En 1996, le président de la République Française Jacques Chirac annonce la suppression du service militaire obligatoire. La loi de Programmation Militaire 1997-2002 définit un nouveau modèle : passage à une armée professionnelle et réforme du service national notamment. Cela représente un nouveau défi pour l'institution militaire : elle doit désormais recruter du personnel qui ignore tout du monde militaire. Dans ce contexte de réforme institutionnelle des armées, le centre d'étude en Sciences sociales de la Défense (C2SD) a commandé une étude a propos des représentations sur l'armée dans la population la plus susceptible de s'y engager : les jeunes de 16 à 22 ans. Celle ci répond à un besoin de l'institution militaire qui se doit de saisir la manière dont elle est perçue dans l'imaginaire collectif et ce afin d'y adapter ses stratégies de recrutement des jeunes qui n'y sont plus confrontés, eu égard à la suppression du service militaire. Il est en effet important pour les armées de savoir si le projet de professionnalisation peut susciter chez les jeunes une demande d'engagement suffisamment importante pour satisfaire qualitativement et quantitativement leurs besoins. Cette enquête qualitative a été dirigée par deux sociologues, Emmanuelle Lada et Chantal Nicole-Drancourt, chargées de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Publiée en septembre 1998 sous le titre Image(s) de l'armée et insertion des jeunes par le C2SD, cette enquête nous intéresse particulièrement dans la mesure où elle nous permet de mieux saisir la représentation du monde militaire au sein de notre génération confrontée à une mutation inédite de son armée.
[...] C'est pourquoi elles ont opté pour une technique d'enquête et un traitement des données qualitatifs. L'approche par entretiens semi-directifs a été élaborée à partir d'un raisonnement construit et la conduite d'entretiens été] marquée par l'intentionnalité de la recherche Type d'échantillon Utilisant un échantillonnage théoriquement représentatif du groupe en question, les sociologues cherchent à trouver des exemples d'un construit théorique et ainsi élaborer ce construit afin de l'examiner sous toutes ses formes. L'étude s'appuie sur deux cents jeunes, garçons et filles, qui ont été contactés pour cette recherche par le biais de missions locales (envoie de courriers pour des réunions collectives, des entretiens de groupes et des prises de rendez-vous pour des entretiens individuels), des établissements scolaires (passages dans des classes pour des prises de rendez-vous pour des entretiens individuels et collectifs), et des permanences de l'armée (prise de contact direct avec les jeunes pour vaincre la volatilité du public). [...]
[...] Puis, le concept d' insertion juvénile qui renvoie au passage de la vie professionnelle pour les jeunes. Cela ne renvoie pas à un moment mais à un processus complexe et multidimensionnel dans le long terme. Les trajectoires des jeunes sont alors hétérogènes, complexes et réversibles[6]. Enfin, le concept d'armée auquel les deux sociologues ne donnent pas de définition opératoire, le but de leur enquête étant de mettre à jour celles que la population étudiée lui attribue. Emmanuelle Lada et Chantal Nicole-Drancourt intègrent également à leur analyse des modèles théoriques afin d'étayer leur argumentation. [...]
[...] Elles distinguent quatre concepts clés : Tout d'abord le concept de jeunes, spécifiquement entendus comme étant : des jeunes civils qui pensent ou non s'engager dans l'armée. [Elles ont] ainsi rencontré des jeunes gens (filles et garçons) âgés de 16 à 22 ans n'ayant jamais eu (sauf éventuellement dans le cadre privé) de contacts prolongés avec l'institution militaire. [Elles ont] ensuite construit un échantillon autour de l'opposition scolarisés/non scolarisés. Dans tous les cas de figure, le niveau de formation initiale est inférieur ou égal à une première année dans l'enseignement supérieur. [...]
[...] Gingras, à savoir que les études sont le fruit d'une demande et qu'elles répondent donc à un impératif financier et une attente rapide de résultats. Contemporains de la réforme des armées et de la mutation de l'institution militaire, cette enquête nous a parut particulièrement intéressante dans la mesure où elle nous a permis d'appréhender la réalité des représentations militaires chez les jeunes de notre génération, d'un point de vue scientifique, ce qui change de la perception, souvent biaisée, véhiculées par les médias. Emmanuelle Lada et Chantal Nicole-Drancourt Image(s) de l'armée et insertion des jeunes. Paris : C2SD. [...]
[...] Constatant l'importance de l'environnement entendu au sens de milieu (social, familial, amical, lieux de vie ainsi que l'articulation de plusieurs dimensions dans la représentation de l'armée et du monde militaire, elles se sont plus spécifiquement demandé[2] : - Y a-t-il une représentation globale du monde de l'armée ou y a-t-il, au contraire, une dissociation plus ou moins marquée entre les différentes armées, entre l'Armée et ses métiers ? - Ces représentations varient-elles ou sont-elles, au contraire, constantes ? - Sommes-nous devant une population homogène quant à la “production” de ses représentations ? - Filles et garçons devant l'institution militaire : qu'en est-il? - Que veut dire pour des jeunes non militaires être engagé et avoir une vie militaire ? - Quelle est la place accordée à cette institution dans leur(s) système(s) de référence ? [...]
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