Historien, Tite-Live confère à sa discipline un dessein littéraire, qui doit édifier et idéaliser le passé du monde romain. Très proche d'Auguste, il aide celui-ci dans son entreprise de réhabilitation de la grandeur de Rome, en écrivant Ab Vrbe condita libri, littéralement « les livres depuis la fondation de Rome ». Non objective, son histoire de Rome est un moyen, un mythe au service de la politique, « pour que les hommes se plient à l'autorité en sanctifiant les origines de Rome ».
Rome, comme toute ville, comme tout peuple, a ses mythes d'origine, ceux-ci changeant au gré des circonstances historiques, comme on peut le voir avec Tite-Live, ou encore avec Virgile, à qui l'empereur Auguste demanda pour Rome une épopée digne de l'Iliade et de l'Odyssée, un véritable mythe. Défini comme un récit populaire ou littéraire mettant en scène des êtres surhumains et des actions remarquables, Salluste le considère comme "la relation d'un événement qui n'a jamais eu lieu à propos d'une chose qui existe depuis toujours". Sacré, se rapportant toujours à une création, répété par la force des rites, son instabilité dans le cadre romain peut fournir un argument permettant de conclure à une certaine contingence du mythe à l'histoire. Toute fondation de cité, de royaume ou d'empire appelle alors un fondement mythique, celle-ci semblant supporter la fondation politique, c'est-à-dire la création d'un Etat, qui repose sur une population unie sur un territoire et sur des institutions acceptées de tous, légitimes, une thèse que semble accréditer la production de l'Enéide d'une part, et de l'Histoire de Rome d'autre part, par Virgile et Tite-Live, intervenus en plein déclin de la République romaine, comme dernier espoir d'une refondation politique. L'Etat repose donc à la fois sur des institutions légitimes et sur une communauté unie.
[...] La fondation d'une cité, surtout la création de Rome, constitue un acte capital, du point de vue politique, mais aussi du point de vue des mentalités, même si l'acte proprement dit de la fondation de Rome fut peut- être uniquement dans les mentalités des Romains. Cette fondation consacre la souveraineté politique et par la même occasion, la paix des dieux. On précisait les limites de la Cité et on délimitait un champ céleste afin d'y observer le signe envoyé par les dieux, l'augurium. Dans l'acte même de la fondation, sont ainsi mêlés dès le départ politique et religion, mythe. À chaque Roi, on attribua des particularités, notamment la création d'institutions, propres à la glorifier. B. [...]
[...] J.-C., commence l'histoire même de Rome. Romulus bénéficiera de la renommée s'attachant à la geste du héros fondateur. À la fin de la République, il est idéalisé, et il apparaît comme le type même du chef de guerre et de l'homme d'État. Une véritable mystique romuléenne se développera, et Octave, une fois vainqueur des guerres civiles et fratricides, passera aux yeux de tous pour un véritable Romulus redivivus, pour le second fondateur d'une Rome renaissant de ses ruines et de ses déchirements. [...]
[...] La part de la légende est grande dans cette Loi des XII Tables, sorte de lutte politique romancée et mythifiée par la littérature. Celles-ci n'auraient apparemment pas survécu au sac de Rome, elles auraient donc été reconstituées, comme les autres actes publics, sans doute fidèlement quant au fond, mais dans une forme déjà modernisée[2]. Mais aucun exemplaire ne nous en est parvenu en entier, nous réduisant par conséquent pour leur connaissance encore une fois aux citations nombreuses qui se trouvent éparpillées dans toute la littérature romaine, preuve par ailleurs du lien fort qui unissait littérature et droit sous Rome. [...]
[...] De plus, cet exemple prouve qu'il est aisé de contourner une théorie mythologique afin de conforter le pouvoir en place. Rome est ainsi persuadée de sa perfection ; régnait au sein de la population la conviction que l'on vivait sous la meilleure organisation politique possible dont on respectait les ordres. Le mythe, véhiculé par la littérature romaine, est ici utilisé comme moyen politique, pour légitimer une organisation politique, et au- delà, pour la présenter comme parfaite. De plus, les valeurs sur lesquelles repose Rome contribuent à former un sentiment d'appartenance à un tout : ainsi la fides, qui supposait des devoirs bien remplis en temps de paix et de guerre, ainsi que la loyauté envers les amis, la patrie, à la maison comme à la guerre (domi militiaeque) et la pietas, qui impliquait piété, respect, dévotion, des devoirs religieux strictement remplis, ainsi que des obligations filiales, et patriotiques, constituent des méta-valeurs[1], partagées par tous, et qui alimentent donc le mythe d'une société idéale. [...]
[...] L'unification autour du mythe de la citoyenneté romaine L'unification de la population romaine, pré requis absolu au fonctionnement cohérent de toute communauté politique, fait également l'objet de mythes. En effet, les mythes fondateurs de la société romaine véhiculent l'idée d'une origine commune pour tous les Romains, notamment à travers les écrits des écrivains latins qui se situent à la charnière de la République et de l'Empire. C'est dans cet esprit, et sur commande d'Octave, l'Empereur Auguste, que Virgile rédige entre -29 et l'Enéide, le chant d'Enée. [...]
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