« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » : vous l'avez reconnue, il s'agit de la première phrase de l'article premier de notre Constitution. En une phrase sont ainsi affirmés les quatre piliers républicains parmi lesquels ce qui va nous intéresser aujourd'hui : la laïcité. Du grec laikos : « qui appartient au peuple », la laïcité définie en philosophie politique comme un « principe selon lequel l'Etat n'exerce aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique ». Si ce principe a été consacré en France par la très symbolique loi de 1905 séparant l'Eglise et l'Etat, la laïcité est dans notre pays plus qu'une évolution institutionnelle, liée au sécularisme et à la victoire de la tolérance. Il s'agit d'un idéal, d'une morale individuelle de liberté de conscience absolue, permise par l'école républicaine de Jules Ferry. Cela explique pourquoi elle est ainsi inscrite, fait unique en Europe, dans notre Constitution.
Cependant les choses ont changé, la France a changé depuis la IIIe République. Sociologiquement, l'immigration a modifié le paysage culturel français ; l'école a elle aussi changé. Aujourd'hui, on ne peut passer outre le débat qui existe sur notre laïcité « à la française » : la loi sur le voile de 2004 l'a ravivé récemment. Notre conception de la laïcité, qui a elle-même évolué au cours du temps, est accusée de nombreux maux, parmi lesquels une rigidité qui serait à l'origine des mouvements communautaires et du manque d'intégration de certaines populations d'origine immigrée.
Qu'est-ce que cette laïcité a-t-elle pu apporter à la République française : en quoi fut-elle une solution pour ancrer l'unité républicaine ? Cette idéologie qui semble parfois dépassée aujourd'hui peut-elle être considérée comme un problème qui empêcherait la France d'avancer dans sa diversité ? Faut-il repenser la laïcité française ?
[...] Pour les individus issus de l'immigration, la prégnance du racisme continue à les enfermer dans un particularisme néfaste. Parallèlement, l'école publique a perdu son rôle de moteur de l'ascenseur social dans l'esprit de beaucoup de parents. Certains imputent cette perte de confiance en l'école républicaine aux enseignants eux-mêmes. Ainsi, selon Fahrad Khosrokhavar, les instituteurs s'écartent chaque jour davantage de la réalité des quartiers dans lesquels ils sont amenés à enseigner. Le risque est le repli dans un communautarisme grandissant, dont l'esprit de notre République ne saurait se contenter. [...]
[...] Celle-ci, inadaptée aux transformations de la société française, peut se révéler dangereuse, mettant en péril une cohésion sociale parfois fragile. Apparaît alors la nécessité non pas d'abandonner ce principe de laïcité qui est à la base de notre République, mais de le repenser afin de refonder un pacte social commun et pacificateur, sur la base de valeurs sur lesquelles la France républicaine ne transige pas, tout en préservant l'espace de liberté aujourd'hui réclamé par les individus. Bibliographie COSTA JP, La conception française de la laïcité, in Revue des sciences morales et politiques nº2, p.167-181 POLIN R., De la laïcité classique à la laïcité actuelle, in Revue des Deux Mondes avril 1994, p. [...]
[...] Un retour aux sources de la laïcité : une laïcité pluraliste On pourrait aussi l'appeler laïcité positive pour reprendre l'expression de Jean-Paul Costa. Une laïcité de demain reprendrait alors les termes de la laïcité originelle : égalité des citoyens, indépendance de l'Etat vis-à-vis de la sphère religieuse et non pas hostilité ni indifférence, règle de cohabitation, définition de valeurs communes. L'Etat se doit de garantir l'unité de la nation et des citoyens, la cohésion et la paix sociale. Pour ce faire, il doit travailler en partenaire des responsables religieux, et ne plus les ignorer ; bien au contraire, une collaboration assurerait à l'Etat le soutien de ces responsables de communautés religieuses, forces centrales lorsqu'il s'agit de solidarité mais aussi d'intégration. [...]
[...] Si elle n'avait pas de raison d'être prise en compte par la loi de 1905, la religion musulmane se trouve aujourd'hui en France dans une situation délicate et le manque de statut juridique est criant. En parallèle, on observe un renforcement des identités en réaction au mouvement général de mondialisation. Ainsi, en France, ce mouvement est clairement palpable, notamment dans de nombreuses communautés religieuses, que ce soit l'intégrisme catholique, le traditionalisme juif ou le fondamentalisme musulman : l'esprit de laïcité et son modèle idéal semblent s'estomper. [...]
[...] Il s'agirait alors, pour reprendre encore l'expression de Pena-Ruiz de conférer à l'idéal de l'école républicaine le statut de couverture idéologique de l'injustice sociale l'expression d'un communautarisme majoritaire ce sont les mots de Fahrad Khosrokhavar. Le risque est alors d'encourager les particularismes communautaires au lieu de les endiguer. En refusant de manière inflexible de laisser s'exprimer à l'école et de chercher à comprendre les colères et les positions particulières des uns et des autres, ils ne feraient que les exacerber. C'est alors que la cohésion sociale est véritablement en jeu. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture