Le premier ministre représente à lui seul les contradictions de la Ve République : à mi-chemin entre un régime parlementaire et un régime présidentiel, mais se rapprochant de plus en en plus de ce dernier, elle fait du premier ministre le « parent pauvre de nos institutions » (Mitterrand). Le problème réside tout entier dans les différentes interprétations qu'on a pu faire de la Constitution, à savoir ce qu'on a appelé l'écart de la lettre à la pratique. À tel point que certains, comme Jack Lang, proposent aujourd'hui d'aller jusqu'à la suppression pure et simple de la fonction de premier ministre.
Comment justifier qu'on puisse se passer d'une figure aussi importante ? Le premier ministre n'a-t-il pas encore un véritable rôle à jouer au sein de la Ve République ?
[...] De plus, il a un pouvoir réglementaire : c'est le premier producteur de normes. Exception faite des décrets délibérés en Conseil des ministres, tous les décrets sont soumis à la signature du Premier ministre et du ministre concerné uniquement (ils correspondent à environ 1500 par an). De plus l'article 39 lui confère, concurremment aux parlementaires, l'initiative de la loi. Il peut également saisir le Conseil Constitutionnel. Il est enfin, selon l'article 20, le directeur de l'Administration et le responsable de la défense nationale. [...]
[...] S'est de plus affirmée dans la pratique des institutions une véritable prééminence présidentielle, qui fait passer la figure du Premier ministre au second plan, voire même loin derrière. C'est l'omniprésence présidentielle, qui semble être partout, sur tous les fronts, donnant à penser que chef de l'Etat et chef de gouvernement ne font plus qu'un. Ainsi à partir de 1962, les Présidents ont commencé à se faire élire sur des programmes de gouvernement. Déjà en 1969 la tension se fait sentir lorsque J Chaban-Delmas, dans son discours sur la nouvelle société manifeste de l'indépendance et de l'initiative par rapport aux orientations présidentielles. [...]
[...] Il est le point d'articulation entre l'Elysée et les ministres. Ainsi en reprenant la conférence de presse de De Gaulle du 31 janvier 64 on peut lire : Le Président est évidemment seul à détenir et à déléguer l'autorité de l'Etat. Mais précisément la nature, l'étendue, la durée de sa tâche impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans relâche et sans limites, par la conjoncture, politique, parlementaire, économique et administrative. Au contraire, c'est là le rôle, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier ministre français. [...]
[...] Pour De Gaulle il n'y a aucun doute que le chef du gouvernement est le président, et il accepte mal qu'on appelle le Premier ministre de cette façon. Mais pour Michel Debré, grand admirateur du système britannique, le Premier ministre est indispensable afin de permettre au Président de se comporter comme un arbitre au dessus de la mêlée. Ainsi au moment de la rédaction de la Constitution se pose la question de la dyarchie ou non au sommet de l'exécutif. [...]
[...] Ainsi dans le commentaire de la Constitution publié en 1959 à partir d'entretiens avec des membres du gouvernement qui ont participé à la rédaction des textes constitutionnels, on peut lire : Le régime prévu par la Constitution est un régime parlementaire. Il n'y a qu'un seul chef du pouvoir exécutif : le Premier ministre. En effet dans les textes, il est véritablement à la tête du pouvoir exécutif. Car si certains domaines, selon l'article 5 relèvent uniquement des compétences du chef de l'Etat (ce qu'on appelle les pouvoirs propres) d'autres sont partagés ou bien complètement à la charge de Matignon. [...]
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