièvement l'évolution des institutions afin de se rendre compte, au cours du temps, de l'importance fondamentale qu'a pris la Commission, basée à Bruxelles. Une présence effective des représentations religieuses à Bruxelles leur permettent une approche proactive en amont de la décision. Toutefois, une interrogation subsistait : est-il possible de déterminer l'influence réelle de ces institutions ? Quelle méthodologie permettrait d'y parvenir ? A force de discussions et de réflexions personnelles, nous sommes arrivés à un constat : l'influence d'un acteur est une donnée extrêmement difficile à déterminer de par son caractère abstrait, intangible. Le risque de se retrouver face à un obstacle infranchissable est tellement important que l'idée d'étudier le concept d'influence a été abandonnée. Par conséquent, une porte se refermait, mais une autre s'entrouvrait avec des perspectives tout aussi intéressantes et très peu traitées jusqu'à présent. La littérature abonde d'analyses relatives au combat mené par les représentations chrétiennes (COMECE et CES) concernant l'inclusion d'une référence à l'héritage chrétien dans le préambule du traité constitutionnel ainsi que sur le contenu de l'article 52 instaurant un dialogue privilégié avec les Eglises et représentations non-confessionnelles. A force de multiples rencontres avec des membres d'organisations chrétiennes, nous nous sommes rendus compte qu'il existait une ambiguïté quant à la nature même des actes de ces représentations. La dénonciation du terme « lobbying » par certains membres afin de déterminer leur activité auprès des institutions européennes ouvre certaines perspectives de recherche. Les combats menés par ces organisations constituent d'ailleurs la meilleure preuve du refus de celles-ci d'être noyées dans la masse des acteurs de la société civile. Dès lors, il est intéressant de s'interroger sur le sens que ces dernières donnent à leur action. S'agit-t-il d'un type d'acteurs qui se différencient des lobbys classiques sur la scène politique européenne ? La réflexion nous amènera enfin à nous interroger de façon plus spécifique sur le rôle que peuvent encore exercer les Eglises sur l'UE, en sachant que la pratique religieuse est en perte de vitesse sur le vieux continent. Nous ferons également un état des lieux de la situation des Eglises dans les nouveaux Etats membres.
Pour répondre à la question qui guidera notre recherche, la démarche se basera sur une combinaison de sources de natures différentes. Tout d'abord, nous utiliserons des sources écrites (ouvrages, discours, sites web,…) afin d'accumuler un recueil d'informations nécessaires qui constituera la base de notre étude. Dans un souci de complémentarité, il paraît essentiel d'adopter une démarche de type empirique et de collecter les données du terrain. Un grand nombre d'informations sont le résultat d'entretiens réalisés avec des membres des organisations étudiées.
Afin de mener à bien cette étude, nous allons mettre en place un cheminement déductif, à la manière d'un entonnoir. Nous commencerons en premier lieu par définir le phénomène « lobbying », nous évoquerons également ses origines et les distinctions fondamentales à observer au sein de ce terme générique. Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur l'évolution des institutions européennes et en parallèle, la place croissante occupée par les organes de lobbying à Bruxelles. Un bref rappel des procédures de décision au sein de l'UE donnera un éclairage plus détaillé sur les institutions à prendre en compte, les principaux « seuils d'accès », pour reprendre l'expression de Jean Meynaud, dans un travail de lobbying efficace. Il s'agira pour nous d'un d'illustrer la place grandissante de la Commission européenne dans le processus législatif, et par conséquent de justifier notre cadre spatial d'étude. Nous nous plongerons alors dans l'étude de 2 représentations chrétiennes, au travers d'une description détaillée de leurs fonctionnements, de leurs missions et de leurs méthodes de travail, en accordant une importance fondamentale à l'idée que se font les membres de leur action.
[...] Des conférences et séminaires sont organisés, et les membres des institutions sont invités à y participer. Des rencontres à caractère plus officiel sont organisées entre les représentations des Eglises et les institutions de l‘UE. Il peut s'agir de consultations organisées par la Commission afin de discuter d'un dossier en passe d'être soumis à une règlementation, ou de réunions comme celles organisées depuis trois ans et réunissant le président du Parlement, de la Commission et du Conseil, et les différentes représentations des Eglises. [...]
[...] Le traité de Maastricht, qui institue l'Union européenne accroît les compétences de la Communauté[33] et, d'un point de vue institutionnel, les pouvoirs du Parlement européen. Ce dernier devient un acteur incontournable du processus décisionnel, et devient une cible privilégiée des lobbies. Les parlementaires sont désormais associés à la préparation des textes et peuvent amender, voire rejeter, les décisions du conseil en seconde lecture. Le Parlement peut également émettre un avis sur les nouvelles demandes d'adhésion. Son influence se renforce et celui-ci devient partie prenante du jeu institutionnel européen, au même titre que la Commission qui détient à présent le droit exclusif de proposition de réglementation. [...]
[...] En effet, cette initiative pour l'Europe rencontrait les valeurs véhiculées par le christianisme, à savoir un message de paix, l'importance accordée aux valeurs morales et à la notion de personne humaine[6]. Il serait erroné d'en déduire pour autant que le Vatican a marqué de son empreinte la création de l'Europe. Il s'agit davantage d'une reconnaissance par le christianisme des valeurs originelles proposées par les fondateurs de la CECA. Il est important de rappeler que les pères fondateurs de l'Europe communautaire étaient de confession chrétienne. De nombreux d'ouvrages relatifs à ces bâtisseurs de l'Europe font état de la foi qui était la leur. [...]
[...] Pour poursuivre les tâches qui lui ont été dévolues, le CC peut constituer des comités, groupes de travail et autres instances en consultation avec le secrétaire général Celui-ci a d'ailleurs créé trois commissions : Eglise et Dialogue, Eglise et Société et Eglise et Solidarité (qui n'existe plus actuellement). Le Comité central se constitue de façon autonome. Il élit le Présidium (comité exécutif du CC) parmi ses membres. - Le secrétariat général : Le Secrétaire général est élu par le Comité central. Il est à la tête du Secrétariat général de la Conférence et exerce la direction du personnel. II est le secrétaire de l'Assemblée générale, du Comité central et du Présidium (Art C'est sur la Commission Eglise et Société que nous allons nous focaliser. [...]
[...] Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur l'évolution des institutions européennes et en parallèle, la place croissante occupée par les organes de lobbying à Bruxelles. Un bref rappel des procédures de décision au sein de l'UE donnera un éclairage plus détaillé sur les institutions à prendre en compte, les principaux seuils d'accès pour reprendre l'expression de Jean Meynaud, dans un travail de lobbying efficace. Il s'agira pour nous d'un d'illustrer la place grandissante de la Commission européenne dans le processus législatif, et par conséquent de justifier notre cadre spatial d'étude. [...]
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