La Genèse de l’Etat

Résumé du document

Tout pouvoir politique ne prend pas la forme d'un Etat : celui-ci ne s'installe qu'au terme d'un processus historique particulier, permettant la constitution d'un espace politique autonome, doté d'une fonction, d'une légitimité et de moyens propres. Il s'agit donc d'une construction sociale et historique, et non du cadre naturel de l'activité politique. La notion d'Etat désigne de plus un modèle idéal-typique reposant sur des conditions strictes : dans ce sens, l'Etat ne peut être qu'un Etat « fort ». Il s'agit en effet, pour Max Weber, « d'une entreprise politique de caractère institutionnel lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime ».

Extraits

[...] Mais cette centralisation du pouvoir ne peut aboutir si la maison royale ne revendique pas avec succès un double monopole : le monopole fiscal et le monopole sur la contrainte physique légitime. Ces deux processus sont interdépendants. Le roi, qui n'est au départ qu'un seigneur parmi les autres, ne parvient à affirmer son autorité qu'en interdisant à ses vassaux les guerres privées et en captant à son profit le monopole de la coercition légitime. A cette phase de pacification interne, succède une phase de guerres extérieures, permettant le renforcement de l'Etat. [...]

[...] Ce centre politique est devenu un Etat en se dotant d'un appareil administratif. Mais, même en Occident, rares sont les Etats qui ont pu ou peuvent prétendre satisfaire toutes les conditions propres au modèle idéal typique. Les Etats imports hors d'Occident ne semblent donc pas, a fortiori, pouvoir prétendre à ce qualificatif. Bibliographie - Bertrand Badie et Pierre Birnbaum, Sociologie de l'Etat, Paris, Hachette, coll. Pluriel - Philippe Braud, Science politique, tome 2 : L'Etat, Paris, Seuil, coll. Points - Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 1996. [...]

[...] La lutte entre le roi et la noblesse a au contraire, en France, débouché sur un Etat fort. A ces lectures néomarxistes Stein Rokkan oppose un modèle d'explication revalorisant les variables culturelles et religieuses. Deux axes expliquent, selon lui, la force ou la faiblesse des Etats européens : _ L'axe Est-Ouest, politico économique, expliquant la construction de l'Etat. _ L'axe Nord Sud, religieux et culturel, expliquant la construction de la nation. Ces modèles montrent la complexité des trajectoires historiques débouchant sur la construction de l'Etat. [...]

[...] La voie est ainsi ouverte pour une institution de l'administration royale, puis d'une bureaucratie étatique. La constitution d'une bureaucratie, qui parachève la différenciation de l'Etat et sa spécialisation, représente l'étape ultime de l'autonomisation du politique. Les agents de l'appareil d'Etat acquièrent des compétences spécifiques, sont recrutés avant tout sur cette base et exercent leur activité sur le fondement de normes rationnelle, qui s'appliquent à tous du fait de leur légalité. L'Etat relève ainsi d'une forme de domination rationnelle-légale, pour reprendre le terme de Max Weber (par opposition à la domination charismatique et à la domination traditionnelle). [...]

[...] La Consécration du monopole étatique La construction d'un appareil administratif Au terme de sa différenciation d'avec la société et de la suppression de ses concurrents, le pouvoir central dispose de ressources propres et d'une légitimité qui n'émane plus d'une instance autre que lui. Ce mouvement est parachevé par la constitution de l'appareil politique en un pouvoir impersonnel, distinct de la personne du roi, de celles des dirigeants ou des fonctionnaires. Les ressources publiques sont progressivement séparées de celles des gouvernants : cette dépatrimonialisation consacre l'existence d'un pouvoir autonome, attribué au seul peuple souverain. Cette séparation du public et du privé se traduit aussi dans les représentations du pouvoir. [...]