L'île Maurice est un petit pays insulaire de l'Océan Indien de 1,2 millions d'habitants. Emancipée en 1968 du joug britannique, la République de l'île Maurice est un patchwork ethnique et culturel dans lequel les enjeux linguistiques, hérités de l'époque coloniale, sont particulièrement exacerbés. Il existe un véritable « paradoxe Mauricien » incarné dans l'adhésion de ce jeune pays, à la fois au Commonwealth depuis l'indépendance en 1968 et à l'Organisation Internationale de la Francophonie depuis mars 1970. Actuellement, Maurice est un des rares pays au monde où la francophonie progresse, tout en ayant été colonie anglaise pendant près de 200 ans. Que ce soit dans les médias, les institutions, l'économie ou la société, le français apparaît comme la deuxième langue la plus usitée derrière le créole mauricien, issus lui-même du français. La présence française remonte au XVIIIème siècle. Une période lointaine mais marquante, tant parce qu'elle fut synonyme d'esclavagisme et d'impérialisme que parce qu'elle posa les bases politiques et socioculturelles d'une nation complexe.
Les enjeux actuels en terme de francophonie sont constitués autours de deux axes. D'un coté, sur le plan national il est question de communautarisme, de rapports de force identitaires dans lesquels la linguistique joue un rôle fondamental. De l'autre, au niveau international, Maurice doit se constituer une diplomatie propre aux petits pays insulaires en développement. C'est-à-dire un équilibre entre dépendance effective et volonté d'émancipation, matérialisé par un attachement pointé de ressentiment aux anciennes « métropoles » de France et de Grande Bretagne ; sans oublier l'Inde avec qui il faut désormais compter.
Pour comprendre le poids de la mémoire coloniale dans la situation actuelle de la francophonie à Maurice, il faut à la fois considérer l'Histoire tourmentée de cette petite république et ne pas oublier à quel point l'insularité tend à amplifier les différents évènements. Il se dégage alors trois grandes périodes durant lesquelles la francophonie a tour à tour été un outil de la domination française, puis un symbole de résistance contre l'impérialisme britannique et enfin la marque de l'influence historique de la France sur Maurice et ses communautés les plus anciennement installées.
[...] La politique menée pendant toute la période anglaise par l'élite francophone a été d'autant plus efficace qu'une fois la décolonisation de Maurice fut effective, les pierres étaient posées pour parachever cet ascendant. L'appropriation du pouvoir politique par la communauté indienne n'a rien changé de l'influence des communautés francophones, elle a plutôt ouvert la voie à une plus grande cohabitation linguistique, voire au plurilinguisme[6]. L'indépendance a néanmoins réveillé l'intérêt direct de la France pour Maurice, et plus seulement à travers le soutien à l'action des Franco-mauriciens. III - Depuis l'Indépendance, la francophonie : un enjeu symbolique, un jeu d'influence 1. [...]
[...] Bien que tournés vers l'Angleterre, car membres du Commonwealth, les Mauriciens n'abandonnent pas pour autant la francophonie. Le pays est membre de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Un sommet de l'OIF a été organisé à Maurice en 1993. L'Association Universitaire pour la Francophonie (AUF) est également présente et très active (colloques, parutions). On a évoqué la place du français à l'école primaire, collège et au lycée. Reste le supérieur, enjeu actuel qui déterminera à l'avenir les calculs scolaires depuis le primaire. [...]
[...] La police compte dans ses rangs quasi exclusivement des Indiens, la position du gouvernement qui a sciemment protégé les policiers fautifs, en validant un rapport incohérent sur cette affaire, a mis le feu aux poudres. Pendant cinq jours, l'île est en crise, les violences entre Indiens et Créoles font plusieurs morts et d'énormes dégâts. On parle encore aujourd'hui de ces évènements avec grande inquiétude. Les problématiques linguistiques sont aujourd'hui l'incarnation du combat intercommunautaire. Celui-ci ne pourrait s'exprimer au travers de la religion ou des positions sociales sans de grandes violences, il s'agit donc d'un échappatoire. [...]
[...] Si l'usage du créole de bases françaises est commun à toutes les communautés et peut donc apparaître comme un atout il ne faut pas négliger l'importance des politiques d'influence en tous domaine menées par la francophonie et ses défenseurs. D'autant que restent latentes les tensions liées à l'histoire de la France à Maurice et notamment les réparations de l'esclavage. Les problèmes économiques et sociaux qui touchent la communauté créole seront un enjeu non négligeable à l'avenir. La francophonie doit ménager ses relais. [...]
[...] On pourrait même dire que c'est une langue mulâtre, issue de l'union du colon/maître et de l'indigène/esclave. Cette position la rend tout à fait délicate à appréhender. C'est actuellement la langue véhiculaire parlée par l'ensemble de la population mauricienne, toutes communautés confondues. On y retrouve ainsi des mots provenant de la langue wolof (Sénégal) de même que des mots dérivés du vocabulaire malgache ou comorien, mélangés au français. Tout le monde parle créole sans que cela ne soit formalisé à l'écrit. [...]
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