Reflexion sur la judiciarisation de nos sociétés démocratiques réalisé par un étudiant en droit. Exposé réalisé lors d'un seminaire de droit et mobilisations politiques à l'IEP de Lille. Cet exposé de plus de 4300 mots a reçu d'excellentes appréciations.
[...] La judiciarisation des démocraties Vers des démocraties judiciaires ? Introduction Les médias en sont pleins. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un procès retentissant vienne faire la une des journaux télévisés. Regardons ensemble l'actualité d'hier : affaire Elf, incarcération de José Bové, les exemples ne manquent pas. Cette dernière affaire est d'ailleurs des plus significatives : le leader de la Confédération Paysanne a été condamné à 14 mois de prison ferme. Lui et ses partisans s'insurgent quant à cette décision, considérant le bien-fondé moral et écologique de leurs actions (la destruction de plans d'OGM cultivés à des fins scientifiques), et en appellent au chef de l'Etat pour régler cette affaire. [...]
[...] La cause de cette évolution est à chercher dans celle de la démocratie elle-même. En France, la conception du droit est légicentrique : le juge applique la loi, qui est l'expression de la souveraineté populaire. Mais la crise du politique a offert au juge la possibilité de voir modifier son statut. La fin des immunités politiques montre la transformation de cette perception. Il ne s'agit pas là d'un complot des juges : c'est moins le juge qui est devenu un nouvel acteur politique que les politiques qui sont devenus de nouveaux justiciables, soumis à la loi commune. [...]
[...] Il existe donc un vrai rapport nourricier entre l'Etat et le Droit. Il n'est par conséquent pas étonnant que l'Etat, définissant le Droit, ait originellement placé sous sa coupe l'organisation judiciaire, simple hiérarchie rationalisée dans le but d'appliquer le droit défini par les lois qu'il édicte. Ce modèle classique du droit écrit tel qu'on le rencontre dans la majorité des démocraties occidentales institua donc des mécanismes assurant la docilité du pouvoir judiciaire. La première grande césure dans l'histoire contemporaine du rapport du droit au pouvoir politique eut lieu après la Seconde Guerre mondiale. [...]
[...] Le lien social ne se définit-il plus que selon le mode agresseur/victime ? On constate aujourd'hui que l'identification de l'opinion à la victime s'accroît considérablement, et avec elle la présomption de culpabilité quant à l'accusé. Le lien social, qui se délite dans le cadre des solidarités traditionnelles, semble trouver, avec la communicabilité de la douleur, une autre façon de se générer. Les faits divers sont subitement mis au cœur de l'espace public : l'opinion publique s'intéresse de plus en plus au privé, au quotidien, surtout lorsque ce quotidien montre l'intolérable et paraît comme proche, comme pouvant être vécu par tout un chacun. [...]
[...] De plus, rien n'est figé dans cette évolution. Comme le notent Laurence Engel et Antoine Garapon, on assiste à un véritable brouillage des frontières : le juge fait de la politique, le politique fait de la politique pénale, public et privé s'interpénètrent ».En effet, le pouvoir juridictionnel politiquement différencié de l'exécutif est le porte-voix d'une politique pénale que définit l'exécutif. Derrière cette intrusion du judiciaire dans le domaine du politique, se dissimule plus fondamentalement un nouveau rapport entre les citoyens et leur régime, dont le Droit est la principale caractéristique II] La métamorphose du consensus démocratique 1. [...]
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