Ces dernières années ont été l'occasion pour les Basques et les Catalans de remettre en question l'actuel statut d'autonomie de 1979 dans un sens encore davantage décentralisateur. En réalité, les termes du débat sont exactement les mêmes depuis cent cinquante ans : les Communautés autonomes demandent une Espagne différente, et les élites politiques de Madrid leur répondent en faisant appel à l'essence de la patrie éternelle. Le réel problème en Espagne, est que Etat et Nation ont toujours été disjoints : l'Etat s'est constitué assez rapidement sous l'impulsion des monarques qui ne réussirent pas à le structurer de manière centralisée. Loin d'avoir achevé le processus d'intégration linguistique, culturelle, et politique qui permettent traditionnellement la constitution d'un Etat-nation, l'Espagne se heurte aujourd'hui à l'absence d'une nation. Particularismes locaux, cultures régionales, diversité des langues sont d'autant d'éléments qui font de l'Espagne un territoire fragmenté. En réalité, la nation espagnole passe largement après la nation locale, dans laquelle les particularismes priment sur l'identité nationale. L'exemple le plus significatif réside sans doute dans la coexistence des deux drapeaux au sein d'une même région : ainsi, le drapeau de l'Etat espagnol flotte au même titre que le drapeau de la nation catalane, ou celui du Pays Basque par exemple.
C'est dans ce contexte que l'approfondissement de la démocratie espagnole, lors de la mort de Franco, n'a pas pu passer seulement par une plus grande participation populaire dans la vie politique et sociale, mais a du également passer par une reconnaissance des différences entre les peuples qui composent l'Etat plurinational en Espagne. Le mouvement de démocratisation achevé par la Constitution de 1978, aboutit à une décentralisation très poussée, qui, pour rompre avec la dictature, laisse une grande marge de manœuvre aux aspirations régionales. Cette Constitution donne alors naissance au régime actuel de l'Espagne, celui d'un « Etat des autonomies », système dans lequel les initiateurs du projet avaient été contraint de s'engager en acceptant la mise en place de régimes autonomes provisoires dans les deux régions qui jouissaient d'un statut particulier sous la Seconde république, la Catalogne et le Pays basque et la Galice en 78.
Ce compromis est à la base de la fragmentation territoriale actuelle en Espagne, qui loin d'être solutionnée, porte atteinte à la cohésion nationale. La situation actuelle des revendications indépendantistes basques, soulève la question de l'impact de cette territorialisation politique et institutionnelle en l'Espagne. En souhaitant garantir l'unité dans la diversité, l'Espagne a engendré un phénomène croissant de revendications régionales mettant en péril l'unité politique du pays. En quoi la garantie des identités plurielles espagnoles a porté atteinte à la cohésion sociale ? C'est à cette question qu'il convient de répondre ici en étudiant les impacts de la fragmentation territoriale de l'Espagne.
C'est dans cette perspective, qu'il est nécessaire dans un premier temps, d'analyser le processus ambigu de la territorialisation institutionnelle pour en étudier ensuite les impacts.
[...] Chacun considère en fait que le processus est évolutif et non achevé, et qu'il est toujours possible d'acquérir davantage d'autonomie. Le Président de la Generalitat de Catalogne par exemple, réclame une autonomie financière totale de façon à bénéficier pleinement de l'autonomie. Comme il le suggère lui-même, le système des autonomies est à bout de souffle il réclame par conséquent une autonomie plus grande. De même, le Pays Basque va jusqu'à réclamer l'indépendance. Il en découle pour chaque communauté autonome un sentiment de particularisme qui débouche d'autant plus facilement sur un séparatisme. [...]
[...] Ce renforcement des particularismes régionaux rend de plus en plus incertaine la définition de la nation, qui prend un sens plus fondamental au sein même de chaque Communauté. Conclusion La trêve décrétée par les terroristes de l'ETA en 1998, puis dénoncée en 1999 a rouvert la question de l'approfondissement des autonomies réclamée par certains tels que la Communauté de la Catalogne, et par là même celle des limites de la cohésion nationale. Alors que les revendications identitaires se développent de plus en plus en réponse à la généralisation du processus d'autonomisation, des questions se posent sur le futur statut juridique de l'Espagne. [...]
[...] Dans ce contexte, ne pourrait-on pas soulever la question d'un futur Etat fédéral, dans lequel ces revendications ne feraient plus l'objet de différences entre les entités qui composent l'Etat espagnol ? Il n'est pas certain que la population espagnole soit prête à s'acheminer vers un approfondissement du processus d'autonomie, jusqu'à devenir un Etat fédéral. D'ailleurs, même si le système espagnol est défaillant, il apparaît comme étant un exemple parfait de la possibilité de faire cohabiter des populations pourtant si différentes. [...]
[...] L'atteinte à l'unité nationale est donc une conséquence fondamentale de la régionalisation du pays. Le phénomène de surenchère : fruit de la généralisation de l'autonomie Conscients des disparités régionales, le PSOE au pouvoir en 1992, signe un accord avec son rival le Parti populaire en matière de politique à l'égard des autonomies. Il s'agit en réalité de mettre fin à l'autonomisation à deux vitesses, et de permettre aux Communautés autonomes, dont le processus d'autonomie a été plus lent, de rattraper les Communautés dites historiques. [...]
[...] Les organes des Communautés sont tous identiques, seules leurs appellations changent d'un statut à un autre. Une assemblée législative élue au suffrage universel selon un mode de scrutin proportionnel, doit garantir la représentation des diverses parties du territoire et un conseil de gouvernement constitue l'exécutif. Président et Conseil sont politiquement responsables devant l'assemblée. Ainsi, les mécanismes parlementaires prévus au niveau national ont été transposés au niveau régional. Dans un objectif d'unité nationale, la Constitution accorde ainsi le même système d'auto gouvernement aux entités qui désirent l'autonomie. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture