Dans son Discours préliminaire au projet de Code civil, Portalis souligne que « l'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière ». La justice est ainsi présentée comme l'organe qui se doit de faire respecter ces maximes générales du droit. Portalis rejoint là l'idée du Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau, qui montre la nécessité du lien entre « ce que le droit permet avec ce que l'intérêt prescrit, afin que la justice et l'utilité ne se trouvent point divisées ».
Néanmoins avec l'ancrage de l'autorité judiciaire en France, on parle aujourd'hui de plus en plus d'une judiciarisation de la société, avec la vision d'un pouvoir grandissant accordé aux juges. La judiciarisation traduit, selon sa définition académique, « l'intervention croissante des juges dans le contrôle de la régularité des actes de certaines autorités (élus, administrateurs, chefs d'entreprise…) ». Mais à cette définition s'ajoute également « la propension à privilégier le recours aux tribunaux pour trancher des litiges qui pourraient être tranchés par d'autres voies (médiation, accord à l'amiable).» Cette dernière phrase exprime parfaitement toute l'ambiguïté du phénomène de judiciarisation de la société.
[...] II] Les effets pervers de la judiciarisation de la société française 1. Les remises en cause d'une suprématie de l'autorité judiciaire en France Une trop grande opacité de la pratique judiciaire empêche sa modernisation - La multiplication du nombre de lois conduit incontestablement à une complexification des règles de droit. Aussi, on peut mettre en relation la judiciarisation de la société et cette multiplication des textes de lois qui doivent réguler des secteurs de plus en plus spécialisés et de nouveaux risques comme ceux du droit des affaires, avec la propriété intellectuelle, ou les marchés de capitaux. [...]
[...] - Le Tribunal Pénal International a lui été fondé avec l'ambition de juger les personnes présumées responsables de graves violations du droit humanitaire international, depuis le 1er janvier 1991 sur le territoire de l'Ex-Yougoslavie. Un autre Tribunal Pénal International a été institué par la suite, pour juger les responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire, commis sur le territoire du Rwanda, dans le cadre d'un conflit armé interne durant l'année 1994. La judiciarisation de la société française semble donc aller dans le sens d'une démocratisation de la justice, et par conséquent être bénéfique à chaque citoyen parce que de plus en plus adaptée à ses attentes. [...]
[...] La justice c'est nous n'est pas un mot d'ordre plus acceptable du point de vue du fonctionnement d'une démocratie que l'Etat c'est moi Faut-il mettre fin à la judiciarisation ? - La Justice appartient à l'Etat et ne pourrait être structurée en opposition radicale avec lui. En outre, aucun pouvoir ne peut aspirer à une indépendance générale et absolue, même en démocratie. Les magistrats sont investis de pouvoirs d'une portée considérable mais, par voie de conséquence, soumis à un principe de responsabilité. [...]
[...] Extraits du corpus de textes MALAURIE Philippe, Anthologie de la pensée juridique, 2ième édition. Paris : Cujas Constitution de la Ve République. Extrait du Discours préliminaire au projet de Code civil de Portalis. [...]
[...] La personne du juge est alors renforcée, remettant parfois en cause l'indépendance statutaire de l'autorité judiciaire, qui fait l'objet du titre VIII de la Constitution de 1958, notamment à l'article 64 : le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire Il convient alors de se demander si la judiciarisation de la société française ne témoigne pas d'une crise de l'institution judiciaire. Si une première partie insistera sur les différentes origines et les conséquences de la judiciarisation de la société française, nous étudierons ensuite ses effets pervers notamment au regard du risque d'un gouvernement des juges. [...]
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