Jacques Ion avance la thèse selon laquelle la fin éventuelle de la militance ne signifie pas pour autant la fin de l'engagement et montre qu'émerge une nouvelle figure du militant en rupture avec le modèle traditionnel français de l'implication dans l'espace public. Ainsi, après avoir exposé le modèle traditionnel et la spécificité française de l'acte d'association, l'auteur tente de distinguer les facteurs qui amènent l'idée d'une crise du militantisme et d'établir le type nouveau d'engagement qui caractérise notre époque. Nous tenterons donc, dans un premier temps, une synthèse de l'ouvrage de Jacques Ion puis nous essaierons d'en faire une critique
[...] Le modèle traditionnel du militant s'est donc construit parallèlement à la revendication au droit d'association et au droit de syndicalisation, ainsi que parallèlement à l'émergence des partis politiques. Alors, que la spécificité française du refus de tout intermédiaire entre la Nation et le citoyen supposait un engagement sur le mode sociétaire, le militant apparaît comme une figure mixte, doublement intégré : il est toujours et tout à la fois et membre d'une communauté et éclaireur d'un destin de type sociétal Or cette figure traditionnelle est aujourd'hui de plus en plus remise en question et l'on observe un désengagement dans l'espace public ; l'on parle même de la fin des militants La crise du modèle traditionnel : Jacques Ion met en avant trois ensembles de contestations du modèle traditionnel de l'engagement : celui concernant l'organisation en réseaux des différents groupements, celui qu'il qualifie de dépérissement du nous et les critiques des pratiques traditionnelles des groupements militants. [...]
[...] Or définir un nous c'est aussi définir un ils désignant tous les non militants extérieurs au groupement. Un certain nombre d'éléments marquent cette frontière entre le groupement et l'extérieur : ce sont l'ensemble des rites : rites d'entrée, rites de confirmation de l'identité, ou les objets rappelant l'adhésion tels que la carte d'adhésion. Le nous est manifesté et célébré afin d'exprimer la force du collectif vis à vis de l'extérieur mais aussi afin de rappeler à l'intérieur la négation des différences entre les militants. [...]
[...] Ainsi, il s'agit moins d'une fin des militants que de l'émergence d'une nouvelle forme d'engagement qui remet en cause le modèle mixte français d'association. Cette valorisation du je individuel semble plus proche de l'esprit de la loi 1901 et entraîne des bouleversements dans l'horizon même du militantisme. L'engagement distancié permet en effet l'ouverture des causes au plan mondial : le militant n'est plus nécessairement l'adhérent et n'est plus nécessairement l'adhérent qui défend le nous collectif auquel il appartient. Ainsi, les nouvelles causes telles que l'écologie ou l'humanitaire s'inscrivent dans ce nouveau type d'implication de soi. [...]
[...] Ainsi Martine Barthélémy écrit dans Associations : un nouvel âge de la participation ? : Pour les sans- papiers, les victimes de la précarité ou du Sida, le registre dominant de la mobilisation est celui de l'humanitaire, catégorie à la fois universelle et incarnée dans une situation locale et circonscrite De plus, les mouvements anti-mondialisation ont cette spécificité d'être en grande partie constitués par des électrons libres manifestant sans encadrement par une association, un syndicat ou un parti politique. On peut donc regretter l'absence, dans l'ouvrage, d'une étude plus approfondie de ces mouvements ou associations humanitaires ou écologiques qui semblent bien être une nouvelle forme de militantisme. [...]
[...] Cette dénonciation s'exprime par l'abandon du juridisme, de la langue de bois et par la critique des mécanismes de délégation. Ainsi, alors que les règles juridiques avaient une portée symbolique forte et permettaient la négation des particularismes et des différences au sein du mouvement dans le modèle traditionnel, on assiste aujourd'hui à un relatif abandon de ces règles. De plus en plus d'associations fonctionnent sans carte de membres, sans rappel systématique et formel des cotisations etc Si le juridisme n'a pas partout disparu, il n'en n'est pas moins déritualisé et perd de sa solennité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture