« En 1946, lors de l'élaboration de la Constitution, tout le monde – ou à peu près – était d'accord pour dénoncer la crise subie par les institutions parlementaires dans les dernières décades de la Troisième République. » Cette phrase de A. de Laubadère permet de comprendre la volonté des Constituants de 1946 dans la rédaction de la nouvelle Constitution. Publiée le 27 octobre 1946, elle montre l'attachement de ces derniers au régime parlementaire moniste pratiqué sous la Troisième République depuis 1877. Mais ils entendaient aussi corriger les défauts qui ont caractérisé le régime, et plus particulièrement, l'excessive instabilité ministérielle. Et pour cela, il convenait de pratiquer une collaboration entre les pouvoirs. A travers l'équilibre des pouvoirs, on constate les intentions des Constituants de 1946, la volonté de faire collaborer le pouvoir exécutif, confié au Président de la République et à un Président du Conseil consacré pour la première fois par la Constitution, et le pouvoir législatif confié au Parlement composé de deux chambres : l'Assemblée nationale prééminente et le Conseil de la République, dont les pouvoirs le placent dans une situation d'infériorité par rapport à l'Assemblée nationale. Il s'agit là, en effet, d'un bicaméralisme incomplet qui établit un monocaméralisme de fait. Il existe sous la Quatrième République un équilibre entre les pouvoirs mais une inégalité.
En quoi se caractérise l'équilibre des pouvoirs sous la Quatrième République ?
En théorie, le régime parlementaire de la Quatrième République met en place une collaboration entre les pouvoirs (I). Mais la pratique du régime va entraîner un déséquilibre des pouvoirs, et par là même, l'échec de la rationalisation du parlementarisme voulue par les Constituants de 1946 (II).
[...] Et c'est en faveur du pouvoir législatif que le déséquilibre des rapports entre les pouvoirs publics va jouer. Non seulement il y a supériorité du Parlement dans le système politique de la Quatrième République, mais il y a prépondérance, au sein du Parlement, de l'Assemblée nationale sur les autres organes constitutionnels, faisant de ce régime un régime d'Assemblée. A. La Quatrième République, un régime d'Assemblée Il est tout d'abord indispensable de constater, dans une large conception, la prépondérance du pouvoir législatif : c'est par le Parlement que le texte de la Constitution commence l'énumération des pouvoirs publics ; c'est de lui que le Président de la République tient son élection, et de sa confiance que le Président du Conseil tient son pouvoir. [...]
[...] La Constitution de 1946 prévoit à l'article 50 que le vote de la motion de censure par l'Assemblée entraîne la démission collective du Cabinet. La motion de censure demande le même procédé de vote que pour la question de confiance. Ce régime politique est caractérisé par la double dépendance du gouvernement, à travers les deux principaux procédés constitutionnels décrits ci-dessus, devant le Parlement. La réglementation stricte des procédures de question de confiance et motion de censure sont des moyens de doter le régime politique d'une stabilité qui avait échappé au régime précédent. [...]
[...] Les partis politiques vont occuper une place si grande dans la vie politique française sous la Quatrième République que l'on qualifiera celle-ci de régime des trois partis (le Parti communiste, le M.R.P. et la S.F.I.O.). Nombreux, peu solides, indispensables et tout-puissants, ils empêcheront l'existence d'une majorité cohérente du Parlement, rendant seules possible les majorités de coalition, entraînant la multiplicité des crises ministérielles, et peu à peu, un véritable blocage des institutions parlementaires. L'instabilité gouvernementale va provoquer l'échec de la rationalisation du parlementarisme, tant recherchée par les constituants de 1946. [...]
[...] L'instabilité gouvernementale Avec dix-neuf gouvernements en moins de douze ans, la Quatrième République connut la même instabilité que la Troisième République. Dans leur souci de renforcer la stabilité gouvernementale, les constituants de 1946 avaient mis en place deux dispositifs qui s'annulaient réciproquement : d'une part la dissolution si deux renversements de ministères survenaient en moins de dix-huit mois ; d'autre part, le fait que le gouvernement ne pouvait être renversé qu'à la majorité absolue. Lorsqu'un Président du Conseil posait la question de confiance sur un texte ou sur une demande de crédits et que le texte ou la demande étaient repoussés, le gouvernement n'était pas tenu juridiquement de démissionner, mais il ne pouvait pas politiquement rester en fonction puisque finalement l'Assemblée ne lui avait pas accordé ce qu'il avait mis comme condition à son maintien. [...]
[...] Ils vont donc tendre à renforcer l'autorité du Président du Conseil : Nous avons voulu instituer un véritable chef de gouvernement, un Premier ministre au sens anglais du terme expliquait M. Coste Floret. Le Président du Conseil est désigné par le Président de la République et investi personnellement par l'Assemblée nationale. Il choisit ses ministres pour former son gouvernement. On aurait pu penser que l'effort en vue d'assurer la stabilité gouvernementale devait conduire les constituants de 1946 à mettre à la disposition du gouvernement un pouvoir discrétionnaire de dissolution, présenté comme l'arme de dissuasion dont devait absolument disposer l'exécutif pour assurer sa survie et tenir tête au Parlement. [...]
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