A la faveur de la poussée des mouvements populaires du début des années 90, le paysage politique africain s'est enrichi d'un type nouveau de gouvernement : le gouvernement d'union nationale. Conçue à l'origine comme une concession faite sous la pression populaire par l'ancien parti unique, la pratique du gouvernement d'union nationale est aujourd'hui appréhendée comme une solution d'apaisement des crises politiques ou armées rythmant l'actualité des Etats africains. Ainsi dans de nombreux Etats africains la pratique du gouvernement d'union nationale a été adoptée. On peut citer, à titre d'exemple, le BENIN, au TOGO, au GABON et en COTE D'IVOIRE. Ce nouveau type de cohabitation à l'africaine permet la coexistence au sein d'un même gouvernement des ministres issus du parti au pouvoir et d'autres provenant de l'opposition politique ou armée.
Près de 20 ans après la formation des premiers gouvernements d'union nationale en Afrique, il y a lieu de soumettre à analyse la question du gouvernement d'union nationale en tant que pratique politique. Il s'agira de s'interroger sur l'efficacité de la solution du gouvernement d'union nationale.
[...] Mais la conséquence la plus fâcheuse de la pratique du gouvernement d'union nationale réside en ce qu'il peut conduire à l'affaiblissement et à la mort de l'opposition politique. En effet, dans des pays où la société civile est bien souvent à l'état embryonnaire le seul moyen efficace de contrôle des actions du pouvoir devrait être constitué par une opposition politique constructive. Or, par le fait du gouvernement d'union nationale les opposants deviennent des gouvernants et, leur nouvelle position les empêche souvent de dénoncer d'éventuels abus dans lesquels ils sont parfois eux- mêmes impliqués. [...]
[...] De manière insoupçonnée, mais tout de même réelle le gouvernement d'union nationale favorise le phénomène de l'impunité, car toute action en justice intentée contre des représentants de l'opposition au sein du gouvernement est systématiquement analysée comme une tentative du pouvoir de museler l'opposition et de faire ainsi ombrage à l'unité nationale et à la paix .Du coup ,il est à constater que dans la plupart des pays ou le gouvernement d'union nationale existe les ministres issus de l'opposition ou ses représentants au sein des autres organes de l'Etat semble bénéficier d'une immunité au nom de laquelle ils se permettent de se livrer à de nombreux excès(le trafic du cacao ivoirien et du diamant par les Forces Nouvelles dans les zones sous contrôle rebelle en COTE D'IVOIRE l'illustre éloquemment). Le gouvernement d'union nationale favorise dans certains cas la crispation de la vie politique. C'est actuellement la situation que vit le KENYA. [...]
[...] Dans certains cas, la formation du gouvernement d'union nationale procède de la nécessité de mettre un terme aux violences nées de la contestation par l'opposition des résultats des élections (l'exemple du KENYA en est une parfaite illustration). Là encore, on perçoit dans l'octroi de portefeuilles ministériels à l'opposition la panacée aux problèmes politiques générés par des élections organisées dans des conditions moyenâgeuses. La communauté internationale semble s'être définitivement faite à cette idée. En effet, ses propositions de sortie de crise dans les pays africains en proie aux troubles politiques débouchent presque machinalement sur la solution du gouvernement d'union nationale. [...]
[...] Ainsi, lorsque, au lieu d'agir de manière énergique pour veiller au respect de ce principe dans les pays où le cas vient à se présenter, la communauté internationale propose comme solution de sortie de crise la formation d'un gouvernement d'union nationale, elle légitime ainsi ce qu'elle était censée combattre. Dans les faits, les gouvernements d'union nationale n'ont presque jamais abouti à des résultats probants et ils constituent la consécration au plan institutionnel du sous-développement politique de l'Afrique. [...]
[...] En raison de ce qui précède, il y a lieu d'envisager la question du gouvernement d'union nationale avec un regard nouveau. Ainsi, au lieu d'appeler de manière systématique et paresseuse à la formation d'un gouvernement d'union nationale dans les pays en crise, la communauté internationale gagnerait à situer les responsabilités des protagonistes dans la survenance de la crise et à en tirer toutes les conséquences. En la matière, la communauté internationale n'est pas dépourvue de moyens d'action efficaces. Par exemple, des instruments juridiques internationaux condamnent la prise du pouvoir par les armes. [...]
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