Près d'un quart des frontières européennes sont antérieures au 19ème siècle et sont depuis longtemps considérées comme stables. Seul un quart des frontières européennes ont moins de 50 ans. La genèse des frontières en Europe est donc le résultat d'un processus de maturation long et souvent douloureux. Selon bien des critères, les frontières actuellement observables sur notre continent peuvent nous paraître « naturelles » : elles délimitent des Etats nation, des peuples une même histoire, une même culture, une même langue et bien souvent une même religion dominante. Dans un tel contexte, il n'est d'ailleurs pas étonnant que la notion de frontière naturelle ait été en grande partie théorisée par des Européens. Mais il ne faut pas oublier que la naissance de ces frontières, depuis le traité de Westphalie en 1648 qui consacre la notion même de frontière eu Europe, a été pour une grande partie le fruit de conflits et de guerres parfois sanglantes. Aujourd'hui, les frontières européennes sont acceptées, intériorisées par les populations.
En Afrique au contraire, la frontière reste une source de discussion, de guerre, comme c'est le cas au Sahara Occidental. La notion même de frontière est importée, est imposée par les Européens lors de la colonisation. Le drame sanglant qui se déroule actuellement au Darfour peut par exemple s'expliquer par la cohabitation au sein d'un même pays de populations d'histoire et de religion différentes. Et paradoxalement, ces mêmes frontières semblent être acceptées dans bien des Etats africains. Des populations séparées par des frontières jouent de cette séparation, arrivent à en tirer des avantages ; dans bien des pays nous voyons même l'émergence d'un certain nationalisme.
Comment donc adapter à l'Afrique la notion de frontière naturelle ? La frontière doit-elle être en quelque sorte naturelle « dès le départ », en respectant les tribus, la géographie d'une région ? Ou cette naturalité ne dépend-elle en réalité que de la capacité qu'ont eue les populations à s'adapter à une frontière en réalité imposée ?
Ceci ne signifie pas pour autant qu'avant l'arrivée des Européens il n'y avait pas d'Etat organisé, comme nous le verrons dans une première partie. Néanmoins, les Etats avant l'arrivée de l'homme blanc étaient plus séparés par des zones de marge que par des frontières à proprement parler. L'arrivée de moyens de transports modernes qui ont amené la disparition de ces marges en amenant des tribus, qui jusqu'alors vivaient de façon autarciques, à se côtoyer, combinée à la volonté de l'homme blanc de clarifier la situation politique, ont amené en Afrique une naissance extrêmement rapide de frontières géographiquement sans ambiguïté. Nous tenterons d'analyser les éléments clés de cette genèse dans une deuxième partie. Enfin, nous montrerons que la naturalité d'une frontière, ou tout du moins le sentiment de naturalité que des populations peuvent ressentir ou non à l'égard d'une frontière, dépend grandement de la capacité qu'a eue l'Etat à s'approprier son territoire, à l'aménager et à le gouverner.
[...] Si l'origine du tracé actuel est des plus contestables, nous sommes cependant placés devant le constat d'un véritable puzzle ethnique et culturel qui ôte tout espoir de meilleure construction administrative. La solution semble alors résider dans une construction régionale approfondie qui, en développant échanges commerciaux et intégration économique, permettrait de surpasser les tensions et litiges frontaliers et offrirait à l'idée de frontière une dimension non plus ethnique ou politique, mais bien humaine. Bibliographie - Géopolitique de l'Afrique et du Moyen-Orient, Roland Pourtier, Nathan - Conférence de M. [...]
[...] Dans ce contexte, le sentiment d'identité nationale tarde à émerger du fait de l'éloignement de la partie sud du pays avec la capitale du pays, Dakar, et cette absence de véritable unité géographique du pays contribue à exacerber les tensions ethniques : elle joue même à plein dans les revendications sécessionnistes d'une partie des Diolas - un peuple animiste de Casamance dans un Sénégal majoritairement musulman - qui estiment ne pas avoir assez de liens avec leurs compatriotes du Nord, pour faire partie du même pays. Le problème de la légitimité des frontières de l'Afrique 6 L'absence de légitimité des frontières africaines La responsabilité des anciennes puissances coloniales, qui ont dessiné les frontières de l'Afrique, paraît donc indéniable dans un certain nombre de cas. [...]
[...] D'où l'importance des problèmes identitaires en Afrique. D'où la difficulté de faire émerger le sentiment d'appartenance à une nation. D'où aussi, de façon plus anecdotique, le nombre de pays africains portant le nom d'un élément géographique et non d'un peuple : ainsi le Tchad est-il un fleuve, le Niger un fleuve et le Cameroun un mont. Alors qu'en Europe, au contraire, beaucoup de noms de pays désignent un peuple : étymologiquement, la France est le pays des Francs, l'Allemagne celui des Alamans Quelques exemples Penchons-nous maintenant sur quelques situations caractéristiques de ces problèmes de frontières. [...]
[...] L'arrivée de moyens de transport modernes qui ont amené la disparition de ces marges en amenant des tribus, qui jusqu'alors vivaient de façon autarcique, à se côtoyer, combinée à la volonté de l'homme blanc de clarifier la situation politique, a amené en Afrique une naissance extrêmement rapide de frontières géographiquement sans ambiguïté. Nous tenterons d'analyser les éléments clés de cette genèse dans une deuxième partie. Enfin, nous montrerons que la naturalité d'une frontière, ou tout du moins le sentiment de naturalité que des populations peuvent ressentir ou non à l'égard d'une frontière, dépend grandement de la capacité qu'a eue l'Etat à s'approprier son territoire, à l'aménager et à le gouverner. [...]
[...] Le conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée en est à ce titre parlant. Le second pays, qui obtint son indépendance aux dépens du premier en 1993, en fait du même coup un pays enclavé en lui barrant l'accès à la mer : l'Ethiopie, qui a repris les hostilités en 1998, rejette encore aujourd'hui l'arbitrage international qui lui fut imposé en 2003. De même, la Somalie, État créé après la Seconde Guerre mondiale, souffre encore de tensions sécessionnistes au nord (principalement le Somaliland, frontalier avec Djibouti), équivalent pratiquement à une partition non officiellement reconnue. [...]
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