Docteur d'Etat, Jean-Marc Ferry (né en 1946), enseigne les Sciences politiques et la Philosophie à l'Université libre de Bruxelles. Il poursuit des recherches dans le cadre du département de Philosophie de l'Université Goethe de Francfort-sur-le-Main et de l'Institut Raymond Aron. Il se distingue par son appartenance au comité de rédaction de la revue Esprit, la traduction du premier volume de la Théorie de l'agir communicationnel de Jürgen Habermas et la rédaction de plusieurs essais, comme les Puissances de l'expérience, publié en 1991, ou l'ouvrage ici étudié, La question de l'Etat européen, publié en 2000. Théoricien, Jean-Marc Ferry veille toutefois à rester en prise avec les enjeux de son temps.
C'est pourquoi il s'intéresse à la question de l'intégration européenne, porteuse de lourds enjeux au tournant du XXIème siècle. En effet, celle-ci se politise fortement lorsque Jean-Marc Ferry rédige son essai, à travers le transfert de fonctions de souveraineté, comme la monnaie, la politique économique ou la défense, et la montée en puissance du thème d'une Constitution européenne. Cette politisation est inhérente à la formation d'un Etat européen. Paradoxalement, la naissance de celui-ci se déroule dans l'apathie générale, tant la technocratie, le pragmatisme, les objectifs techniques et économiques ont pris le pas sur la visée idéaliste initiale de l'Union Européenne (UE). Le philosophe prend donc le parti de dépasser cet apolitisme généralisé et de mener une réflexion sur la forme que pourrait prendre cet Etat européen : c'est la « question de l'Etat européen ».
Dès lors la fiche de lecture sera articulée autour de la question suivante : Jean-Marc Ferry répond-il de façon pertinente à la « question de l'Etat européen » ?
Certes, Jean-Marc Ferry théorise la structure juridique et morale d'un Etat cosmopolitique européen doté d'une Constitution (I). Il expose même les conditions pratiques de la viabilité d'une telle structure (II). Néanmoins, cette proposition est décrédibilisée par ses points de convergence avec la situation actuelle, qui n'est pas pleinement satisfaisante (III).
[...] Face au caractère très hypothétique de ces paris, John Rawls se veut plus précis et propose une série de grands principes respectant les droits individuels fondamentaux et les droits des gens et encadrant les rapports entre les nations. Sous des dehors minimalistes, John Rawls envisage donc, à l'instar de Jürgen Habermas, un interventionnisme combattant les atteintes aux Droits de l'Homme. Jean-Marc Ferry y voit là une esquisse de la définition d'un Etat cosmopolitique, qui est un Etat postnational. Cet espace cosmopolitique est l'avenir qu'il propose pour l'UE. Pour lui, un ordre cosmopolitique rend obligatoire constitutionnellement les droits fondamentaux des individus, ce qui justifie des restrictions à la souveraineté des Etats. [...]
[...] Le fait que Jean-Marc Ferry souhaite que les grandes orientations restent décidées par le conseil de l'Union est d'ailleurs très révélateur des défaillances de la pensée cosmopolitique. L'intergouvernementalisme peut donc bloquer les avancées vers un Etat européen, auquel les individus sont d'ailleurs indifférents. En effet, l'intergouvernementalité crée une opacité qu'évite la délibération publique (celle du Parlement européen, par exemple). Il n'y a donc pas de publicité, pas d'espace public et in fine pas de citoyenneté européenne concrète. Ces dangers de l'intergouvernementalité incitent à réhabiliter la voie fédérale. [...]
[...] - Margaret Thatcher), ce qui est une menace pour l'autonomie et la participation des Etats membres. Pour éviter cet écueil libéral, Jean-Marc Ferry propose un modèle alternatif pour l'UE, basé sur la transposition de certains droits individuels fondamentaux dans le droit des gens. Ces droits fondamentaux sont, selon Jean-Marc Ferry : ( Les droits civils fondamentaux, ayant trait à l'intégrité, ( Les droits civiques fondamentaux, ayant trait à la participation, ( Les droits sociaux fondamentaux, ayant trait à la solidarité, ( Les droits moraux fondamentaux, ayant trait à la personnalité. [...]
[...] Cette position de Jean-Marc Ferry n'est à mes yeux que peu compréhensible. Enfin, son ouvrage entier esquisse les contours sociaux politiques (espace public européen) et éthiques (patriotisme constitutionnel) d'un projet de civilisation européen, dont rien ne dit qu'il sera moins fédérateur qu'un projet national. L'Etat cosmopolitique que prône Jean-Marc Ferry en guise d'alternative ne marque pas de rupture par rapport à l'architecture actuelle de l'UE Refusant donc à la fois le repli national et le fédéralisme, Jean- Marc Ferry présente une solution alternative, celle de l'Etat cosmopolitique, qui respecte à la fois les droits individuels fondamentaux et la souveraineté des Etats, tant que celle-ci ne remet pas en cause les premiers. [...]
[...] Jean-Marc Ferry théorise la structure juridique et morale d'un Etat cosmopolitique européen doté d'une Constitution A Pour Jean-Marc Ferry, le droit cosmopolitique doit fonder l'Etat européen Un Etat européen cosmopolitique respecte la souveraineté des Etats, mais peut la limiter au nom du respect du droit des individus Selon Jean-Marc Ferry, construire un Etat supranational européen est impossible avec l'assentiment des populations concernées, car les identités nationales sont bien plus fortes que l'identité européenne ! Il propose donc un Etat européen postnational. Sa réflexion part de celle de Kant. [...]
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