La rareté des analyses (par ailleurs assez datées) traduit une réticence et une ignorance sur le sujet des groupes d'intérêt en France. La première partie de cet exposé cherchera donc à examiner les causes de cette « spécificité française », à la fois sur le plan de la tradition philosophique (A) et du contexte politico-institutionnel (B). La deuxième partie tentera de caractériser le « modèle français », si tant est qu'il existe, en faisant référence aux grandes théories des GI (pluraliste, néocorporatiste…) (A), pour finir par dégager la profonde originalité de la configuration des GI en France (B)
[...] La stratégie des GI se révèle souvent défensive, sans que les groupes concernés soient par ailleurs une force de proposition. Le mode d'action privilégié est celui de la pression sur les pouvoirs publics, allant jusqu'à des grèves préventives dont le déclenchement avant même le début des négociations vise à contrer des projets de réformes auxquels les employés sont réticents a priori. La conséquence directe de cette attitude des GI en contradiction totale avec le modèle néocorporatiste est que l'Etat, en l'absence de partenaires responsables et crédibles, finit par décider seul bien souvent, sans rechercher à tout prix un accord avec les autres parties prenantes. [...]
[...] II) Le modele d'organisation des groupes d'interet est en realite plus complexe que ne le laisse supposer l' étatisme bureaucratique a la francaise A. L'organisation des groupes d'intérêt emprunte à des logiques diverses sans se conformer à aucun des idéaux-types Sur la France, les opinions des spécialistes sont pour le moins divergentes : Martin Kolimsky (1974) : France est l'archétype du modèle corporatiste P. Schmitter : plutôt un modèle pluraliste John T.S. Keeler : un intermédiaire, mélange des deux M. [...]
[...] Des évolutions législatives et réglementaires favorables à l'essor des groupes d'intérêt En France, la loi de 1901 sur les associations a joué un rôle très important et marqué un tournant dans l'histoire de l'Etat français. Non seulement elle reconnaît une existence légitime aux groupes de toutes sortes, mais elle facilite considérablement leur création, la rendant accessible à tout citoyen. Aujourd'hui encore, la plupart des groupes fonctionnent soit comme des syndicats (loi de 1884) soit comme des associations (loi de 1901). Le choix entre l'un ou l'autre n'est pas neutre : ainsi, choisir un statut loi de 1884, c'est souvent rechercher une certaine filiation historique avec le mouvement ouvrier. [...]
[...] Par ailleurs, la France se caractérise par l'importance des groupes d'intérêts institutionnels (GII) par rapport aux groupes d'intérêts associatifs (GIA). C'est le cas en particulier des corps administratifs : s'ils ne sont pas constitué en tant que GI (ce n'est pas leur objectif 1er) ils se transforment parfois en redoutables GI s'ils estiment les intérêts de leurs membres menacés. Ils tirent alors profit de leur forte structuration et leur proximité relative au pouvoir. Malgré ces éléments, dans sa classification des Etats selon leur degré de néocorporatisme, Lehmbruch (1982) utilise la France comme exemple d'un Etat à faible degré de corporatisme. [...]
[...] Cette doublure lorsqu'elle sert à défendre des intérêts acquis, est un important frein aux réformes. En témoigne l'échec en 2000 de la réforme du Ministère des Finances (qui visait à instaurer un interlocuteur fiscal unique pour les particuliers, ce qui aurait sérieusement remis en cause l'organisation et les tâches des différents services). D'autre part, la solidarité des élites recrutées dans le vivier réduit des Grandes Ecoles (Ecole Polytechnique, Ecole des Mines de paris, Ecole nationale d'Administration ) se traduit par l'importance persistance des relations personnelles (le carnet d'adresses dans la pratique française du lobbying. [...]
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