Le sinologue Simon Leys évoque l'engouement mondial pour Mao Zedong comme "le plus grand cas d'autosuggestion collective du XXème siècle". Force est de constater que le culte dont a joui Mao et qui se poursuit encore se caractérise par une certaine démesure. Le culte de la personnalité peut se définir la vénération d'un chef, arbitre des forces du parti, déifié et dont les paroles ont valeur de prophétie. Cette vénération du chef se réalise par des pratiques institutionnalisées et un certain contrôle des media et des arts, plus particulièrement du cinéma. Les chants qu'apprenaient à l'école les petits Français sous le régime de Vichy (‘‘Maréchal nous voilà devant toi…'') aussi bien qu'un film de Leni Riefenstahl ou d'Eisenstein (le premier Yvan le terrible en 1945) sont autant d'éléments qui institutionnalisent cette pratique. Le culte de la personnalité accompagne étroitement plusieurs formes de dictature personnelle, en tant qu'il est la reconnaissance de la légitimité du projet du chef : dictatures traditionalistes avec projet national, totalitarismes communistes et fascistes. Perón, Staline, Hitler, Mao, Franco, Mussolini, Pétain, Horthy, Moustafa Kemal Atatürk, Nasser constituent de bons exemples de culte de la personnalité. La création d'un mythe, celui d'un chef, émanation du peuple que l'on doit vénérer, répond à une certaine fonction. La mégalomanie d'un leader politique ne peut pas à elle seule expliquer la mise en place de ce culte. Celui-ci est avant tout au service d'une politique. Si la remise en cause du culte de Staline, en 1956, est apparue comme un virage complet dans l'orientation du gouvernement c'est parce que le stalinisme est, pour François Furet , indissociable de son culte. La politique du leader politique est indissociable de l'image du chef qui représente un véritable programme. Au contraire du culte rendu au Rois thaumaturges à l'époque moderne, celui rendu au chef s'incarne non pas dans une fonction mais dans un homme. Dés lors, chaque culte présente une originalité propre, tout en participant à un même phénomène. Comment le culte de la personnalité parvient-il à incarner tant d'idéologies alors que celle-ci sont si différentes ? Quelle est sa fonction réelle ? Le culte de la personnalité est d'abord un culte qui naît dans des états en difficulté, autour d'un homme au service d'une idéologie particulière. Il est un outil de propagande indissociable du régime tant celui-ci s'incarne dans un leader politique, véritable guide et prophète en son état. Enfin, lorsque le leader politique, la remise en question du culte de l'ancien chef est équivoque quand celui-ci n'est pas déchu mais simplement mort en laissant l'état aux mains de leaders politiques qui partage en partie son idéologie.
[...] Une entreprise de désacralisation qui vise à gommer une histoire douloureuse Certains cultes de la personnalité se poursuivent outre-tombe à l'image de celui de Mustapha Kemal, mais force est de constater que ceux-ci sont atténués voir gommé tant les marques de ces cultes paraissent lié à une histoire douloureuse. Un culte de la personnalité est toujours lié à un régime autoritaire. Tous ceux qui ont bénéficié d'un culte de la personnalité lié à la Seconde Guerre mondiale ont été évincés à la victoire, mais cette fin d'une foi est la plus spectaculaire en Allemagne. L'entreprise de dénazification des alliés a eu pour corollaire une entreprise démystification et de condamnation de l'ancien dictateur. Les nouveaux leaders politiques se placent alors en contradiction totale avec l'ancien chef. [...]
[...] Si on dépasse la période, pour analyser le temps présent on comprend pourquoi les Turcs se tournent vers le tombeau de Moustafa Kemal, lorsque la laïcité de leur État risque d'être remise en cause. Ainsi dans les régimes qui ne présente pas en rupture totale avec ceux qui les ont précédés continue à entretenir un certain culte de leur chef. Conclusion Les cultes de la personnalité restent liés à des idéologies particulières et à des situations de crises. Maintenu par la propagande, le culte de la personnalité sert de mythe unificateur, où le chef apparaît comme une émanation du peuple, en même temps qu'il se présente comme le père de ce dernier. [...]
[...] Le culte de la personnalité reste attaché à une crise originelle qui en détermine en partie la nature. Une typologie peut être ici facilement dressée. Les cultes de la personnalité fascistes dans les années 1930 ont pour origine la Première Guerre mondiale et la Crise de 1929. Le culte voué à Mussolini et à Hitler dépend bien de cette matrice que l'on retrouve dans la mythologie de ces régimes. La Révolution est, elle, à l'origine du culte de la personnalité dans des régimes communistes, incapable d'atteindre l'idéal marxiste. [...]
[...] Les paroles du chef sont rapportées, apprises, assénées comme des vérités impérissables que l'on doit apprendre. La pensée de Mao, véritable bombe atomique spirituelle surnommée ainsi non pas parce qu'elle fut plus meurtrière que les armes qui ont explosé à Hiroshima et à Nagasaki, mais parce qu'elle est puissante et connue de tous les Chinois qui ont obligation de posséder et connaître, par cœur, le petit livre rouge L'état à un rôle actif dans la création du culte de la personnalité, notamment par des actions menées vers la jeunesse, appelée à voir un nouveau père dans le leader politique célébré. [...]
[...] Les leaders politiques trouvent alors dans le chef disparu une justification de leurs actions. Les cultes de la personnalité restent associés aux plus grands crimes collectifs du siècle. Bibliographie Serge Bernstein et Pierre Milza histoire du siècle François Furet, le passé d'une illusion Éric J. Hobsbawm, L'Age des extrêmes, Histoire du cours siècle Dans Le Passé d'une illusion, François Furet intitule un chapitre Le stalinisme stade suprême du communisme Dans le premier paragraphe, il est écrit : La dénonciation du culte de la personnalité par Khrouchtchev, en1956, n'aurait pas eu ce caractère d'extraordinaire coup de théâtre si ce culte n'avait pas été le trait particulier d'un régime in Les Étapes de la pensée sociologique, dans le chapitre consacré à Max Weber. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture