Il existe en effet une disparité des modèles : laïcité dans les pays de tradition catholique et en Turquie, sécularisation dans les pays de tradition protestante, multiconfessionalisme aux Pays-Bas et en Allemagne… Dans cette optique, le modèle français de laïcité est un avatar parmi d'autres d'un mouvement de sécularisation plus large, que Gauchet désigne sous l'expression « sortie de la religion » dans un souci d'unicité conceptuelle.
Cette notion permet en outre de saisir des mouvements de sécularisation non encore cristallisés dans un modèle – et qui n'ont peut-être jamais vocation à l'être –, au sens où l'on a pu observer, selon Kepel, des mouvements de dé-islamisation et de dé-judaïsation dans certains Etats, et où l'on observerait plutôt aujourd'hui un processus inverse de ré-islamisation et de re-judaïsation.
Comment comprendre la spécificité de la laïcité française ?
[...] Le modèle de la laïcité française 1. La laïcité française, exception de la séparation et du refus de la neutralité La spécificité du modèle de laïcité à la française est double. Elle s'affirme d'une part dans le choix de séparation de l'Etat et des Eglises, opérée par la loi du 9 décembre 1905 et entendue comme la concrétisation de l'idée-force de la sécularisation selon laquelle la sphère publique celle de la citoyenneté devrait être séparée de la sphère privée où chaque individu peut demeurer, s'il le souhaite, un croyant avant tout. [...]
[...] Ainsi les pouvoirs publics ne subventionnent-ils pas les écoles confessionnelles par exemple. Ce qui peut paraître surprenant, c'est qu'aux Etats-Unis sans doute plus qu'ailleurs, la neutralité de l'Etat n'a pas eu d'effet d'entraînement au sein de la société qui reste profondément religieuse - l'Etat est laïque mais la société est religieuse. Autre particularisme, l'invocation de Dieu dans de nombreux actes de la vie publique est générale et abstraite et reflète plutôt un attachement de la société au contrôle de l'ordre des valeurs le multiconfessionalisme - Les Pays-Bas : bien que le calvinisme ait été le ciment de l'identité nationale lors de la formation des Provinces-Unies (par détachement de à l'Espagne catholique), la tradition protestante libérale a rapidement imposé les conditions du pluralisme. [...]
[...] Cette notion permet en outre de saisir des mouvements de sécularisation non encore cristallisés dans un modèle et qui n'ont peut-être jamais vocation à l'être au sens où l'on a pu observer, selon Kepel des mouvements de déislamisation et de dé-judaïsation dans certains Etats, et où l'on observerait plutôt aujourd'hui un processus inverse de ré-islamisation et de re-judaïsation. Comment comprendre la spécificité de la laïcité française ? En appréhendant d'abord le mouvement global de sortie de la religion Puis en étudiant comment ce processus s'est cristallisé dans des expériences nationales distinctes. La sortie de la religion : un même mouvement et des contradictions semblables sous-tendent les différents modèles La sortie de la religion s'inscrit dans le continuum Renaissance-Lumières-Positivisme et s'exprime par l'affirmation du primat de la sphère politique, de la modernité et de leurs propres idoles. [...]
[...] Dès la fondation de la République Batave en 1795, les Eglises sont séparées de l'Etat et mises sur un pied d'égalité. Le tournant multiconfessionnel intervient en 1917, lorsque la Constitution reconnaît l'égalité des écoles publiques et privées et leur financement intégral par l'Etat. Ce modèle de développement séparé et autonome des confessions dans la sphère publique aboutit à une vue communautarisée du social qui s'oppose directement à la laïcité française unité et privatisation des confessions. - L'Allemagne : la tradition multiconfessionnelle est un héritage du statu quo instauré par le Traité de Westphalie (1648) entre les Etats protestants et catholiques de l'Empire - brisé par napoléon et la Révolution française. [...]
[...] Dans cette optique, la laïcité est un des principes fondamentaux du projet kémaliste, au même titre que l'étatisme, le révolutionnarisme ou le nationalisme par exemple. De la même façon, la laïcité kémaliste met fin à toute intrusion de la religion dans la sphère publique loi, éducation, culture - et la relègue dans la sphère privée. Les autres modèles de sécularisation Les pays de tradition catholique, entre pluralisme et difficile séparation de l'Eglise - La Belgique : fortement influencé par l'expérience française, le modèle belge se distingue essentiellement en ce que la Constitution de 1831, qui garantit la liberté de conscience, résulte du compromis unioniste de 1827 entre les catholiques et les libéraux. [...]
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