A l'heure où Gordon Brown est confronté à la multiplication d'injonctions l'encourageant à déclencher de nouvelles élections et alors que son adversaire conservateur David Cameron voit sa popularité croître considérablement, le premier ministre anglais, qui succéda à Tony Blair (démissionnaire) en 2007, fait face à un déficit de légitimité difficilement tenable. Un premier ministre contraint de quitter le 10, Downing Street, un autre qui a du mal à s'y faire reconnaître comme l'occupant légitime… la position de premier ministre pourrait sembler peu enviable par les temps qui courent.
Et pourtant, l'Histoire a fait de cette fonction le poste politique le plus important du Royaume-Uni, reléguant le monarque au rang de simple survivance symbolique, pour ne pas dire folklorique. Au départ, le titre de « premier ministre » n'avait rien d'officiel, lorsque Sir Robert Walpole, à partir de 1721, alors seulement primus inter pares, rendait compte chaque semaine de la situation politique et des décisions du cabinet au roi George Ier, qui ne comprenait pas un traître mot d'anglais, et restait assez distant des affaires publiques du Royaume. C'est ainsi que la fonction de premier ministre est apparue, se développant au fil du temps jusqu'à ce que le titre soit reconnu officiellement en 1905. Aujourd'hui véritable chef de l'exécutif du Royaume, le Premier ministre a vu ses prérogatives et ses fonctions se multiplier avec le temps, cumulant les titres de Lord du Trésor, ministre chargé de la Haute administration, chef du parti majoritaire à la Chambre des communes, chef du Cabinet et du gouvernement, chefs des forces armées, chef de la diplomatie et de la fonction publique ; si bien que le régime britannique est fréquemment taxé de primo-ministérialisme, quand ce n'est pas de présidentialisme.
Comment les mécanismes institutionnels et la pratique du pouvoir sacralisent-ils l'hégémonie du Premier ministre ? Peut-on parler de « dictateur élu » ?
Le système électoral place le Premier ministre au sommet de l'état, ses pouvoirs renforcent sa position, malgré la présence de relatifs contre-pouvoirs qui ne tempèrent que modérément la puissance du chef de l'exécutif.
[...] L'image de la dame de fer conservatrice Margaret Thatcher incarne bien cette idée, si bien que son nom est devenu synonyme de réforme dure et brutale ; sous son mandat la domination du premier ministre sur son cabinet apparut à ce propos clairement lorsqu'elle exclut tout simplement de son gouvernement les ministres opposés à la guerre des Malouines en 1982 pour leur manque de soumission. Le pouvoir du gouvernement s'étend également jusqu'à empiéter sur la sphère du pouvoir législatif, puisqu'il a l'initiative des lois. Majorité aidant, on arrive aujourd'hui à une situation étonnante où 90% des textes votés à la chambre le sont à la suite d'une initiative gouvernementale (Government Bills). La Chambre des communes apparaît donc plus que jamais comme une chambre d'enregistrement. [...]
[...] Il est formellement nommé par la reine. En somme, le système britannique de désignation du premier ministre ressemble à celui de celle du chancelier allemand : de fait, c'est le peuple qui choisit son premier ministre, puisque la campagne est très personnalisée (n'oublions pas par ailleurs que le rôle des médias outre-Manche est prépondérant). La position du premier ministre est ainsi fortement légitimée, et il dispose de plus d'une majorité forte à la Chambre, ce qui fait de lui l'homme fort du régime, à l'image du président français de la Vème République. [...]
[...] Enfin, et si cela peut apparaître de prime abord comme un détail, il ne faut pas oublier que le discours prononcé chaque année par le monarque est rédigé par les soins du premier ministre, signe que derrière un roi ou une reine de façade se cache un autre roi, aux pouvoirs réels celui-ci : le premier ministre. Mais ce dernier est-il parfaitement omnipotent ? Peut-on vraiment dire de lui qu'il est un monarque élu ? Si les limites entre exécutif et législatif sont floues, il existe cependant bel et bien des contre-pouvoirs, qui ne sont toutefois pas nécessairement là où les aurait attendus. III Les véritables contre-pouvoirs sont au cœur du pouvoir Il ne faut pas vraiment chercher les contre-pouvoirs dans les institutions. [...]
[...] II Le chef de l'exécutif Le premier ministre est le chef du gouvernement. C'est lui qui nomme les membres de ce dernier (à noter : les membres du gouvernement sont tous membres du Parlement, c'est-à-dire qu'ils siègent à la Chambre des communes ou, plus rarement, à la Chambre des Lords dans les deux cas, on voit bien que législatif et exécutif sont étroitement liés, ce qui paraît assez étrange dans un pays qui entend pratiquer la séparation des pouvoirs) en tenant compte des différentes tendances qui existent au sein du parti, pour un total d'une centaine de ministres, secrétaires ou sous-secrétaires. [...]
[...] Le leader du Shadow Cabinet constitue un partenaire de choix pour le premier ministre et ce dernier n'hésite pas à le consulter pour avoir son avis sur des questions particulièrement épineuses pour le pays, notamment en matière de politique internationale (guerre, indépendance d'une colonie En outre, à chaque session parlementaire, vingt séances sont dédiées à des débats sur des thèmes choisis par l'opposition (opposition days), ce qui permet au moins à celle-ci de demander des comptes au gouvernement, et de faire entendre sa voix, avec en vue une éventuelle alternance à venir. Mais le principal contre-pouvoir n'est pas à chercher dans l'opposition, puisqu'il réside au sein même du parti majoritaire en place. En effet, le premier ministre a les cartes en main du moment qu'il a l'aval de son parti et que son gouvernement lui est parfaitement soumis. [...]
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