« La protection des droits individuels - non seulement l'emporte mais en quelque sorte vient prévenir ou empêcher le second aspect (de la démocratie) - le gouvernement collectif -, parce que tout gouvernement d'une collectivité par elle-même implique un certain nombre de contraintes pesant sur les droits individuels ». Pierre Manent s'inscrit par ces mots dans le même mouvement de philosophes politiques français qui diagnostiquent un malaise dans la démocratie. Comme Marcel Gauchet et Pierre Rosanvallon, il constate une tendance à la dépolitisation de la société dangereuse car sapant le lien social entre les citoyens. Les deux termes qu'il oppose, démocratie des droits et démocratie du gouvernement de soi, reformulent l'opposition classique entre libéralisme, théorie politique mettant l'accent sur l'individu et ses droits, et républicanisme, privilégiant la communauté politique et assimilant la liberté du citoyen à la participation au souverain. Ce débat entre les tenants du libéralisme et ceux du républicanisme que les épisodes totalitaires semblaient avoir clos a rebondi en raison du «dépérissement du politique (qui) fait précisément partie de ces tendances de l'époque moderne objectivement démontrables » (H. Arendt).
Au coeur de la dispute se tient le concept de liberté. Le libéralisme s'est construit en opposition à un certain républicanisme qui ouvrait la voie au totalitarisme et a développé l'idée de liberté individuelle. Son apport à nos sociétés démocratiques libérales est essentielle et indéniable, mais le libéralisme ne suffit pas. S'il fonde une bonne gouvernance, il ne suffit pas pour établir des communautés politiques pérennes. En ce sens le républicanisme est indépassable en tant qu'il est l'idée d'une communauté de citoyens concept indispensable à toute théorie du libre gouvernement. Le renouveau républicain est une des voies de raffermissement de nos démocraties.
[...] La loi s'impose à eux, elle est une domination garantie par l'Etat qui est l'instrument de la contrainte. Encore une fois l'analogie avec le droit international est enrichissante. Les Etats sont souverains et à ce titre ils ne peuvent être contraints par un traité qu'ils n'ont pas signé. Dans l'Union européenne il existe des domaines pour lesquels l'abstention constructive a été permise et qui permettent de faire exactement ce qui est laissé entendre par Pettit, c'est à dire, de n'obéir qu'aux lois que l'on choisit. [...]
[...] Il semble assez clair qu'une structure permettant l'interférence - soit la potentialité d'une interférence - peut être assimilée à une interférence et donc qu'il n'y a pas d'innovation dans ce premier usage du concept de liberté comme non domination. Le deuxième cas est nettement plus intéressant car il pose le problème de la loi. Pettit énonce que l'obéissance à une loi juste à laquelle on a consenti et que l'on peut contester est certes une interférence mais pas l'exercice d'une domination. Ce point ne tient pas car contrairement à ce que laisse entendre Pettit, l'individu en dernière instance n'a pas le choix. [...]
[...] Il n'y a pas de place dans un tel modèle holiste pour l'individu et la garantie des libertés individuelles. Fichte va jusqu'à déclarer que personne n'a de droits contre la Raison On est proprement dans l'impolitique car, par définition, la politique se déroule dans un espace indéterminé où il n'y a pas consensus sur les valeurs alors qu'ici tout est déjà déterminé ; en lieu et place du politique, il ne reste plus qu'une administration technique chargée de la mise en œuvre des moyens nécessaires à la réalisation des fins assignées à la communauté politique. [...]
[...] Cet impératif d'un espace de liberté individuelle découle tout naturellement du postulat que tout pouvoir est fondé sur le consentement des individus. Ainsi, aucun individu ne peut vouloir perdre toute liberté de choix ni ne peut renoncer à sa liberté car renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme. Une analogie avec le droit international public permet d'illustrer ce propos. En effet, un Etat qui renonce à sa souveraineté équivalent pour les Etats de la liberté originelle des individus cesse d'exister en tant qu'Etat. [...]
[...] Or, et c'est là un des points clés de l'analyse d'I. Berlin, la liberté n'est qu'une valeur parmi d'autres, et si un espace minimal de liberté doit être garanti il doit être aussi possible pour les sociétés politiques d'arbitrer entre les valeurs. B. Un libéralisme abouti doit donc s'accompagner d'un républicanisme renouvelé pour pérenniser l'existence politique et offrir aux communautés la possibilité de choisir entre des valeurs concurrentes Avant d'entrer dans ce dernier point de l'analyse qui présente le républicanisme comme la doctrine du droit des peuples à hiérarchiser les valeurs et qui s'insurge contre l'absolutisation de l'idée de liberté comme seule fin des Etats, discutons des dangers du tout-libéral pour les communautés politiques. [...]
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