Au moment où la construction européenne semble s'enfermer dans une dialectique insoluble entre élargissement et approfondissement et qu'elle n'a toujours pas acquis la maturité politique du projet fédéral dont elle se réclame, il n'est pas inutile d'étudier les caractéristiques et les perspectives du fédéralisme belge, et ce pour deux raisons. D'abord parce que le fédéralisme politique – peut-être en raison du faible nombre d'expériences fédérales –, est un des concepts les moins analysés par les penseurs de la politique. Ensuite et surtout parce que le fédéralisme belge présente des particularités qui le rendent unique à plus d'un titre et qui illustrent le lien fort entre l'évolution historique et l'architecture institutionnelle des Etats.
Certes, il n'existe pas d'archétype d'Etat fédéral et chacun s'est doté d'institutions et de modes de fonctionnement propres, répondant à sa culture politique spécifique. Mais le fédéralisme belge obéit à des logiques tout à fait différentes de celles qui ont présidé à la formation de la plupart des Etats fédéraux, dont les cas allemands et américains restent les plus étudiés.
S'étant développé progressivement dans un processus de dissociation, il apparaît aujourd'hui remis en cause par les contradictions inhérentes à la stratification de l'Etat fédéral belge et aux tensions bipolaires qui s'y expriment.
[...] Sur le plan juridique, l'autonomie et l'égalité sont les deux principes qui président à cet arrangement institutionnel : non seulement les entités fédérées possèdent leurs propres autorités exécutives et législatives et leurs propres modes de fonctionnement, mais dans une logique d'équipollence des normes, les compétences qui leur sont attribuées sont exclusives et de même valeur que celles du pouvoir fédéral. Cette particularité et le fait que les entités fédérées disposent d'une certaine liberté sur la scène internationale confirment l'hypothèse que l'État belge est partiellement confédéral. Cette fédéralisation à géométrie variable de la Belgique est néanmoins transitoire et n'a pas encore atteint un équilibre satisfaisant. Loin d'être une doctrine politique homogène s'assignant un but collectivement défini, elle est apparue aux élites belges comme un mode pragmatique de conciliation entre les différentes tensions communautaires. [...]
[...] La Constitution adoptée l'année suivante faisait de l'État belge une monarchie constitutionnelle et parlementaire, reposant sur une structure unitaire classique. Mais les germes de l'évolution historique progressive qui aboutit au fédéralisme étaient déjà présents. Le français, langue d'une Révolution avant tout francophile et bourgeoise, fut consacré seul langage officiel alors même que la population flamande était majoritaire. Subissant le dédain et les discriminations de la classe dirigeante et des francophones, les Flamands initièrent un mouvement revendicatif, centré sur une exigence d'autonomie culturelle et linguistique. [...]
[...] Revêtant une dimension de compromis, le caractère fédéral de l'État belge est officiellement entériné depuis 1993 par l'article 1er de la Constitution. Il reflète par ailleurs la dynamique historique qui l'a engendré : des compétences ont été explicitement dévolues par vagues successives aux entités fédérées alors que le pouvoir fédéral ne dispose que des compétences résiduelles, principalement régaliennes, qui rappellent l'unicité originelle de la souveraineté étatique. L'édification évolutive de l'État fédéral belge est ainsi spécifique et cette singularité se retrouve dans l'organisation institutionnelle qui en a découlé. II. [...]
[...] Dans la seconde moitié du 20e siècle, l'incompréhension et la défiance se développées entre les deux communautés, chacune ayant ses propres intérêts, ses propres valeurs et surtout une conception très personnelle du processus de fédéralisation : alors que les Francophones estiment qu'il a atteint une certaine stabilité, les voix du nationalisme flamand revendiquent énergiquement plus d'autonomie et appellent même de leurs vœux une organisation confédérale. La bipolarisation de la société belge, transcrite juridiquement dans l'organisation de certaines institutions fédérales, rend ainsi tout à fait envisageable la dissolution prochaine de l'État belge. Le fédéralisme de dissociation belge porte dans les causes mêmes qui ont présidé à sa formation les éléments de sa future désagrégation. Arrangement singulier, mais fragile, il est pourtant le dernier rempart contre la dislocation de la Belgique. [...]
[...] Le fédéralisme belge ou la perfusion institutionnelle : comment faire survivre un État à la souveraineté précaire ? Au moment où la construction européenne semble s'enfermer dans une dialectique insoluble entre élargissement et approfondissement et qu'elle n'a toujours pas acquis la maturité politique du projet fédéral dont elle se réclame, il n'est pas inutile d'étudier les caractéristiques et les perspectives du fédéralisme belge, et ce, pour deux raisons. D'abord parce que le fédéralisme politique peut-être en raison du faible nombre d'expériences fédérales est un des concepts les moins analysés par les penseurs de la politique. [...]
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