Le Parti socialiste français entretient avec l'exercice du pouvoir un mélange instable d'ambition et de remords qui remonte aux origines du parti unifié en 1905. Le but des partis socialistes étant de transformer la société, ils ont toujours considéré que leur action devait se porter sur l'ensemble du système politique et économique. Et là, toutes les familles des partis du socialisme démocratique ont, de manière plus ou moins forte et durable, éprouvé une difficulté à penser et à gérer leur rapport au pouvoir. Comme les autres, le Parti socialiste français, une fois unifié, s'est voulu à la fois un parti démocratique et en même temps l'expression politique de la classe ouvrière. Mais le parti socialiste français a, plus longtemps que ses homologues européens, tenté d'échapper aux responsabilités du pouvoir, puis a vécu cet exercice comme une série de reniements voire de trahisons, et il a tenté, après chaque nouvelle expérience réformiste ou « social-démocrate », de renouer avec ce qui, à ses propres yeux, constituait le fond de son identité, une volonté de rupture s'opposant à toute révision réelle de sa doctrine.
[...] L'ambiguïté constitutive de la SFIO de 1920 aux années 1980, produite par sa double origine républicaine et collectiviste, n'a fait que se renforcer. Le parti refondé en 1921 sur la base de la fidélité à son identité originelle et à la synthèse jaurésienne, a voulu demeurer un parti authentiquement socialiste dans son projet historique. Léon Blum s'est voulu avant tout le garant de l'unité du parti. C'est la raison pour laquelle il a écarté toute révision doctrinale et a nourri une méfiance durable à l'égard des responsabilités gouvernementales en 1936 avec le Front populaire. [...]
[...] La responsabilité des socialistes français est grande dans leur échec à affirmer leur identité propre face au communisme. Depuis la libération, la SFIO a été plus soumise encore qu'auparavant à la pression de la culture de gauche et au poids concurrent du PC. L'opinion socialiste fut à plusieurs reprises placée dans de fortes contradictions face aux politiques réalistes menées par la SFIO qui à chaque fois amenaient à sacrifier une part des valeurs de la gauche dans une sorte de mauvaise conscience. [...]
[...] Le PS avait rejoint dans les mots la famille social-démocrate mais il n'en avait ni réellement épousé la culture ni construit les structures. En 1994 son caractère réformiste n'était plus réellement mis en cause mais la doctrine du PS demeurait inchangée. Certains leaders du PS portent aujourd'hui le projet, dans une perspective adoptée par Blum en 1946, Alain Savary en 70, Rocard en 77, Jospin en 95, d'adapter sans la réviser profondément la doctrine socialiste aux exigences du pouvoir dans une économie capitaliste et de connecter le niveau de la doctrine et celui de l'action. [...]
[...] C'est pour le moins paradoxal : en effet, quelle meilleure définition de la social- démocratie que la devise inscrite au fronton de la République : liberté, égalité, fraternité ? Liberté individuelle, liberté d'entreprendre ; égalité des chances, droit à la satisfaction des besoins fondamentaux de tous ; fraternité (c'est-à-dire la solidarité, la redistribution) comme moyen d'assurer l'atteinte combinée de ces deux idéaux. La social- démocratie peut ainsi se voir comme la recherche d'un équilibre durable (et non d'une confrontation) entre liberté, égalité et fraternité, par le compromis des forces économiques et sociales. [...]
[...] Le RPR, face à cette anomalie a même pu proclamer représenter sociologiquement en France la sensibilité social-démocrate. Les partis de la droite traditionnelle dont le RPR étaient des partis populaires Leur base sociale se trouvait dans la bourgeoisie industrielle et financière, la petite et moyenne paysannerie, les petits commerçants, et des sections de la classe ouvrière. Cependant le PS de 1970 refusait d'être et de se penser comme le parti des classes moyennes donnant comme par le passé la priorité à la conquête de la classe ouvrière. [...]
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