« Après l'expérience que nous fîmes, sous la IVe République, il était inévitable et sans doute indispensable que, dans les débuts de la Ve, le Parlement se trouvât resserré dans un lacis de contraintes [...] D'où une certaine dénivellation de l'autorité parlementaire » expliquait, à propos de la IVe République, Edgar FAURE, Avocat de son état, Résistant, par deux fois Président du Conseil (01/1952-03/1952 et 02/1955-02/1956), et Académicien.
La IIIe République, qui l'avait précédée et qui elle-même avait succédé au Second Empire, avait imposé peu ou prou la forme républicaine du régime à la faveur de la division fratricide des monarchistes. L'orientation de la IIIe République était donc au bénéfice des républicains (toutes tendances confondues, jacobins - partisans d'un pouvoir centralisateur - et Montagnards - partisans d'un pouvoir décentralisé). Mais, ce faisant, la IIIe République avait porté atteinte à la démocratie - qui est rappelons-le le pouvoir du peuple par le peuple (ο le peuple ; ο le pouvoir) - en mettant en place un régime parlementariste absolu, dans lequel le gouvernement n'était plus responsable que devant les partis politiques, qui sont des groupements d'hommes partageant les mêmes idées sur l'organisation et la gestion de la société et qui cherchent à les faire triompher en accédant au pouvoir.
Paradoxalement, et certes dans un contexte particulièrement difficile après la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) et le gouvernement collaborationniste de Vichy (de 1940 à 1944, avec à sa tête notamment le Maréchal Philippe Pétain, à qui l'Assemblée nationale avait accordé les pleins pouvoirs,la IVe République a reproduit d'une certaine façon la IIIe République en aggravant ses aspects les plus discutables.
La IVe République a connu, en douze ans d'existence, pas moins de vingt-quatre gouvernements (dont le plus éphémère n'a duré que dix jours, et le plus long un an, quatre mois) et trois législatures, toutes interrompues d'ailleurs ! Il s'agit de comprendre la nature et les conséquences de cette profonde instabilité ministérielle, d'en faire une lecture analytique permettant la mise en relief d'un certain nombre d'éléments pluriels offrant au citoyen lambda, sans anachronisme, une compréhension relative de la question. Distinguer donc : pourquoi et comment l'instabilité de la IVe République n'a pu la mener qu'à sa perte ? C'est ce à quoi nous tenterons de répondre en considérant, d'une part, la fragilité des institutions (I), et, d'autre part, la toute-puissance des partis (II), à cette époque et en France.
[...] Tandis que le Général de Gaulle, bénéficiant toujours d'une extraordinaire popularité, expose avec force, à Bayeux, dans un discours historique ses propositions constitutionnelles, les trois partis tentent, tant bien que mal et plutôt mal que bien, de rédiger un nouveau projet constitutionnel en favorisant le compromis évoqué dans la première partie de notre développement (I. B). Ce faisant, la gauche accepte la création d'une seconde chambre et d'un Président de la République aux pouvoirs affermis. Malgré cette volonté apparente d'apaisement, la IVe République dérivera vers un régime d'assemblée. Le régime se détériore peu à peu, il tourne en rond. [...]
[...] Une autre donnée importante réside dans la conjonction des oppositions et des majorités : les gaullistes (RPF) et les communistes s'opposent au régime tel qu'il est ; la réforme du scrutin de 1951 tente d'y résister en tentant de les marginaliser par le système des apparentements (alliances : or, ni le RPF ni le PC ne peuvent en conclure). C'est ensuite les poujadistes qui s'opposeront au régime. L'éclatement du RPF laisse la place à la Troisième force (qui comprend les socialistes, les radicaux et les républicains populaires), laquelle perpétue la critique à l'encontre du régime. Après les élections de 1951 la coalition pousse vers le centre droit. Mais dans chacun des cas, trois familles politiques aux visées divergentes doivent cohabiter. Or la coalition est constamment divisée (questions scolaires, par exemple, ou débat sur la laïcité). [...]
[...] Le Parti Communiste devient le premier parti de France des voix), suivi du Mouvement Républicain Populaire des voix), et la SFIO - parti socialiste de voix). Trois partis, représentant à peu près la même force, ouvrent le jeu de l'instabilité gouvernementale. Personnage emblématique et charismatique, c'est le Général de Gaulle qui est élu Président du gouvernement à l'unanimité. Mais, la politique reprend ses droits et l'affrontement inter-partis débute à l'occasion de la formation du gouvernement : le Général de Gaulle refuse d'accorder le tiers des ministères au PC, l'Assemblée refuse au Général sa participation à l'élaboration de la Constitution, puis la SFIO demande une réduction de 20% des crédits militaires ce que de Gaulle refuse. [...]
[...] Est instauré le bicamérisme, malgré les limites portées aux pouvoirs du Conseil de la République (Sénat). A présent, le Président de la République nomme le chef du gouvernement et la responsabilité gouvernementale devant le Parlement s'organise. Le droit de dissolution, toutefois, reste assez restreint. La rationalisation entre les pouvoirs exécutif et législatif montre toute l'attention portée à la situation générée sous la IIIe République, et admet la volonté de s'en écarter. D'ailleurs, l'échec de la IVe République tient moins au texte constitutionnel lui-même qu'à son application hasardeuse. [...]
[...] La IVe République ne satisfait pas à ces critères. Les gouvernements réunissent des représentants issus des différents partis coalisés. Par conséquent, les ministres sont davantage des représentants chargés de faire passer les idées de leur parti plutôt que d'appliquer la politique du Président du gouvernement. Le système partisan de la IVe République ne permet donc ni l'émergence d'une majorité parlementaire ni la solidarité gouvernementale. Les institutions se paralysent, le système s'enraille. La crise gouvernementale devient le phénomène majeur du régime. [...]
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