Selon un sondage du 25 mars 2007 réalisé par la BBC, Antonio de Oliveira Salazar est considéré par 41% de la population adulte du Portugal comme la personnalité la plus importante de l'histoire lusitanienne. En effet il suffit simplement de constater que, sous la Première République, entre la chute de la monarchie le 4 octobre 1910 et le coup d'Etat militaire du général Gomes da Costa du 26 mai 1926, jusqu'à cinquante gouvernements se succéderont pour comprendre que les trente-deux ans d'exercice du pouvoir en tant que Président du Conseil que réaliseront Salazar reflètent bien l'originalité et l'intérêt du salazarisme.
[...] La justice politique (le terme est un oxymore) règne sans égale, jusqu'à inquiéter Salazar lui-même. L'écrivain portugais Miguel Torga, lui-même emprisonné, parle ainsi de « long règne du silence » dans un « arbitraire complet ». Quant aux dérives fascistes, si la plus notable, le national- syndicalisme, s'impose et est matée par le salazarisme, ce dernier cède pourtant à la tentation de transformer, au moins en apparence, certaines de ses institutions pour leur assigner un but de contrôle de la société. [...]
[...] Refusant le titre de Président de la République, simple Président du Conseil, il ne quittera jamais son Portugal natal et adoptera un mode de vie spartiate. La formule qui semble lui correspondre le plus est celle de Louis Mégevand, qui le qualifie de « Colbert portugais ». Sauver de l'économie nationale plus que héros légendaire, il s'apparente à l'infant Henri, roi misanthrope et sédentaire qui n'en lança pas moins les grandes découvertes. Ce mythe est surtout efficace en ce qu'il s'inscrit comme une réponse aux aspirations de grandeur et de renouveau exprimé par une partie de la société d'un Portugal qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il était. [...]
[...] De par son mode de vie lui-même, Salazar ne peut que surprendre. Dénué de charisme, inhibé, décrit par son opposant Humberto del Gado comme « socialement misanthrope et psychologiquement introverti », il fuit le monde et les réceptions, s'habille de manière austère. Né et mort dans le petit village de Vimieiro, il voue une admiration sans bornes à la force de caractère de sa mère dont il adoptera, contre la coutume, le patronyme. Formé au séminaire, il reconnaître plus tard leur devoir « plus que tout, ma formation et ma discipline intérieure », et ne s'attachera jamais aux honneurs et aux richesses, mais seulement au pouvoir, et encore en ce que celui-est un moyen pour une fin extérieure à lui-même. [...]
[...] Il convient également de s'interroger sur les sources de ce pragmatisme. Il est évident que Salazar est un brillant homme d'État qui a toujours en tête le triple faisceau d'intérêts essentiels que sont la pérennité du régime, l'indépendance nationale et l'intégrité territoriale notamment d'outre-mer, et qui se laisse guider par l'intérêt sans faire finalement rentrer en compte aucune conviction. On peut pourtant se demander si c'est parce que sa seule conviction est que prime l'intérêt de la nation, ou plutôt parce qu'il veut conserver le pouvoir. [...]
[...] Tentons de comprendre comment est dirigé le Portugal en distinguant apparence et réalités profondes. La Constitution de l'Estado Novo, promulguée le 11 avril 1933, semble ainsi assurer représentativité et séparation des pouvoirs ; deux des caractéristiques essentielles de la démocratie libérale puisque est élu au suffrage censitaire direct un Président qui nomme un Président du Conseil choisissant ses ministres alors que le pouvoir législatif est assuré par deux Chambres dont une élue au suffrage censitaire direct, et que le pouvoir judiciaire, attribué aux tribunaux, semble être complètement indépendant. [...]
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