La dénonciation du “gouvernement des juges est récurrente dans plusieurs pays d'Europe (notamment en France) et aux Etats-Unis. L'expression se réfère à l'intervention croissante du juge dans la vie sociale et politique du pays et à l'inquiétude des pouvoirs législatif et exécutif face à cette montée en puissance du juge. En France l'ascension du juge est bien réelle depuis le milieu du siècle dans tous les domaines : économique, social et surtout politique. Le contentieux se développe, les juridictions fleurissent : “la société se judiciarise”. Mais en même temps les sondages révèlent dans l'opinion une crise de confiance, de légitimité vis-à-vis du juge.
En effet, cette emprise actuelle du juge sur la société et le politique est celle d'un pouvoir non élu, souvent irresponsable et dont la légitimité est discutée, ce qui semble contraire aux principes de la démocratie à la française. Le juge ne devrait être qu'arbitre; il est bien plus que cela, et tend de plus en plus à se substituer au pouvoir politique, remettant en cause l'équilibre des pouvoirs institutionnels. Il y a donc aujourd'hui une remise en cause des fonctions du juge, parce que celui-ci tend à outrepasser ses pouvoirs initiaux...
[...] Il ne juge pas les lois référendaires. Il s'est bien gardé par exemple de vérifier la conformité à la constitution du recours à l'article 11 pour le référendum de 1962 par De Gaulle, pour ne pas limiter le rôle de la souveraineté populaire. De même dans l'affaire du foulard, le juge saisi a éviter de régler le problème dans son ensemble, en traitant bien séparément chaque cas particulier. Il est limité par un pouvoir extérieur Le pouvoir des juges est également limité par des pressions extérieures : celles du pouvoir politique. [...]
[...] La faible responsabilité du juge s'oppose clairement à la responsabilité du pouvoir exécutif (PR et Gouvernement) ainsi qu'à celle du législatif (parlementaires). Le juge n'est pas élu Tout comme la responsabilité, la légitimité du juge n'est pas la même que celle des pouvoirs législatif et exécutif : le juge n'est pas élu. Il ne doit donc pas être partisan, il ne peut pas non plus tenter de s'imposer comme un créateur de droit, ni tenter de se substituer au politique. [...]
[...] L'ascension actuelle du juge répond à une demande sociale croissante, et se manifeste à deux niveaux : quantitatif (développement du contentieux) et qualitatif (nouveau type de contrôle) Le contentieux explose Plus rien ne semble échapper au contrôle du juge. : les juridictions se multiplient et affirment chaque jour un peu plus leur autorité. L'intervention du juge s'observe dans des secteurs toujours plus étendus de la vie sociale et économique : dans le domaine économique les départements juridiques se développent rapidement, dans les conflits sociaux le juge est de plus en plus sollicité; dans le domaine moral également, on peut penser à tous les problèmes de bioéthique pour lesquels on a fait appel au juge plutôt qu'à l'Etat. [...]
[...] Et quand cette jurisprudence devrait être individuelle (interdiction des arrêts de règlement), elle devient très vite assez générale. On peut ici penser aux Principes généraux du Droit, définis par le juge et qui complètent la loi dans des domaines très larges du droit. Ces principes généraux s'imposent au pouvoir règlementaire et administratif. Et a une emprise croissante sur le politique Le juge n'a pas de légitimité politique. Or il empiète largement, et de plus en plus, sur le politique, contre le principe de séparation des pouvoirs. [...]
[...] C'est surtout la responsabilité pénale de l'administration qui est de plus en plus affirmée. En cas de faute grave, l'administration est dessaisie de son privilège de juridiction. Et cette “faute grave” concerne des cas de moins en moins grave (ex. : crime ou délit non intentionnel mais dû à une négligence ou une inattention). Cela peut sembler souhaitable dans le cadre d'un Etat de Droit, mais amène en même temps à négliger les contraintes spécifiques à l'action administrative et porte atteinte au principe de séparation des juridictions. [...]
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