Nous allons maintenant nous servir de la théorie de Tocqueville pour analyser la notion de démocratie comme menacée par une des valeurs républicaines.
Sa pensée est guidée par une idée maîtresse, aidée par deux idées secondaires principales, qui lui permettent de définir un constat sur le politique des démocraties occidentales. Il essaye de réfléchir sur la manière de préserver la Démocratie des forces de la société civile, qui sont pour elle une menace. Son idée première réside dans sa foi du progrès de l'égalité entre les hommes. Il critique donc la Révolution, qui n'est pour lui qu'une lutte pour renverser une caste en la substituant par une nouvelle. Il n'y a ainsi pas de réelle augmentation de l'égalité pour la masse de peuple. Ensuite, ses deux idées connexes sont l'idée d'une providence dans l'Histoire, et de l'action conjointe du rôle historique de l'égalité, ce dont nous reparlerons dans la seconde partie sur le sens de l'Histoire. Sur la Démocratie, Tocqueville va expliquer qu'elle est fondée sur le désir de liberté des jouissances matérielles, sorte de culte du bien-être. A partir de là, on distingue réellement l'objet sur lequel il s'interroge : il s'agit de concilier les passions égalitaires avec l'impératif de liberté au sein de la Démocratie. Finalement, la problématique serait : Est-il possible que l'égalité soit compatible avec la liberté ? En Amérique, il va s'interroger sur la progression de l'égalité, à travers un triple processus dynamique : une égalité politique, une égalité des chances (possibilité de mobilité sociale) et une égalité des considérations. Ce mouvement est auto entretenu, car l'égalité n'étant jamais totalement réalisée, les citoyens se sentent frustrés et réclament encore plus d'égalité. Ainsi, une trop grande volonté d'égalité risque de se terminer par une “dictature de la ressemblance“. Tocqueville se pose alors la question de savoir si la quête de l'égalité ne va pas détruire la liberté, et amener à la tyrannie (la tyrannie étant le danger qui guette la Démocratie si la sphère politique se désengage et tombe dans l'individualisme). Le peuple serait alors dégradé sans pour autant être tourmenté. C'est ce qu'il appelle le “despotisme démocratique “. Sans pour autant qualifier Tocqueville de “prophète éclairé“, on doit quand même remarquer qu'il existe des similitudes entre son constat et nos Démocraties actuelles. Heureusement, Tocqueville reste positif en expliquant qu'il est possible de concilier liberté et égalité à condition de développer des contre-pouvoirs forts, comme la décentralisation, la séparation des pouvoirs ou la libre association, et ses trois aspects sont également présents dans nos sociétés modernes.
Intéressons-nous maintenant au point de vue de Chantal Delsol sur l'incompatibilité entre les démocraties modernes et les valeurs républicaines. Pour elle, le système français n'est plus une véritable Démocratie, mais une République nobiliaire, dans le sens une élite de la population est au pouvoir, et que c'est leur vision de l'intérêt général qui détermine la politique de la nation, ce qui revient sinon à un intérêt particulier, à un simple intérêt corporatiste. De plus, Delsol précise que la Démocratie ne peut cohabiter avec la République que si les différents courants de penser qui la composent restent conformes aux principes républicains, et si elle est dans les mains de tout le peuple et non pas seulement dans une poignée d'élus trop éloignés du peuple. Ainsi, elle qualifie le système de gouvernance français de “Démocratie formelle“, car les voies de l'intérêt général viennent de la classe dirigeante et non de la base. Elle prône donc un rapprochement entre les individus et la prise de décision. Dans cette optique, elle se prononce en faveur d'une Démocratie fédérale, car pour elle, “la véritable démocratie, c'est le fédéralisme, où les décisions partent de la base pour aller au sommet, et non l'inverse “.
Nous avons vu que la Démocratie et la République sont deux notions distinctes, mais étroitement liées, que certains voient comme incompatibles, et d'autres comme complémentaires. Les doctrines sont donc divisées à ce sujet. Si l'on raisonne avec la conviction qu'il s'agit du meilleur système de gouvernement et de la meilleure organisation politique de la société, la volonté de les exporter semble justifiée. Mais cette nécessité de finalité historique démocratique et républicaine n'est-elle pas uniquement utilitariste ?
[...] Approchez des pays du midi vous croirez vous éloigner de la morale même ; des passions plus vives multiplient les crimes ( . ) La chaleur du climat peut être si excessive que le corps y sera absolument sans force. Pour lors l'abattement passera à l'esprit même : aucune curiosité, aucune noble entreprise, aucun sentiment généreux ; les inclinations y seront toutes passives ; la paresse y sera le bonheur[5]“. On s'aperçoit ici que pour Montesquieu, plus on s'écarte du nord, plus on s'éloigne de l'humain idéal : le froid déculpe la force, rend plus courageux et plus guerrier, alors que la chaleur rend las, démotivé, fainéant et oisif. [...]
[...] Un jour, si vous êtes, par vos vertus, dignes d'une mission si belle, la vie y renaîtra avec la lumière, et tous ces peuples, aujourd'hui perdus dans la mort, reconnaîtront qu'ils vous doivent leur existence ; et en apprenant votre histoire, votre gloire, votre valeur, ils seront fers de leurs ancêtres[20]“. On peut peut-être trouver ici une limite à notre thèse, car il n'y a pas de volonté d'exportation religieuse de la part des USA. Le seul but officiel étant la mise en place du régime démocratique. Mais il peut s'agir simplement d'une impossibilité compte tenu de l'époque, car la communauté internationale ne tolérerait pas cela aujourd'hui, de la même manière que l'attribution du statut de colonie à l'Irak ne peut être envisagée. [...]
[...] Les dirigeants sont alors tirés au sort parmi la population. Il définit la vertu (dévouement, patriotisme et comportement moral) comme base de ce système, étant donné que les représentants peuvent être n'importe quel citoyen. Il faut donc que chaque sujet possède ces vertus pour que le régime fonctionne s'il est un jour tiré au sort. Pour Montesquieu, ce système ne s'adapte que dans des communautés réduites. La République aristocratique repose sur l'élection des représentants parmi l'aristocratie, par le peuple. C'est ici déroutant de voir l'évolution du langage, car c'est cette République aristocratique qui se rapproche le plus de nos démocraties actuelles, et non pas sa république démocratique. [...]
[...] Enfin, Rousseau et Spinoza se prononcèrent en faveur du oui, en devenant les premiers penseurs de l'ère moderne à se vouloir à la fois républicains et démocrates. C'est en fait à partir de leurs pensées que les deux termes de républiques et démocraties sont confondus. Nous allons maintenant nous servir de la théorie de Tocqueville pour analyser la notion de démocratie comme menacée par une des valeurs républicaines. Sa pensée est guidée par une idée maîtresse, aidée par deux idées secondaires principales, qui lui permettent de définir un constat sur le politique des démocraties occidentales. [...]
[...] Ainsi, on retrouve les mêmes buts “cachés“ dans l'exportation de la Démocratie : commercialement, les USA accèdent à une zone d'exploitation de matière première, notamment pétrolière, et stratégiquement (si le premier aspect ne l'est pas déjà), cela leur permet de s'implanter dans une zone du globe où ils avaient perdu énormément d'influence depuis la fin de la guerre du Golfe. Ils peuvent aussi se rapprocher d'un des Etats décrits comme faisant parti de “l'axe du : l'Iran. Les intérêts commerciaux et stratégiques sous-jacents se retrouvent donc bien dans les deux exemples. Finalement les buts recherchés sont très pragmatiques, et la volonté de favoriser l'expansion industrielle des pays colons trouve son pendant dans la volonté d'extension du soft power américain aujourd'hui. Le Tour de la France par deux Enfants de G. Bruno (1877). [...]
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