L'année 1748 constitue une date repère dans l'histoire de la réflexion doctrinale sur les institutions politico – juridiques des sociétés humaines. Cette année – là en effet, le juriste, philosophe et écrivain français Charles - Louis de Secondat, Baron de la Brède et de Montesquieu, plus connu sous le nom de MONTESQUIEU, publia un retentissant ouvrage intitulé De l'esprit des lois et qui allait devenir une référence dans la pensée humaine tendue vers l'effort d'analyse, de compréhension et d'amélioration de la gestion politico – juridique de la société des hommes.
Dans cette œuvre majeure à lui inspirée par l'étude attentive du régime politique britannique à l'occasion d'un séjour qu'il avait effectué en Angleterre, MONTESQUIEU considère ce régime comme celui idéal parce qu'empêchant toute possibilité de dérive despotique du pouvoir politique et assurant la liberté des citoyens. Mais l'aristocrate français s'était surtout rendu compte que si le régime britannique avait ainsi réussi à trouver une solution à la contradiction entre autorité et liberté, c'est parce qu'il était tout entier sous – tendu par un principe qu'il venait alors de découvrir : celui de la séparation des pouvoirs, c'est-à-dire de la distinction des fonctions étatiques de base et leur répartition entre les organes fondamentaux de l'État.
C'est pourquoi, dans la doctrine, on insiste particulièrement sur cette indépendance, notamment en ce qui concerne le pouvoir judiciaire dans ses rapports avec les deux autres pouvoirs. Cette préoccupation doctrinale pour un tel principe central de l'État de droit se retrouve également dans le droit positif de la plupart des États modernes. Au Sénégal par exemple, le principe fait l'objet d'une consécration constitutionnelle nette. En effet, l'actuelle Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 affirme avec force, en son article 88, que « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». Mais, s'agissant des États, il y a souvent un abîme entre les généreuses déclarations de leur loi fondamentale, les dispositions de leurs textes infra – constitutionnels, et ce qui se passe dans la pratique. Et cela est particulièrement vrai des États africains. Pour le cas spécifique du Sénégal en tout cas, un fait demeure indéniablement constant : la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire est souvent au cœur de controverses acharnées entre les gouvernants, l'opposition politique, les organisations de la société civile, les avocats, la presse, les intellectuels, et les simples citoyens. Et cela ne date pas d'aujourd'hui.
[...] Mais, toujours au plan extra institutionnel, il faudra, d'une part, trouver un moyen de contraindre l'Etat à veiller à l'exécution effective des décisions de justice (notamment par la procédure de l'astreinte en matière administrative), et, d'autre part, revoir la justiciabilité des membres du Législatif et de l'Exécutif par diverses mesures : supprimer l'autorisation parlementaire en tant que préalable à toute poursuite ou arrestation d'un député ; supprimer l'obligation de suspendre la poursuite ou la détention d'un député sur réquisition de l'Assemblée Nationale ; définir la haute trahison, y étendre la responsabilité des membres du Gouvernement, et procéder à la détermination législative de la peine la sanctionnant ; étendre la responsabilité du Président de la République aux crimes et délits ; limiter la mise en accusation du Président de la République et des membres du Gouvernement à la majorité absolue des députés composant l'Assemblée Nationale. Pour terminer, il importe de souligner que ce travail ne prétend pas à l'exhaustivité parfaite. Il ne se considère pas non plus comme une vérité absolue et exclusive. Il se pose tout simplement, en toute humilité et en dehors de toute considération de nature à jeter le discrédit sur les institutions de la république, en simple contribution citoyenne à l'étude d'une question qui préoccupe les Sénégalais : celle de l'indépendance du pouvoir judiciaire au Sénégal. [...]
[...] Section I : Un pouvoir dont l'Exécutif intervient dans la nomination et la révocation des membres Quand on parle de pouvoir judiciaire, on pense tout de suite aux magistrats. Or ces membres de l'organe judiciaire sont nommés par le Chef de l'Exécutif qu'est le Président de la République (Paragraphe ; s'agissant également de leur révocation, l'Exécutif intervient décisivement dans la procédure (Paragraphe II). Paragraphe I : Des magistrats nommés par le Président de la République Comme en dispose l'Article 4 de la Loi organique 92-27 du 30 mai 1992 portant statut des magistrats[8], Les magistrats sont nommés par décret du Président de la République, sur la proposition du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice Il ressort du mot proposition que si le Président de la République ne peut nommer que les personnes à lui désignées par le Ministre de la Justice et qu'il nomme volontiers dans la pratique, rien ne l'oblige juridiquement à le faire ; il peut donc, en toute légalité, refuser de nommer les personnes à lui proposées par le Garde des Sceaux même s'il lui est juridiquement impossible de nommer des personnes autres que celles-là. [...]
[...] I L'impossibilité pour le pouvoir judiciaire de poursuivre ou d'arrêter un député sans autorisation de l'Assemblée Nationale Cette interdiction, qui ressort de l'Article 61 de la Constitution, distingue deux périodes : celle de la durée des sessions et celle hors session. Pendant la durée des sessions, le parquet ne peut, en matière criminelle ou correctionnelle, déclencher aucune poursuite pénale contre un député, à moins que l'Assemblée Nationale l'y autorise ; de même, pendant la même période et en la même matière, le siège est irrecevable à décider d'arrêter un député sans autorisation de l'Assemblée Nationale (autorisation plus connue sous le nom de levée de l'immunité parlementaire). [...]
[...] Article 27 du Statut des magistrats. Article 28 du Statut des magistrats. Article 51 du Statut des magistrats. Article 57 du Statut des magistrats. Article 54 du Statut des magistrats. [...]
[...] N'empêche, le pouvoir judiciaire dont ils relèvent est géré par l'Exécutif, ce qui constitue une autre atteinte à son indépendance. Section II : Un pouvoir géré par l'Exécutif Deux faits fondent à parler de gestion exécutive du Judiciaire : d'une part, le parquet est hiérarchisé et placé sous l'autorité directe du Ministre de la Justice (Paragraphe ; d'autre part, le pouvoir judiciaire est géré dans son ensemble par ce même Ministre de la Justice (Paragraphe II). Paragraphe I : Un parquet hiérarchisé et placé sous l'autorité directe du Ministre de la Justice De la même façon qu'en France, les magistrats sénégalais se répartissent en deux catégories. [...]
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