Généalogie de l'Etat moderne, apparition de l'Etat, légitimation de l'Etat, Etat nation, mode de gouvernement
Contrairement à d'autres notions de philosophie et de sciences politiques comme le pays ou la nation, l'idée d'État représente un double paradoxe :
– en étant à la fois :
• une notion dont la réalité est tangible et incarnée dans une organisation (en général complexe),
• et un corpus de règles juridiques (jusqu'à former, comme en France, une branche de droit
autonome) ;
– en présentant, tel un « Janus bifrons », deux faces bien différentes :
• celle d'un organe de gouvernement des hommes et d'administration des choses,
• et celle d'une entité symbolique, d'une composante de l'appartenance nationale.
Cette ambiguïté préjudicielle tient au fait que l'État incarne et détient la souveraineté (voir la discussion de la notion dans le questionnaire autocorrectif). Cette prérogative éminente des États rend compte de la proximité originelle de l'État et du pouvoir spirituel dont il n'a d'abord constit ué que le pendant séculier. Ainsi, pour paraphraser la formule qui qualifiait les califes de l'Empire ottoman, l'État n'est que « l'ombre de Dieu sur terre » (« zill alla hala l'ard »).
« L'invention » de l'État a eu lieu aux deux pôles du monde civilisé : en Extrême-Orient tout d'abord, puis en Europe occidentale.
[...] Jamais auparavant les imperfections de la forme étatique ne sont apparues avec autant de force. L'État est une forme de gouvernement qui apparaît de moins en moins adaptée à la globalisation. Le modèle impérial dont l'État nation avait semblé triompher au XXe° siècle réapparaît sous les traits du fédéralisme européen. Face aux problématiques clefs des sociétés contemporaines (stabilité financière internationale, environnement et risque climatique, sécurité sanitaire), l'échelon de l'État n'apparaît plus pertinent. Dans les zones de sous-développement humain qui subsistent en Afrique noire et en Asie centrale, l'État est mis en cause. [...]
[...] Cette prérogative éminente des États rend compte de la proximité originelle de l'État et du pouvoir spirituel dont il n'a d'abord constit ué que le pendant séculier. Ainsi, pour paraphraser la formule qui qualifiait les califes de l'Empire ottoman, l'État n'est que l'ombre de Dieu sur terre zill alla hala l'ard L'invention de l'État a eu lieu aux deux pôles du monde civilisé : en Extrême-Orient tout d'abord, puis en Europe occidentale. La structuration très précoce d'un État dans l'Empire chinois (à une période qui correspond chez nous à la haute Antiquité) permet de dessiner les contours phénoménologiques de l'État. [...]
[...] La portée de l'idée d'État nation dépasse très largement la simple coïncidence entre un État et une réalité nationale. Le triomphe de l'État nation, le fait que celui-ci soit devenu la forme de droit commun de la vie internationale, que cette dernière soit même difficilement concevable et stabilisée en dehors de lui, assigne à l'État une dimension nouvelle, identitaire L'État était un instrument d'administration, le dépositaire du pouvoir, il devient aussi une entité investie d'une force symbolique L'ÉTAT AUJOURD'HUI Le paradoxe inhérent à la notion d'État soulignée au seuil de cette fiche caractérise également la situation actuelle de l'État. [...]
[...] Au XIXe° siècle, les États stimulent aux mêmes fins la production des savoirs, aussi bien dans les sciences du vivant (le pastorisme) que dans les sciences sociales (statistique, démographie, économie Cette stimulation et cette captation du savoir ont été méthodiquement analysées par deux ouvrages importants, L'État en France de 1789 à nos jours de Pierre Rosanvallon (1990) et L'État providence, de François Ewald (1986, l'ouvrage paru reprend en fait sa thèse de doctorat) L'ÉTAT PAR EXCELLENCE : L'ÉTAT NATION L'épopée révolutionnaire, puis napoléonienne ne renforce pas seulement les leviers de l'action de l'État. Elle va contribuer de façon décisive à diffuser le modèle spécifique de l'État nation à l'Europe et, par le biais des premières expéditions coloniales, indirectement au reste du monde. Par rapport à l'État a minima (l'État de l'Empire chinois par exemple), l'État nation possède une dimension supplémentaire. [...]
[...] C'est donc l'État qui est le dépositaire exclusif et ultime de la souveraineté. Réciproquement, Bodin démontre que la notion d'État ne peut être pensée en dehors de celle de souveraineté et que c'est précisément le fait d'en être dépositaire qui spécifie l'institution étatique. Moins d'une décennie auparavant, Nicolas Machiavel médite, à la lumière de son expérience de Florentin, sur l'instabilité politique de l'Italie. Bien plus qu'un hymne au machiavélisme selon l'image persistante que nous ont léguée ses contemporains (jusqu'à Léo Strauss), Le Prince (1515) fait la théorie des exigences du gouvernement et de la raison d'État. [...]
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