Dans la récente guerre américaine en Irak, il parait incontestable que des considérations relevant de domaines variés ont convergé, pour décider les USA à intervenir. Les médias et les intellectuels ont surtout insisté sur les considérations d'ordre économique, en soulignant notamment la volonté de l'Amérique d'acquérir de nouvelles réserves de pétrole.
Cependant, nous nous efforcerons ici de mettre en lumière la dimension psychologique de cette intervention, à savoir les considérations sous-jacentes, parfois d'ordre mystique, qui ont influencé le processus de décision.
Nous confronterons donc quelques hypothèses aux événements dont nous avons été les témoins, en tentant de déterminer l'influence exacte de l'imaginaire collectif dans le déclenchement d'une guerre de cette envergure.
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les Américains ont, peu à peu, construit une image d'eux-mêmes et de leur nation. Ils se sont attribués un « rôle » dans l'histoire de l'humanité qui a très largement guidé leur politique internationale jusqu'aujourd'hui.
Ainsi la guerre en Irak obéit à cette même logique comme l'atteste la rhétorique sans cesse réitérée par le président Bush et ses collaborateurs. Une mission providentielle semble animer les architectes de la politique étrangère américaine actuelle.
Nous étudierons donc la nature de ce « rôle » que l'Amérique s'est auto assignée, la littérature qui la sous-tend, sa dimension quasi-mythologique et ses contradictions.
Dans une première partie nous analyserons la thèse selon laquelle les Américains ont agi en Irak, guidés par un lourd imaginaire collectif façonné par leur histoire nationale. En effet, le concept de guerre préventive répond dans la pensée des politiques américains à l'obsession de « Munich », et l'indulgence face à l'Allemagne nazie qui a engendrée la Seconde Guerre Mondiale. Nous confronterons cette hypothèse à l'épreuve des faits, puis nous la relativiserons en comparant la réaction d'autres nations face à des situations semblables à celle qu'ont vécu les Etats-Unis. Nous verrons aussi en quoi certaines stratégies américaines, dans la dernière guerre en Irak, obéissent à une sorte de « superstition historique ».
Dans une seconde partie nous présenterons un autre aspect de la guerre préventive ; en montrant que la guerre contre l'Irak s'incorpore dans un vaste plan qui visait à éliminer l'ensemble des menaces futures potentielles, mais à long terme, comme l'indiquent les thèses de Brzenzeski par exemple.
Les moyens de dissuasion étaient donc vains, car les motifs de cette guerre surpassaient les causes immédiates. Les auteurs néo-conservateurs les plus alarmistes, avaient en effet appelé les décideurs américains à contrecarrer le développement de potentielles puissances futures.
[...] De ce fait, si une puissance potentiellement concurrente des Etats- Unis émerge dans les 20 ans à venir, elle ne pourra apparaître que dans cette région. Une coalition de puissances moyennes dans la zone s'étendant entre le proche et l'extrême Orient suffirait ainsi à détrôner l'Amérique, selon lui. Cependant, il pense que la tentation d'évincer l'unique superpuissance au monde suscitera irrémédiablement l'apparition d'une menace, encore embryonnaire de nos jours. Telle est donc la prophétie de Brzenzeski ; tôt ou tard une puissance rivale naîtra dans cette région. Donc tant qu'il en est encore temps, il faut éradiquer maintenant les puissances potentielles en bas âge. [...]
[...] Bagdad ainsi, dans l'imaginaire des intégristes protestants qui gravitent autour du président Bush, est assimilé à l'antique Babylone. Babylone est à la fois le symbole de l'empire perse qui a combattu l'empire byzantin chrétien, mais c'est aussi la cité décriée dans les Evangiles : la fameuse reine des prostitués Dans l' Apocalypse on peut ainsi lire : Alors un des sept anges qui tenaient sept coupes vint me dire : Viens et je te monterai la condamnation qui va frapper la grande prostituée, la grande ville bâtie au bord de nombreuses rivières. [...]
[...] Parmi ces intellectuels, les plus connus sont Hutington, Kissinger ou encore Brzenzeski. Ce dernier a écrit en 1997, donc bien avant le 11 septembre, un ouvrage de référence : Le grand échiquier Il y développe une théorie extrêmement aboutie des relations internationales. La lecture de cet ouvrage nous éclaire parfaitement sur la stratégie américaine actuelle en Irak qui s'inscrit dans un projet global. Ce projet rendait la campagne en Irak inévitable. Le souci principal de l'auteur est la conservation la plus longue possible de la prééminence américaine sur le monde. [...]
[...] Le rôle qu'ils ont assumé lors de la Seconde Guerre mondiale a profondément marqué leur manière d'appréhender le monde. Ils se sentent ainsi condamnés à combattre le Mal sous toutes ses formes et ont tendance à comparer les situations auxquelles ils sont confrontés dans le présent, aux références historiques qui ont façonné leur imaginaire national. L'administration américaine avait l'angoisse d'être trop laxiste envers le régime de Saddam Hussein, comme l'ont été les puissances libérales européennes vis-à-vis d'Hitler en 1938. Afin donc, d'éviter la malédiction de Munich les USA pensaient qu'il fallait impérativement détruire un régime qui serait tenté tôt ou tard d'apporter un soutien logistique aux terroristes d'Al Qaida ou de porter atteinte à ses intérêts de façon générale. [...]
[...] Transition : Nous constatons ainsi que les Américains semblent convaincus que la réussite de leurs opérations et de leurs guerres, ne peut être garantie que grâce à la répétition formelle des symboles de leurs succès passés. Les Américains ont créé de multiples rites et mises en scènes, qui célèbrent un passé mythifié ; une sorte de superstition qui implique la répétition à l'identique des événements de la Seconde Guerre mondiale pour s'assurer la victoire. Cette référence est omniprésente et exhorte à l'imitation scrupuleuse : ainsi le thème de la libération d'un peuple comme en Europe en 1945, a été largement exploité pour l'Afghanistan et l'Irak. [...]
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