Au mois de juin 1998, le magazine Capital (n°81) consacrait un numéro spécial aux « 100 lobbies qui font la loi en France ». Au sommaire de ce dossier, les groupes de pression économiques, tels ceux des professions corporatistes (taxis, notaires, transporteurs routiers), les clubs patronaux, les lobbies de l'automobile, de la finance, du commerce, de l'agriculture, de l'alcool, du tabac, des industries associées à l'Etat (BTP, Militaire, Nucléaire), mais aussi les lobbies socioprofessionnels de la santé ou de l'éducation, ainsi que ceux de la culture.
C'est en 1951 que le politologue américain David Truman évoque la notion de groupe d'intérêt. Tout le « choc des cultures » se trouve dans l'expression du concept puisque si la langue française, pour les acteurs du lobbying, utilise le terme « groupe de pression », davantage connoté négativement que « groupes d'intérêt », elle conserve pour l'activité, à défaut de lui trouver un équivalent culturel, l'expression anglo-saxonne « lobbying ». A l'origine, ce lobbying s'est traditionnellement développé en marge des institutions démocratiques (parlements, ministères) sous forme de rencontres informelles de responsables politiques ou administratifs, d'où le terme de lobby, qui signifie antichambre en anglais. Aujourd'hui, le lobbying, contribution à l'écriture de la loi, est l'une des formes de l'implication de la société civile dans les affaires de l'Etat (et, en Europe, de l'Union). Les « lobbyistes » sont les intercesseurs naturels entre les milieux économiques et un système politique dont l'éloignement par rapport aux réalités économiques et la sensibilité par rapport aux médias et aux minorités faussent la perspective, biaise le jugement et limite l'action à la gestion d'une image publique. Longtemps en France le lobbying a été considéré comme une perversion de la démocratie, une inadmissible pression des intérêts particuliers sur les représentants du peuple. Aux Etats-Unis, au contraire, le « lobbyisme » a été très officiellement accepté depuis longtemps, et réglementé à partir de 1946.
Plus généralement, un groupe de pression se définit comme une organisation constituée qui cherche à influencer le pouvoir politique dans un sens favorable aux préoccupations sociales qu'elle prend en charge. Elle se distingue ainsi des autres modalités d'action collective telles que les foules (de manifestants, de grévistes…) ou les groupes latents (communautés ethniques, classes sociales). Faibles ou puissants, peu structurés ou fortement institutionnalisés, les groupes d'intérêts sont des catalyseurs d'action collective puisqu'ils explicitent des attentes sociales et interviennent activement pour assurer leur prise en considération par les pouvoirs publics.
Il s'agira de déterminer le statut de ces groupes de pression en France et de s'intéresser plus particulièrement aux lieux, aux institutions, où s'exerce leur influence : les pouvoirs publics, les lieux de la délibération (du conseil municipal à l'Assemblée Nationale), l'administration (du secrétaire de mairie aux cabinets ministériels), voire certains lieux de « l'élitisme » (grandes écoles, Université, salons, Institut…). L'exécutif et l'administration restent néanmoins les cibles privilégiées des groupes d'intérêt. Ezra Suleiman a notamment montré dans son étude sur les hauts fonctionnaires et la politique, comment, sous la Ve République, le centre de pression s'est déplacé du législatif vers l'exécutif et l'administration.
[...] C'est en effet le modèle nord-américain du lobbying qui prévaut. Il existe aujourd'hui à Bruxelles plusieurs milliers de lobbyists qui agissent auprès des différents lieux de pouvoir et qui représentent les intérêts les plus diversifiés. On n'a donc pas affaire à un corporatisme silencieux mais à une concurrence ouverte, régulée, filtrée en vue d'infléchir la détermination des règlements et directives communautaires ; la Commission veillant bien sûr à ce que les points de vue particuliers n'altèrent pas l'intérêt communautaire. En fait, le lobbying, auquel ont déjà largement recours des organisations comme Greenpeace ou les partis politiques écologistes, devient l'une des armes du débat démocratique à mesure que croît la complexité des processus administratifs et d'expertise. [...]
[...] Elle est donc à relier aux analyses de Michel Crozier dans L'acteur et le système (1981), maître-ouvrage sur la sociologie des organisations. L'acteur peut désigner des individus, plus généralement des groupes, qui manifestent une capacité au moins relative à formuler des objectifs, à conduire éventuellement des stratégies, à peser les coûts et les avantages de leurs actes. Le lobbyiste peut revêtir deux fonctions différentes : économique puisqu'il est un agent d'information et d'aide à la décision C'est le cas notamment des coalitions d'entreprises, syndicats bancaires, cartels et ententes industrielles, empires de presse, organisations patronales, lobbies juridiques puisqu'il est l'un des contributeurs à l'écriture de textes qui, par définition, ont un impact sur les intérêts qu'il représente. [...]
[...] L'avantage des anciens hauts fonctionnaires est qu'ils cumulent à la fois, par rapport à leurs interlocuteurs politiques et administratifs, une compétence reconnue, une proximité culturelle et un langage commun. Ce n'est pas toujours suffisant, mais c'est un préalable indispensable. Contrairement au système américain en effet, où les décisions sont prises de manière beaucoup plus ouverte qu'en France et avec une participation beaucoup plus marquée et décisive des politiques (représentants, sénateurs d'États ou fédéraux, gouverneurs), le débat sur les décisions publiques en France est essentiellement un débat administratif. [...]
[...] Les lobbyistes sont les intercesseurs naturels entre les milieux économiques et un système politique dont l'éloignement par rapport aux réalités économiques et la sensibilité par rapport aux médias et aux minorités faussent la perspective, biaise le jugement et limite l'action à la gestion d'une image publique. Longtemps en France le lobbying a été considéré comme une perversion de la démocratie, une inadmissible pression des intérêts particuliers sur les représentants du peuple. Aux États-Unis, au contraire, le lobbyisme a été très officiellement accepté depuis longtemps, et réglementé à partir de 1946. [...]
[...] Les groupes de pression participent à la compétition pour le pouvoir, mais de manière généralement plus indirecte que les médias par exemple. On peut distinguer, d'une part, les groupes constitués pour la défense ou la promotion d'intérêts particuliers ou spécifiques qui, dans les conditions propres aux lobbies, exercent leur action sur les partis. D'autre part, on trouve les organisations constituées par les partis eux-mêmes, généralement dans des secteurs sensibles, pour relayer et amplifier leur pression sur l'opinion. Mais, dans une approche plus générale de sociologie des groupes, deux grands pôles distincts se détachent : Les groupes d'intérêt à caractère identitaire Ils sont fondés sur le souci de représenter une strate de la population dont l'identité s'est déjà imposée dans les représentations mentales : les agriculteurs, les jeunes, les cadres, etc. [...]
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