Dans son dernier film sorti en 2013, Django Unchained, le réalisateur Quentin Tarantino met en scène des combats d'esclaves noirs se battant jusqu'à la mort dans le salon d'un négociant négrier sadique, à l'image de ceux qu'on aurait pu imaginer entre animaux. Django Unchained est l'histoire d'un « empowerment », terme américain qui désigne la conquête de son propre pouvoir, d'un esclave noir avant la guerre de Sécession nommé Django. À force de persévérance, ce dernier prend sa revanche sur ceux qui l'avaient privé de sa condition d'être humain, en le traitant comme une marchandise, et retrouve sa liberté. L'intrigue de ce film illustre parfaitement la citation tirée de l'ouvrage de Vercors, Les animaux dénaturés, « l'humanité n'est pas un état à subir, c'est une dignité à conquérir ». Si l'humanité est innée, chaque homme nait et est par nature humain, l'état d'humanité, c'est-à-dire la faculté de raisonner, serait au contraire un acquis. Subir son état d'humanité reviendrait alors à être privé de raison, à suivre ses instincts et réflexes primaires à l'image d'un animal, à ne s'accorder aucun contrôle sur les choses environnantes et être ainsi un sujet « passif » d'humanité. Vercors suggère que l'humanité ne saurait être subie, mais constitue une dignité à conquérir. Ainsi, la dignité s'acquérait en faisant preuve de respect pour la condition d'être humain, faire usage de sa raison, et prendre alors le contrôle sur son existence. Il relèverait peut-être donc du devoir de chacun de réaliser son propre état d'humanité, en cherchant à conquérir la dignité qui y est attachée. Ainsi, l'état d'humanité est à la fois un inné, par nature, et un acquis, par culture, qui passe par la conquête de la dignité, dans un environnement ordonné grâce au contrat social, qui permet à chacun de s'épanouir en tant qu'être humain doté de droits et de combattre la vulnérabilité inhérente à l'humanité, et une éduction réalisée par l'instruction publique. L'homme est finalement par nature un être de culture, et cela apparaît parfaitement clairement lorsque l'on s'intéresse au traitement subi par certaines populations à qui on a nié tout à la fois l'humanité qui pourtant se conçoit comme un inné : l'homme nait par nature homme, et la dignité inhérente à son essence. C'est l'exemple de la traite des esclaves noirs au 16e siècle, des traitements inhumains endurés par les aborigènes en Australie, et les Indiens aux États-Unis, la mentalité occidentale justifiant la colonisation comme une aide apportée à ces derniers pour devenir « homme » et conquérir leur dignité par l'éducation.
[...] Ainsi, la dignité, qui s'oppose à l'asservissement de l'homme à sa condition, s'apparente bien à une conquête, rendue possible aussi par l'instruction. Si l'homme est intrinsèquement doté de raison, il ne peut prendre le contrôle de sa destinée que parce qu'on lui aura donné les moyens de son raisonnement. C'est cela qui lui permettra de ne pas subir son état d'humanité, mais au contraire d'en conquérir la dignité qui y est attachée. Kant explique cela dans son ouvrage Qu'est-ce que les Lumières ? [...]
[...] Descartes expliquait justement dans le discours de la méthode que l'homme devait être comme maitre et possesseur de la nature Par le raisonnement, l'homme peut prendre le contrôle de la nature. C'est ainsi que l'homme a su tirer des plantes des médicaments, a su détecter les aliments comestibles de ceux empoisonnés et finalement faire des animaux une source de nourriture. Toutefois, même en contrôle de son environnement, l'homme ne saurait alléguer qu'il a totalement conjuré le risque de catastrophe naturelle, qui démontre indubitablement que l'homme reste vulnérable lorsque la nature reprend ses droits C'est d'autant plus frappant que l'homme a su inventer des technologies lui permettant de prédire l'avènement d'un évènement naturel dramatique, comme l'arrivée d'une tornade, ou l'éruption d'un volcan, mais sans pour autant pouvoir en prévenir le déroulement. [...]
[...] Au sein même des prisons sont menées des campagnes de réhumanisation C'est notamment la lutte de l'association FARAPEJ pour l'accès des détenus à internet. Il revient de la mission des représentants, titulaires de la confiance des représentés, de ne pas laisser certains jugés indignes au banc de la société, et presque revenus à subir leur humanité. C'est à ce prix que sera assurée la pérennité du lien social. [...]
[...] Cela va sans dire qu'il est infiniment plus difficile pour un ancien détenu de trouver un emploi qu'il ne l'est pour une personne dont la moralité n'a pas été entachée. Cela laisse entendre que la dignité d'être humain s'acquiert par une démarche personnelle, et se mérite en un sens, mais elle est aussi collective : n'est digne d'être humain que celui qui est reconnu comme tel. Inévitablement, ce constat pose la question de l'évaluation de l'humanité d'autrui, la dignité ne saurait en être l'unique critère. [...]
[...] Plus encore, parfois l'homme n'est pas en mesure d'anticiper les caprices de la nature et se voit confronter à des désastres humains et écologiques. C'est notamment le cas du Tsunami, vague géante qui s'apparente à un raz-de- marée, qui a dévasté les côtes d'Asie du Sud Est en 2004, occasionnant la mort de milliers de personnes. L'homme n'a su ni prévoir, ni anticiper, ni prévenir, ni évacuer, et s'est retrouvé parfaitement démuni. De même, si l'homme est évidemment supérieur à l'animal en ce dont il est doté de raison, et non pas simplement d'instinct, on ne saurait soutenir que l'homme domine parfaitement le monde animal. [...]
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