Le 10 avril 2006, Dominique de Villepin, Premier Ministre français, annonce le retrait de l'article 8 de la loi sur l'égalité des chances instituant le Contrat Première Embauche (CPE) (Le Monde, 11 avril 2006 : 11). Ce retrait résulte en fait de la crise politique que l'instauration de ce nouveau contrat de travail a engendrée. En effet, adoptée dans la nuit du 8 au 9 février 2006, la loi contenant le CPE a rapidement entraîné l'émergence d'un mouvement étudiant virulent qui n'a pas hésité à manifester, à bloquer l'entrée des universités françaises ou encore à bloquer certaines voies de communication comme les routes ou les chemins de fer. Dans ce contexte d'instabilité politique et de chaos social, le retrait du CPE était nécessaire.
Dès lors, examinons de plus près le Contrat Première Embauche. Le CPE est un contrat à durée indéterminée destiné aux jeunes de moins de 26 ans recrutés dans une entreprise de plus de 20 salariés. Une période de consolidation de 2 ans permet à l'employeur de licencier l'individu sous CPE sans en énoncer le motif, en contrepartie d'une indemnité égale à 8 % du salaire versé si le contrat a été signé depuis plus de 3 mois. De même, dans le cas d'un licenciement effectué plus de quatre mois après la signature du contrat, le salarié licencié reçoit 490 € (soit environ 640 $ CAN) par mois de la part de l'Etat pendant deux mois. D'autre part, la rupture du contrat doit être fixée par un préavis de 15 jours dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de 6 mois et depuis plus d'un mois, et d'un mois dans le cadre d'un contrat conclu depuis plus de 6 mois. Un mois après la signature du contrat, le salarié bénéficie d'un droit individuel à la formation. Notons également qu'un jeune de mois de 26 ans peut être embauché plusieurs fois avec un CPE (France, LOI n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances). En résumé, le Contrat Première Embauche marque le début de la flexibilisation du marché du travail français en permettant à l'employeur d'embaucher plus facilement, et au jeune d'accéder à un premier emploi afin d'acquérir de l'expérience professionnelle.
Dès lors, il s'agit dans un premier temps de se demander pourquoi le gouvernement De Villepin a-t-il voulu instaurer le Contrat première Embauche. On suppose que la situation économique des jeunes et du pays en général a été en partie responsable de l'instauration du CPE. De même, le CPE s'inspire certainement d'antécédents.
Toutefois, une deuxième question nous vient à l'esprit : pourquoi l'adoption de ce nouveau contrat de travail a-t-elle entraîné un mécontentement si fort des étudiants, mais également de l'ensemble de l'opinion publique qui a fini par soutenir les jeunes ? En dépit de la culture politique française d'opposition, comment un seul article d'un projet de loi peut-il impliquer une révolte populaire aussi violente ? Il semble en réalité que le Contrat Première Embauche marque une véritable rupture avec le modèle social français traditionnel.
Enfin, dans une tierce partie, nous nous demanderons de quel modèle social le CPE se rapproche le plus ? Nous lançons alors l'hypothèse que le CPE se situe entre social-démocratie de type scandinave et néolibéralisme anglo-saxon. Reste à savoir si notre hypothèse sera validée.
[...] En réalité, l'Etat providence conservateur est très protecteur et repose sur la Sécurité sociale créée par le général de Gaulle en 1945. Instituant des régimes d'assurances et de protection sociale généreux, le modèle français souhaite confirmer la théorie économique keynésienne selon laquelle un haut niveau de salaire peut engendrer une forte demande et donc de la croissance économique. C'est pourquoi, par exemple, le salaire minimum français s'élève à environ 1197 (soit environ 1560 $ CAN) par mois en 2005, contre 437 (570 $ CAN) au Portugal et 666 (865 $ CAN) aux Etats-Unis, tandis que les pays scandinaves ne possèdent pas de salaires minimums (Eurostat, 2005). [...]
[...] Paris: Presses universitaires de France. Eurostat Salaires minima 2005. Des écarts importants entre Etats membres de l'UE En ligne. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-NK-05-007/FR/KS-NK- 05-007-FR.PDF. (page consultée le 12 novembre 2006). France. Constitution de 1958. En ligne. http://www.conseil- constitutionnel.fr/textes/constit.htm. [...]
[...] (page consultée le 17 novembre 2006). France LOI 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. En ligne. http://www.admi.net/jo/20060402/SOCX0500298L.html. (page consultée le 15 novembre 2006). France LOI quinquennale no 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle. En ligne. http://www.admi.net/jo/19931221/TEFX9300125L.html. (page consultée le 10 novembre 2006). [...]
[...] Dominique de Villepin s'est résolu à annoncer le retrait du CPE Le Monde (Paris) avril : 1. Esping-Andersen, Gøsta L'Etat social sans travail : l'impasse des stratégies de licenciements et du familialisme dans les politiques sociales en Europe continentale Dans Ugo Ascoli, Denis Bouget, Maurizio Ferrera, José Maria Maravall, Yves Mény, Martin Rhodes (dir.), Comparer les systèmes de protection sociale en Europe du Sud. Volume 3. Paris : MIRE : 429-458. Esping-Andersen, Gøsta Les trois mondes de l'État-providence : essai sur le capitalisme moderne. [...]
[...] En effet, Merrien décompose le monde du travail actuel en trois catégories. La première, la strate centrale composée de travailleurs disposant d'un emploi fixe et d'une qualification reconnue (Merrien, 1997), est protégée des aléas économiques que représente la mondialisation. Elle comprend donc les cadres des entreprises ou les fonctionnaires. Ensuite, la deuxième est composée des individus naviguant entre emploi et chômage (Merrien, 1997) qui sont donc très sensibles à la conjoncture économique internationale et qui représentent les outils d'ajustement des entreprises en fonction des besoins de celles-ci. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture