Pourquoi parle-t-on aujourd'hui avec une telle facilité du phénomène des "profanes" et du désintérêt soit disant croissant pour la vie politique alors que cette dernière n'a jamais été aussi "accessible" en termes de médiatisation que depuis quelques années? Il semble aujourd'hui que le "champ médiatique" n'ait plus ce rôle de médiateur idéalisé par les croyances dans les années 1960 dans l' "arena cathodique", intermédiaire direct entre la population et sa classe politique, entre ses représentants et ses représentés. La grande époque de l'ORTF était aussi celle d'un contrôle effectif du média par le pouvoir politique, qui contribuait à "court-circuiter" un Parlement déjà mis à mal par l'affirmation du pouvoir exécutif et la présidentialisation du régime de la Veme République. Aujourd'hui, la configuration médiatique et politique est différente; il convient donc de donner aux termes « jeu politique » et « médias » des définitions actuelles. Comment définir le terme « média » sans tomber dans le lieu commun?
[...] L'analyse des élections régionales de 2004 est à cet égard très significative. Au Monde, la rubrique "régions" a même disparu pendant quelques jours en pleine campagne au profit de la rubrique "politique": cette poussée à l'absurde montre la saisie au niveau national d'un enjeu local objectivé par l'espace médiatique. De fait, la campagne des régionales n'a été traitée qu'à la marge par les journalistes des "services régions" au profit des journalistes politiques qui ont mis en scène dans l'arène les principales figures "présidentialisées" - et pour la plupart présidentiables - de la scène politique française et ont mis au centre le gouvernement Raffarin dans une logique de mid term élections. [...]
[...] Il s'agit donc pour le journalisme politique de se mettre en position de distance par rapport à l'objet, c'est à dire de ne pas se laisser duper par le contenu des programmes dont la technicité est d'ailleurs telle que le décryptage des programmes est souvent délégué à d'autres équipes journalistiques devenues expertes dans des domaines délimités ( propositions économiques analysées dans les rubriques économie etc.). Il semble donc aujourd'hui que le journalisme politique se soit focalisé sur le jeu entre les différents acteurs en compétition. Cette analyse en termes de jeu consiste à décrypter les logiques de communication des candidats, les mises en scène, les petites phrases à travers le prisme de la logique de vulgarisation exigé par la règle de la profession. [...]
[...] C'est ce pouvoir de persuasion qui a une incidence sur le jeu partisan, et dès lors que les médias ne sont pas un pouvoir neutre pour le jeu partisan, il s'agira pour les acteurs en concurrence de savoir saisir les thèmes objectivés par les médias comme une réelle ressource politique susceptible d'être rémunératrice en termes d'électorat, mais aussi d'être visible médiatiquement, c'est à dire de savoir par la même communiquer de façon professionnalisée et calculée pour solliciter des médias qui sont en soi une ressource politique potentiel pour tout acteur concurrentiel. Bibliographie indicative Que sont les médias ? : Pratiques, identités, influences par Rémy Rieffel Medias et Societes par Balle, 2000. [...]
[...] Cet "air du temps" se construit dans les "campagnes de presses" des différents journaux puis devient chiffré et scientifique grâce aux sondages. Pour la presse "engagée", l'outil statistique du sondage est donc une arme visant à produire des effets politiques en substituant à la réalité ce que les gens sont censés penser de la réalité après une campagne de presse ayant contribué de façon diffuse à fabriquer cette réalité. Dès lors, ce processus d'objectivation médiatique qui légitime tel ou tel camp politique définit ou contribue à définir par le même coup l'"agenda politique" à travers la symbolisation d'enjeux sociaux correspondant à une réalité relative. [...]
[...] Il semble en effet que cette tendance à vouloir communiquer jusque dans les plus petites circonscriptions soit à rattacher à l'usage au niveau national des médias en politique: le processus de mise en scène de soi et de son action est le même pour l'entrepreneur politique à la seule différence que cette médiatisation est une médiatisation réalisé par des professionnels de la communication qui fonctionnent selon des logiques radicalement différentes de celles du journalisme. Tout d'abord, le rapport marchand entre le communicateur et l'entrepreneur politique est direct au sens ou le second commande des services médiatiques au premier en fonction de calculs rationnels bien déterminés. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture