Le 2 août 1990, Saddam Hussein envahit le Koweït. Les troupes irakiennes annexent aisément la petite monarchie pétrolière de la Péninsule. L'Irak justifie cette annexion par l'accaparation de ses ressources pétrolières et une politique de fixation des cours bas du baril par le Koweït. Cette annexion est condamnée le 5 août par le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui décrète le lendemain le boycott militaire, économique et financier de l'Irak. Les Etats-Unis alliés des monarchies pétrolières de la Péninsule depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'attachent à défendre les intérêts du Koweït. L'opération « Bouclier du Désert » est déclenchée en vue de rendre sa souveraineté à l'Etat koweïtien et de freiner les vues expansionnistes de Saddam Hussein. L'invasion du Koweït par l'Irak est le premier conflit depuis la fin de la Guerre Froide. Les Etats-Unis ne voulant pas s'affirmer, tout du moins en ce qui concerne la forme, comme une puissance hégémonique vont regrouper une coalition composée plusieurs nations, dont des nations arabes, en vue de refreiner les aspirations irakiennes. La Guerre du Golfe embrasse alors l'ensemble du Moyen-Orient et du monde musulman. L'ingérence américaine et la politique saoudienne exerguent les sentiments nationalistes qui trouvent alors leurs expressions au sein de l'islamisme, mouvement d'expression du fondamentalisme musulman. Alors que l'Arabie Saoudite était relativement parvenue à organiser la mouvance islamique en canalisant les rancœurs contre l'URSS (Jihad afghan 1979-1989) et en discréditant la révolution islamique iranienne (parce que chi'ite) ; la Guerre du Golfe bouleverse le système instauré par Riyad.
Au lendemain de la Guerre du Golfe, la structuration des mouvements islamistes se trouve dérangée, les revendications et l'idéologie des islamistes ont évolué. La Guerre du Golfe a été le théâtre de l'essor et de l'évolution des islamistes tout comme son déroulement a été influencé par cet essor et cette évolution.
En effet, si la Guerre du Golfe conduit à la disparition de la centralisation saoudienne des réseaux islamistes (I), elle est également responsable de la radicalisation et de l'émiettement de l'islamisme (II).
[...] Le contrôle des islamistes devient alors quasi impossible. La Guerre du Golfe a bouleversé l'organisation de la nébuleuse islamiste. Le système lentement instauré par Riyad avec l'appui des pétrodollars est mort. Les islamistes se sont autonomisés vis-à-vis du financier mais également de l'idéologue saoudien. Ainsi la nébuleuse islamiste ne subit plus le contrôle que Riyad était parvenu, dans une certaine mesure, à lui imposer. La radicalisation des mouvements va conduire à une légitimation de la violence sans précédent qui plonge le XXIe siècle dans la spirale terroriste. [...]
[...] Islamisme et nationalisme social : un compromis désolidarisant La Guerre du Golfe a vu disparaître l'unité du bloc islamiste. En effet, Saddam Hussein en se rappelant de la tradition islamique, alors qu'il a toujours été un défenseur de la laïcité, et en invitant les populations déshéritées à se rebeller contre ces monarchies pétrolières de la Péninsule profitant d'une richesse aussi ostentatoire que disproportionnée, va scinder le bloc islamiste. Une partition s'instaure entre les classes moyennes conservatrices, désirant voir les mœurs de l'Islam se diffuser au sein de la société (conception wahhabite) et les populations pauvres en quête d'un nouveau modèle et prêtes à instaurer un Etat islamique. [...]
[...] Enfin si l'opération Tempête du désert conduit au départ des troupes irakiennes et au retour de la famille des Al-Sahab à la tête du Koweït, la Guerre du Golfe ne se solde pas par l'anéantissement du tyran Saddam Hussein mais par la mise au ban de l'Irak de la scène internationale, avec des conditions de vie difficiles pour la population civile irakienne. Le ressenti des populations pauvres de la zone vis-à-vis des monarchies opulentes de la Péninsule s'accroît. Le wahhabisme saoudien qui passait pour un rigorisme religieux devient alors le simple vernis d'une monarchie décadente inféodé à l'Occident. La fin d'un système La combinaison des pétrodollars et de la doctrine wahhabite avait permis à l'Arabie Saoudite de promouvoir un fondamentalisme qui éludait la question du pouvoir politique. [...]
[...] La poussée islamique de la Guerre du Golfe répond aux dynamiques de la décolonisation, les islamistes tels que les membres du F.I.S. ou du Hamas, ne sont que les descendants des nationalistes arabes du début du siècle. Ils appliquent à la logique tiers-mondiste un vocabulaire islamique ce qui leur confère une relative autonomie idéologique. Ainsi lors de la Guerre du Golfe, entre le Sud humilié et le Nord arrogant, l'affrontement est sorti enfin des coulisses politico-économiques pour briller sous les feux de la scène militaire Voir note v. [...]
[...] Ce qui laisse penser à certains que l'Islamisme tel qu´il a été pensé dans les années 80, est à l'agonie. Bibliographie - Roy Olivier, Les mouvements islamistes à l'épreuve de la guerre du Golfe, Crise du Golfe la logique des chercheurs, Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée, Nº Hors Série, Directeur Pierre Robert Baduel, EDISUD - Rémy Leveau, Islam et Populisme, Populisme, XXe siècle Revue d'Histoire, Nº Spécial 56, octobre-décembre 1997. - Gilles Kepel, Jihad Expansion et déclin de l'islamisme, Folio actuel - Gilles Kepel, Les stratégies islamistes de légitimation de la violence, Raisons politiques nº29, Presses de SciencesPo - François Burgat, La part des Islamistes, Crise du Golfe la logique des chercheurs - Georges Corm, Le Proche-Orient éclaté 1956-200, Folio Histoire, 1999. [...]
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