Les récentes interventions d'Eric Besson à propos de l'identité nationale nous renvoient à la question récurrente de la détermination des valeurs communes à chaque citoyen français. Alors que l'on peut douter de la capacité d'intégration de « notre modèle républicain » il semble bien difficile ici de définir ce que serait le citoyen français. Lors d'une récente intervention, Patrick Weil nous mettait ainsi en garde contre une définition politique d'une identité nécessairement en perpétuelle évolution. En effet, alors même que certains semblent encore croire à la tradition assimilationniste française, le processus de mondialisation a inexorablement ouvert une ère de diversité culturelle dans nos sociétés. Ce processus d'ouverture est en réalité ancien mais jamais il n'a été aussi global, important, rapide et irréversible. Aujourd'hui, la question de l'intégration de tous au sein de la société grâce à des valeurs communes mais dans la tolérance d'une diversité qui s'impose est donc essentielle.
Alors comment parvenir à intégrer cette diversité française dans son ensemble alors que le modèle d'intégration français semble grippé : rôle de l'école aujourd'hui critiqué, durcissement des conditions d'obtention de la nationalité, absence de « minorités visibles » (on se souvient à ce sujet de l'épisode Harry Roselmack, minorité visible à la télévision) voire même discrimination systématique, « panne » de l'ascenseur social au détriment notamment de populations issues de l'immigration pourtant symbole de la possibilité de la réussite de tous. Comment faire de ces « citoyens français issus de la diversité » l'égal des autres dans leurs chances de réussite ce qui est la base de ce modèle républicain d'intégration ?
Nous devons donc nous demander si les politiques de discrimination positive sont conciliables avec un modèle républicain à la recherche d'une plus grande efficacité dans l'intégration de cette diversité française.
[...] Qu'est-ce que la discrimination positive sinon l'exact contraire de la définition précédente ? L'idée de la discrimination positive implique des différences sur le plan juridique entre les communautés que l'individu, que le citoyen se considère membre ou non de celle-ci. Par ces mesures il ne s'agit plus d'adhérer par sa volonté à une communauté nationale unique et indivisible mais bien à l'intérieur de celle-ci de se voir être juridiquement considéré comme étant membre de tel ou tel groupe, qu'on le veuille ou non. [...]
[...] La méritocratie défendue par la république n'a de sens qu'avec une prise en compte de l'égalité des chances, et cette égalité des chances est le principal moteur de l'intégration par le fait que chacun a la possibilité de réussir, d'améliorer son sort indépendamment de ses origines. N'est-ce pas là le point de départ de la discrimination positive ? N'est-ce pas un des concepts centraux défendus par John Rawls dans sa Théorie de la Justice ? Sans égalité des chances, l'égalité des droits ne serait ainsi que biaisée et les politiques de discrimination positive peuvent permettre une amélioration de cette situation. [...]
[...] L'appellation même d'affirmative action à la française est même douteuse. Que serait une politique républicaine restaurant l'égalité des chances pour ces minorités issues de la diversité ? Comment parfaire ce modèle républicain par l'instauration de mesures de discrimination positive fondées sur des critères ethniques ? Comment résoudre par des mesures concrètes ces situations de discrimination systématique ? Tout d'abord, la logique de quota ne semble pas privilégiée en France comme l'évoque Jeannette Bougrab. En effet, l'idée qu'il faudrait réserver par exemple une part des emplois ou des places dans les grandes écoles (comme c'est le cas avec les universités américaines) semble peu en phase avec l'idéal méritocratique qu'il ne s'agit pas ici de remettre en cause mais bien d'améliorer via une amélioration de l'égalité des chances. [...]
[...] Une politique globale de l'intégration est à envisager mais la promotion de la discrimination positive n'a rien d'une nécessité. Justement, la discrimination positive n'implique-t-elle pas une forme de communautarisme ? Nous avons vu qu'il ne s'agissait pas d'un communautarisme à l'américaine mais est-il absurde d'envisager une évolution vers un communautarisme à la française ? Pourtant une telle évolution serait totalement contraire à l'idée que l'on se fait de la Nation comme l'a définie Sieyès, à la conception universaliste que l'on peut se faire d'un Homme. [...]
[...] En effet dans la conception française s'intégrer n'est pas seulement apporter de la diversité tout en étant en accord sur les principes essentiels du pays, c'est aussi adopter en partie les habitudes culturelles du pays. Ce modèle intégrationniste est profondément ancré dans l'esprit de nombreux français. Ainsi, se poser la question de l'évolution du modèle français vers un modèle communautariste à l'américaine n'est donc pas pertinent puisque celui-ci semble en contradiction totale avec les politiques d'intégration traditionnelles de la France. [...]
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