Bien qu'il s'intitule "Les Italiens et l'Etat", l'objet du dossier est en fait plus vaste: il s'agit plutôt d'analyser les rapports qu'entretiennent les Italiens avec l'ensemble des institutions qui organisent la société italienne, qu'il s'agisse de la famille, des syndicats ou encore des partis politiques. Dans cette perspective, le dossier cherche toujours à mettre en relation les résultats obtenus avec une analyse des principales évolutions de la société italienne tout au long des années 90.
Dans leurs grandes lignes, les conclusions de l'enquête ne surprennent pas beaucoup, puisque on nous dit que la société italienne se montre sceptique vis-à-vis de l'Etat et des institutions publiques et qu'elle préfère à la dimension publique les systèmes de relations plus rapprochés, comme la famille ou les réseaux communautaires. Les résultats de ce type ne font que confirmer ceux qu'on avait pu tirer des enquêtes menées les années précédentes. Mais, à côté de ces tendances de fond, l'enquête dégage des évolutions de court terme et des éléments d'explication relativement complexes que j'ai essayé d'organiser dans ma présentation du dossier...
[...] L'emploi Les mentalités ont profondément évolué en matière d'emploi: le concept qui résume les aspirations nouvelles est celui de "flexicurity", combinaison de "flexibilité" et de "sécurité". Les nouvelles conceptions en matière de politique de l'emploi sont en effet caractérisée, d'une part, par une montée de l'individualisme: ainsi, en 2000, la quasi-totalité des personnes interrogées considèrent qu'il est nécessaire d'aider les personnes qui aspirent à s'installer à leur compte; 3 Italiens sur 4 considèrent que le problème du chômage peut être attribué en grande partie au fait que les personnes ne s'engagent pas suffisamment et qu'elles ne sont pas prêtes à faire des sacrifices; enfin des Italiens considèrent comme une nécessité la défense et la promotion des nouvelles formes d'emploi flexible. [...]
[...] Cette tendance est peut-être le signe que les Italiens ne rejettent pas l'Etat en tant qu'Etat ni les institutions dans leur ensemble, mais au contraire qu'ils cherchent désespérément une alternative à un Etat inefficace. L'enquête fait apparaître que plus de 80% des Italiens souhaitent que les Régions obtiennent beaucoup plus de pouvoirs et de moyens qu'à l'heure actuelle. Or, le profil social de ceux qui soutiennent cette position coïncide de façon frappante avec celui des eurosceptiques: les régionalistes sont les adultes, les vieux, ceux qui ont un faible niveau d'éducation, les chômeurs. [...]
[...] Certes, l'enquête confirme certaines spécificités italiennes, telles que le faible civisme des Italiens, le rôle fondamental de la famille, l'attachement à la dimension locale, etc. Il faut toutefois souligner que de nombreuses réponses des personnes interrogées révèlent des préoccupations largement partagées par le reste des Européens, en particulier les peurs engendrées par la criminalité, les mutations du marché du travail, les incertitudes à propos de l'identité nationale, le développement des revendications particularistes, l'attraction exercée par le secteur privé. Ces changements ont selon Marc LAZAR déterminé un nouvel antagonisme social, qui opposerait non plus ceux qui sont "en haut" à ceux qui sont "en bas", mais bien plutôt ceux qui sont à ceux qui sont par rapport aux dynamiques en cours. [...]
[...] En effet, pour que le jeu politique fonctionne correctement, il faut que se rencontrent à la fois un Etat respecté et une société civile capable de réguler l'action du pouvoir central. Or, ce que montre justement l'enquête, c'est l'ampleur de la crise de tutelle qui frappe aujourd'hui l'Italie: faute d'un Etat digne de ce nom, les citoyens cherchent un interlocuteur efficace tantôt dans l'Europe, tantôt dans les Régions. Ces hésitations traduisent cependant une réalité dont les Italiens commencent à prendre conscience, à savoir qu'ils ne pourront agir efficacement au niveau régional et au niveau supranational qu'en réformant leur Etat, et non en tirant un trait dessus. [...]
[...] La méfiance de ces individus vis-à-vis de l'Etat s'explique principalement par leur peur de l'avenir, les incertitudes inhérentes à leur situation d'emploi. Ces personnes éprouvent un grand besoin de protection sociale, et c'est parce que l'Etat ne répond pas suffisamment à ce besoin qu'elles s'en détournent. La méfiance des Italiens vis-à-vis de l'Etat n'est donc pas homogène: sa nature varie selon que l'on considère des personnes capable de s'adapter aux changements socio-économiques ou qu'il s'agisse de personnes pour lesquelles ces mutations sont synonymes de précarité et d'avenir incertain. [...]
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